Des scientifiques ont inventé des vitres fabriquées à partir de bambou, capables de s’assombrir automatiquement quand il fait chaud et de redevenir claires quand la température baisse. Selon une étude, leur innovation pourrait permettre de réduire considérablement la facture énergétique des bâtiments, qui consomment actuellement 40 % de l’énergie mondiale. Plus solides que le verre traditionnel et bien meilleures pour l’environnement, ces fenêtres végétales pourraient transformer notre manière de construire.
Du bambou aux fenêtres : un procédé étonnamment simple
Nous le savons tous : les fenêtres laissent entrer la lumière, mais aussi les désagréments. En été, elles transforment nos intérieurs en fournaise. En hiver, elles laissent échapper la précieuse chaleur. Le double vitrage améliore les choses, mais coûte cher et nécessite beaucoup d’énergie pour être fabriqué. Une équipe de chercheurs a donc décidé d’explorer une piste radicalement différente en se tournant vers le bambou, une plante qui pousse à une vitesse fulgurante.
Leur recette reste accessible : ils plongent des planches de bambou aplaties dans un bain d’acide spécial chauffé à 60 °C pendant six heures. Ce traitement élimine la lignine, la substance qui donne sa couleur foncée au bois, tout en conservant les fibres de cellulose qui assurent la solidité. Les planches ainsi traitées sont ensuite compressées sous forte pression jusqu’à ce que leur épaisseur diminue de 80 %.
Le matériau obtenu surprend par ses performances. En effet, il affiche une résistance trois fois supérieure à celle du bambou ordinaire et surpasse tous les matériaux transparents d’origine végétale testés jusqu’à présent. Surtout, il encaisse des chocs qui briseraient net du verre classique – un atout considérable pour éviter les accidents domestiques.

Une fenêtre intelligente qui réagit toute seule
L’élimination de la lignine rend le bambou blanc et laisse passer 78 % de la lumière, tout en créant un léger effet brumeux qui diffuse agréablement la luminosité dans la pièce et évite l’éblouissement direct du soleil.
Mais l’astuce véritable réside dans l’ajout d’un film ultrafin – dix fois plus mince qu’un cheveu – déposé sur la surface. Ce revêtement contient des particules microscopiques d’un matériau baptisé W-VO₂. Lorsque la température grimpe jusqu’à 50 °C (par exemple en plein soleil d’été), ces particules changent de structure et se mettent à bloquer une partie des rayons infrarouges responsables de la chaleur, réduisant ainsi de près de 10 % l’énergie solaire qui pénètre dans le bâtiment. Quand la température redescend, le vitrage redevient automatiquement plus transparent. Aucun interrupteur, aucune électricité : la fenêtre s’adapte d’elle-même.

Des économies d’énergie qui varient selon les régions
Pour vérifier l’intérêt pratique de leur invention, les chercheurs ont simulé par ordinateur une petite pièce de 25 m² au sol équipée de 10 m² de ces fenêtres en bambou. Les résultats montrent des économies annuelles sur le chauffage et la climatisation allant de 5,6 % dans les régions chaudes du sud de la Chine à seulement 1,6 % dans les zones plus froides du nord. Logiquement, l’effet est plus marqué là où le soleil tape fort.
Au-delà des économies d’énergie, le bilan environnemental impressionne : fabriquer ces vitres végétales génère 35 % de gaz à effet de serre en moins que produire du verre ordinaire, 46 % de particules polluantes en moins, et réduit de moitié les substances toxiques libérées dans l’environnement. Cerise sur le gâteau : en fin de vie, le matériau se décompose naturellement et les particules métalliques peuvent être récupérées et réutilisées, contrairement au verre qui finit souvent en décharge.
Une production à grande échelle bientôt possible ?
Les scientifiques affirment que leur technique peut s’intégrer facilement dans les usines existantes qui fabriquent déjà des panneaux de bambou. Ils estiment pouvoir produire des vitres de 2 mètres sur 1 mètre à des prix compétitifs face au verre performant actuel, à condition de dépasser une production annuelle de 10 000 m².
Quelques obstacles subsistent néanmoins : il faudra vérifier que le matériau résiste bien aux rayons ultraviolets du soleil sur le long terme et qu’il répond aux normes de sécurité incendie exigées dans la construction. Les chercheurs se montrent toutefois optimistes, car la cellulose possède naturellement une capacité à former une couche carbonisée qui ralentit la propagation des flammes.
Si cette innovation se répandait largement, l’impact pourrait être considérable. Les auteurs de l’étude calculent que remplacer les fenêtres des bâtiments chinois par leur vitrage en bambou permettrait d’économiser 150 térawattheures d’électricité par an – soit l’équivalent de ce que produit le gigantesque barrage des Trois-Gorges, le plus grand ouvrage hydroélectrique au monde.
Une perspective qui donne le vertige et qui illustre comment une simple plante, transformée intelligemment, pourrait contribuer à rafraîchir nos maisons l’été sans climatisation excessive, tout en préservant la planète. Comme si nos fenêtres apprenaient enfin à respirer au rythme des saisons.
Article : « Sustainable Transparent Bamboo/W-VO2 Composites for Solar Modulation and Energy-Efficient Buildings » – DOI : 10.1016/j.jobab.2025.11.001
Source : College of Materials Science and Engineering, Central South University of Forestry and Technology, Changsha 410004, China











