Des scientifiques ont montré qu’il est désormais possible pour des ordinateurs de réfléchir aussi vite que la lumière elle-même.
Des chercheurs de l’université finlandaise d’Aalto viennent de réaliser une avancée majeure dans le domaine du calcul optique. Leur méthode permet d’effectuer en une seule propagation lumineuse des opérations tensorielles complexes, celles-là même qui constituent le socle de toutes les applications d’intelligence artificielle modernes. Face aux limites physiques des processeurs graphiques traditionnels, submergés par l’explosion des volumes de données, la lumière s’impose comme une alternative radicale.
Pourquoi c’est un tournant ?
Les opérations tensorielles représentent bien davantage que de simples additions ou multiplications. Elles s’apparentent aux manipulations d’un Rubik’s cube dans des dimensions multiples : rotations, découpes, réarrangements simultanés. Tandis que les humains et les ordinateurs classiques doivent décomposer les tâches en étapes successives, la lumière peut les accomplir instantanément, grâce à ses propriétés physiques intrinsèques.
« Notre méthode effectue le même type d’opérations que les GPU actuels gèrent, comme les convolutions et les couches d’attention, mais le fait à la vitesse de la lumière », indique le Dr Yufeng Zhang. « Au lieu de passer par des circuits électroniques, ils utilisent les propriétés naturelles de la lumière, capable de traiter une quantité énorme de données simultanément et sans effort. »
Comment ça fonctionne ?
Pour illustrer la portée de son innovation, le Dr Zhang propose la comparaison suivante. Imaginons un douanier contraint d’inspecter chaque colis à travers plusieurs machines aux fonctions distinctes, avant de les trier dans les bonnes catégories. Normalement, il traiterait les colis un par un. La méthode de calcul optique fusionne tous les colis et toutes les machines ensemble grâce à des « crochets optiques » qui relient instantanément chaque entrée à sa sortie correcte . En une seule passe de lumière, inspections et tri s’accomplissent en parallèle.
Les calculs se font donc directement pendant que la lumière traverse un système optique, sans avoir besoin de pilotage électronique. Et ce procédé est si simple qu’il serait bientôt possible de l’installer sur des puces spéciales minuscules. « Cette approche peut être mise en œuvre sur pratiquement n’importe quelle plateforme optique », souligne le professeur Zhipei Sun, qui dirige le groupe Photonique d’Aalto. « À l’avenir, nous prévoyons d’intégrer ce cadre de calcul directement sur des puces photoniques, permettant aux processeurs basés sur la lumière d’effectuer des tâches d’IA complexes avec une consommation d’énergie extrêmement faible ».
Un horizon commercial pas si lointain
Les chercheurs ne se contentent pas d’explorer les possibilités théoriques. Leur objectif consiste à déployer la méthode sur les infrastructures matérielles existantes, développées par les grandes entreprises technologiques. Le Dr Zhang estime, de manière prudente, que l’intégration à de telles plateformes pourrait intervenir d’ici trois à cinq ans.
Au-delà des performances brutes, la question énergétique s’impose également comme un enjeu central. Les GPU actuels, bien qu’extrêmement puissants, consomment des quantités d’énergie considérables pour traiter les tâches d’IA toujours plus gourmandes. La transition vers le calcul optique pourrait transformer radicalement l’équation économique et environnementale de l’intelligence artificielle.
« Cela créera une nouvelle génération de systèmes de calcul optique, accélérant considérablement les tâches d’IA complexes dans une myriade de domaines », conclut le Dr Yufeng Zhang.
Article : « Direct tensor processing with coherent light » – DOI : 10.1038/s41566-025-01799-7
Source : Aalto U.











