Depuis sa création en 1947, l’horloge de l’apocalypse, ou « Doomsday Clock », sert de baromètre symbolique pour mesurer les menaces pesant sur l’humanité. En 2025, l’aiguille a été avancée à 89 secondes avant minuit, marquant ainsi un record inquiétant dans son histoire. Cette décision, prise par le Bulletin of the Atomic Scientists, reflète une situation mondiale où les risques liés aux armes nucléaires, au changement climatique, aux technologies disruptives et aux menaces biologiques s’intensifient. Les experts appellent à une action immédiate pour éviter une catastrophe globale.
Une situation inédite : 89 secondes avant minuit
Le réglage de l’horloge à 89 secondes avant minuit en 2025 représente le point le plus proche de l’apocalypse jamais enregistré. Cette décision a été prise par le Science and Security Board (SASB) du Bulletin des scientifiques atomiques, en consultation avec son conseil de sponsors, composé notamment de neuf lauréats du prix Nobel. Les facteurs ayant influencé cette décision incluent les tensions nucléaires croissantes, l’accélération du changement climatique, les risques biologiques et l’émergence de technologies potentiellement destructrices.
Daniel Holz, président du SASB et professeur à l’Université de Chicago, a souligné l’urgence d’une prise de conscience collective : « L‘objectif de l’horloge de l’apocalypse est de susciter un débat mondial sur les menaces existentielles qui préoccupent les scientifiques. Les dirigeants doivent engager des discussions sur ces risques avant qu’il ne soit trop tard. Réfléchir à ces enjeux vitaux et amorcer un dialogue sont les premiers pas pour éloigner l’aiguille de minuit. »
Les tensions nucléaires : un risque grandissant
Les menaces nucléaires occupent une place centrale dans l’évaluation des risques. Manpreet Sethi, membre du SASB et chercheur au Centre for Air Power Studies de New Delhi, a alerté sur la détérioration des traités de désarmement car ces dynamiques accroissent le risque d’une escalade incontrôlée : « La Russie a suspendu sa participation au traité New START et retiré sa ratification du Traité d‘interdiction complète des essais nucléaires. La Chine, quant à elle, augmente rapidement son arsenal nucléaire. Les États-Unis, traditionnellement voix de la prudence, semblent désormais enclins à renforcer leur posture nucléaire. »
L’idée d’une utilisation « limitée » des armes nucléaires, parfois évoquée dans les cercles stratégiques, est particulièrement préoccupante. Manpreet Sethi met en lumière l’urgence de rétablir un dialogue international sur le désarmement : « une telle confiance mal placée pourrait nous conduire à une guerre nucléaire par inadvertance. »
Technologies disruptives : des défis émergents
L’intégration de l’intelligence artificielle dans les systèmes militaires soulève des questions éthiques et stratégiques majeures. Herb Lin, expert en cybersécurité à l’Université de Stanford, a interrogé : « Dans quelle mesure les machines devraient-elles participer aux décisions militaires, notamment celles impliquant des armes létales ? Même si un humain prend la décision finale, l‘utilisation de l’IA pour soutenir ce processus pose des problèmes complexes. »
En effet, les armes autonomes, capables d’identifier et de détruire des cibles sans intervention humaine, représentent un autre défi de taille.
Par ailleurs, l’écosystème informationnel mondial, déjà fragilisé par la désinformation, pourrait être encore plus perturbé par l’IA. Herb Lin a ajouté : « L‘intelligence artificielle a le potentiel d’amplifier le chaos et le désordre, sapant ainsi la capacité des sociétés à relever des défis complexes. » Ces technologies, bien que prometteuses, nécessitent une régulation rigoureuse.
Changement climatique : des impacts dévastateurs
L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, avec des événements climatiques extrêmes dévastateurs. Robert Socolow, professeur émérite à l’Université de Princeton, a souligné à cet effet : « Les inondations, les cyclones tropicaux, les vagues de chaleur, les sécheresses et les incendies ont frappé des sociétés et des écosystèmes à travers le monde. Pourtant, les émissions de gaz à effet de serre continuent d‘augmenter, et les investissements pour lutter contre le changement climatique restent insuffisants. »
Cette situation exige une mobilisation accrue pour réduire les émissions et adapter les infrastructures aux nouvelles réalités climatiques. Le Pr. Socolow a insisté sur la nécessité d’une action coordonnée à l’échelle internationale pour éviter les pires scénarios.
Des menaces biologiques : un risque persistant
Les maladies infectieuses et les risques biologiques restent également une préoccupation majeure. Suzet McKinney, experte en santé publique, a noté : « La pandémie de COVID-19 a accru la méfiance envers les recommandations des autorités sanitaires, notamment concernant les mesures de prévention. Par ailleurs, la prolifération des laboratoires étudiant des agents pathogènes et l‘utilisation malveillante de l’IA dans la recherche biologique posent de nouveaux défis. » Ces risques nécessitent une surveillance renforcée et une coopération internationale.
L’expert a appelé à la création d’autorités compétentes pour fournir des informations fiables et à la réduction du nombre de laboratoires à haut risque. Elle a également souligné l’importance de mettre fin aux programmes d’armes biologiques.
Enfin, Juan Manuel Santos, ancien président de la Colombie et lauréat du prix Nobel de la paix, a participé à l’annonce de l’horloge de l’apocalypse 2025. Il a lancéun appel qui résonne comme un avertissement solennel face à l’urgence de la situation : « Alors que les aiguilles se rapprochent de minuit, nous lançons un appel passionné à tous les dirigeants : le moment d‘agir ensemble est venu ! Les menaces existentielles que nous affrontons ne peuvent être résolues que par un leadership audacieux et une coopération à l’échelle mondiale. Chaque seconde compte. »
Le Bulletin of the Atomic Scientists, fondé en 1945 par Albert Einstein et J. Robert Oppenheimer, continue de jouer un rôle essentiel dans la sensibilisation aux risques globaux. L’horloge de l’apocalypse reste un symbole puissant de la vulnérabilité de l’humanité face aux catastrophes qu’elle a elle-même engendrées.
Source : BAS