Les scientifiques prédisent en revanche une augmentation moyenne de la température mondiale de plus de 3°C d’ici à la fin du XXIe siècle. Les conclusions de l’étude viennent d’être publiées dans la revue Nature.
"Il est surprenant que ces engagements soient si peu ambitieux", soulignent les scientifiques qui mettent en avant le grand décalage entre l’objectif de l’Accord de Copenhague visant à maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2°C et les déclarations d’intention de nombreux pays quant à leurs réductions en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES).
Cette étude montre que, sans objectifs internationaux plus ambitieux, les émissions de GES augmenteront jusqu’en 2020 de 10 à 20 % par rapport aux niveaux actuels, pour atteindre un total de 47,9 à 53,6 Gt d’équivalent CO2 en 2020. Dans ces conditions, il y aura plus de 50 % de chances que le réchauffement planétaire soit supérieur à 3° C d’ici la fin de ce siècle.
L’étude rappelle que, pour limiter l’augmentation du réchauffement à deux degrés, il faut impérativement limiter les émissions mondiales de GES à 40-44 Gt d’équivalent CO2 pour 2020, contre environ 47 Gt 2009. ensuite, le rythme de diminution doit être plus rapide puisqu’il faudrait descendre à 35 Gt en 2030 et 20 Gt en 2050 pour avoir plus de 50 % de chance d’empêcher un dérèglement climatique majeur.
Le Dr Malte Meinshausen du PIK, co-auteur de l’étude, souligne que "Des émissions de CO2 atteignant les 48 Gt en 2020 ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 2°C." Or, sur la pente actuelle, nous allons vers une élévation de la température globale de plus de 3°C à l’horizon 2100.
A l’issue de Copenhague, 76 pays, responsables de 80 % des émissions de GES sur la planète, se sont engagés à réduire leurs émissions d’ici 2020. Mais dans les faits, seuls deux pays industrialisés semblent jusqu’ici avoir proposé des réductions d’émissions de GES compatibles avec l’objectif de 2°C, le Japon et la Norvège.
es Etats-Unis propose pour 2020 un taux inférieur de 17 % aux taux de 2005, ce qui équivaut à 3 % en dessous des taux de 1990, ce qui est très insuffisant pour être sur le rythme de diminution nécessaire de nos émissions de CO2 pour atteindre une division planétaire par deux d’ici 2050.
La Chine, premier émetteur mondial de CO2, elle se fixe comme seul objectif une réduction de l’intensité d’émissions de GES de 40 % (c’est-à-dire un taux d’émissions relatif au produit national brut du pays) par rapport à 2005.
Enfin, les engagements pris par l’Union Européenne en termes d’émissions de GES, une baisse des émissions de l’ordre de 20 à 30 % pour l’année 2020 par rapport à 1990, sont insuffisantes : en effet si c’est le chiffre de 20 % qui est retenu, cela correspond à un rythme de réduction annuel inférieure à la moyenne des réductions observées dans les 30 dernières années.
Sans avoir participé directement à cette étude, le climatologue américain de réputation mondiale James Hansen, directeur de l’institut Goddard d’études spatiales de la NASA, n’a fait que confirmer les craintes exprimées dans cette étude lors de sa récente audition devant l’Assemblée nationale le 12 mai.
Soulignant que notre planète n’était capable d’absorber que la moitié du CO2 émis par l’homme, il a rappelé qu’il fallait impérativement diminuer de moitié nos émissions mondiales de CO2 d’ici 2050, ce qui suppose une diminution de 75 % par habitant dans les pays développés.
Pour lui, ce défi ne peut être relevé par les seuls mécanismes du marché et les « bourses » du carbone et autres systèmes d’échange de quotas. Il préconise une taxe carbone mondiale et un coût du CO2 qui croisse de façon continue car une telle taxe adoptée par un seul pays ou ensemble géopolitique nuirait à ses entreprises.
Selon lui, les Chinois seraient d’accord pour une taxe carbone mondiale car ils investissent massivement dans les énergies renouvelables et dans le nucléaire et sont particulièrement menacés par les conséquences du réchauffement climatique, notamment en raison de leur nombreuse population côtière.
Hansen souligne qu’il est utopique de vouloir de plafonner les émissions de CO2 à un niveau mondial. Selon lui, la Chine ou l’Inde n’a aucune raison d’accepter un tel plafonnement car leurs émissions par tête sont de cinq à 10 fois inférieures à celles des Etats-Unis ou de l’Europe.
Il rappelle par ailleurs que depuis l’instauration du protocole de Kyoto, l’augmentation des émissions s’est sensiblement accélérée au lieu de diminuer.
Selon Hansen, les principales économies doivent s’entendre sur une taxe carbone mondiale. Ceux qui la refuseraient seraient soumis à une taxation de leurs exportations aux frontières que l’OMC ne pourrait refuser car elle serait universelle et équitable.
Cette taxe augmentera régulièrement le prix des énergies fossiles, accélérera la nécessaire transition énergétique vers une économie décarbonnée et stimulera le développement technologique.
Le temps est donc venu de faire de la valeur carbone un facture-clé dans les échanges commerciaux internationaux si nous voulons réussir à réduire dans des proportions suffisantes nos émissions humaines de CO2 pour éviter un dérèglement irréversible et majeur du climat aux conséquences incalculables pour l’humanité.
[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët