Et si un matériau était capable de transformer la lumière du soleil en électricité mieux que le silicium, à moindre coût, et qui pourrait aussi servir dans les écrans ultra-lumineux ou les lasers de demain. Ce matériau, c’est le pérovskite. Jusqu’ici, il était trop fragile et imprévisible pour être utilisé dans des produits du quotidien. Mais une équipe de chercheurs britanniques vient de faire un pas de géant : ils ont appris à le construire couche par couche, comme un mille-feuille atomique parfaitement ordonné. Et ça change tout.
Le pérovskite, une star coincée en labo
Depuis une dizaine d’années, les scientifiques sont enthousiastes devant les pérovskites — des matériaux capables d’absorber ou d’émettre la lumière avec une efficacité bluffante. En théorie, ils pourraient remplacer le silicium dans les panneaux solaires, rendre les téléviseurs plus lumineux, ou même aider à développer des technologies quantiques.
Mais en pratique ? C’est une autre histoire. Ces matériaux sont instables, se dégradent vite, et surtout, personne ne savait vraiment comment les fabriquer avec précision. Un peu comme essayer d’assembler un puzzle sans voir les contours des pièces : les éléments ne s’ajustent pas toujours comme il faut.
« Beaucoup de recherches utilisaient des méthodes liquides, un peu désordonnées, difficiles à maîtriser », indique le professeur Sam Stranks, l’un des chefs de l’équipe à l’Université de Cambridge. Résultat : impossible de contrôler l’épaisseur ou l’alignement des couches — ce qui est crucial pour faire fonctionner correctement un dispositif électronique.
La solution ? Construire atome par atome, en vapeur
L’équipe a eu une idée simple mais géniale : utiliser une technique déjà employée dans l’industrie des puces électroniques — la croissance en vapeur. Plutôt que de tremper des plaques dans des liquides, ils ont déposé les atomes un par un, en les faisant “atterrir” dans l’ordre parfait sur une surface.
Résultat ? Des couches ultra-minces, ajustées au millième d’atome près. Ils ont même réussi à combiner deux types de pérovskites (en 2D et en 3D) pour créer des structures sur mesure — un peu comme assembler des briques de Lego de tailles et de formes différentes, mais en étant sûr qu’elles s’emboîtent parfaitement.
« On voulait construire un cristal parfait, où chaque couche a une composition différente. Et on y est arrivés », raconte le Dr Yang Lu, l’un des premiers auteurs de l’étude. « C’est comme bâtir une maison depuis les fondations, brique par brique, mais avec des matériaux bien plus faciles et moins chers à travailler. »
Des commutateurs à l’échelle atomique pour contrôler la lumière et l’électricité
Mais le plus impressionnant, c’est ce qu’ils ont fait aux frontières entre les couches. En modifiant légèrement la façon dont elles sont fabriquées, les chercheurs peuvent décider si les électrons (porteurs d’électricité) restent collés à leurs “jumeaux positifs” — ce qui produit de la lumière — ou s’ils sont séparés — ce qui génère de l’électricité.
« On peut choisir le type de jonction qu’on veut, juste en changeant un peu les conditions de fabrication », s’enthousiasme le professeur Sir Richard Friend, co-responsable de l’étude. C’est un peu comme installer un commutateur à l’échelle atomique qui décide si votre matériau va briller… ou produire du courant.
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : les charges électriques vivent jusqu’à 10 fois plus longtemps dans ces nouvelles structures — ce qui signifie moins de perte d’énergie, donc plus d’efficacité.
Et maintenant ?
Cette découverte, publiée dans la prestigieuse revue Science, n’est pas encore dans vos panneaux solaires ou vos téléviseurs. Mais elle ouvre une porte immense : celle de la production industrielle. Parce que la méthode utilisée — la croissance en vapeur — est déjà employée à grande échelle pour fabriquer les puces de nos smartphones ou ordinateurs.
« Ça montre qu’on peut vraiment fabriquer des semi-conducteurs performants avec les pérovskites », conclut Stranks. « Un jour, ça pourrait révolutionner la façon dont on produit de l’électricité solaire bon marché, ou des écrans plus beaux et moins gourmands en énergie. »
Il reste encore du chemin : tester la durabilité, adapter les lignes de production, valider en conditions réelles. Mais pour la première fois, le rêve des pérovskites ne semble plus si loin. Le futur de l’énergie et de l’éclairage pourrait bien tenir… dans un sandwich.
L’étude, intitulée « Layer-by-layer epitaxial growth of perovskite heterostructures with tunable band offsets », a été publiée dans Science (2025). Elle a été financée par des organismes comme la Royal Society et le Conseil européen de la recherche. Les chercheurs principaux, Sam Stranks et Richard Friend, sont basés à l’Université de Cambridge. DOI : 10.1126/science.adx5685
Source : Cambridge U.











