Avec les véhicules électriques, le défi pour les fabricants de batteries est simple : fabriquer des batteries qui peuvent contenir plus d’énergie, afin que les véhicules qu’elles alimentent puissent aller plus loin avec chaque charge.
Toutefois, pour les entreprises qui fabriquent des batteries rechargeables pour les dispositifs médicaux implantables (stimulateurs cardiaques, défibrillateurs cardiaques), la sécurité prime sur tout le reste. Certes, ces piles doivent durer, mais cette durée de vie ne peut se faire au détriment de la santé du patient.
C’est pourquoi les batteries actuellement utilisées dans ces appareils ont des anodes qui fonctionnent à une tension plus élevée que celles des batteries lithium-ion ordinaires. L’anode est le composant d’une batterie qui libère des ions lithium et des électrons lors de la consommation d’énergie et qui absorbe des ions et des électrons lors de la charge.Dans la plupart des batteries lithium-ion, l’anode est en graphite.
« Ce sont des batteries extraordinaires, mais leur densité énergétique est assez faible », déclare Eric McCalla, professeur associé au département de chimie de l’université McGill. « Par conséquent, il existe des applications pour lesquelles elles ne contiennent tout simplement pas assez d’énergie. »
Eric McCalla et son équipe ont récemment fait une percée qui pourrait changer la donne. Dans une étude antérieure, le groupe a démontré que l’ajout d’une petite quantité d’un élément appelé néodyme à l’anode entraînait une augmentation considérable de 20 % de la densité énergétique de la batterie. Dans cette nouvelle étude, ils ont utilisé le Centre canadien de rayonnement synchrotron de l’université de la Saskatchewan pour comprendre pourquoi une si petite quantité de cet élément pouvait entraîner une augmentation aussi importante du stockage de l’énergie.
« Nous pensons que lorsqu’on ajoute une petite quantité de ces très gros ions, cela ne perturbe pas seulement les atomes autour d’eux, mais aussi les atomes sur une grande distance », explique M. McCalla. La ligne de faisceau HXMA du CLS leur a permis de constater que l’élément qu’ils ont ajouté perturbait toute la structure de l’anode, même en si petites quantités.
« Ils (les ions néodyme) causent beaucoup de dommages locaux, ce qui s’avère en fait bénéfique », précise encore M. McCalla. « Nous endommageons localement la structure, mais d’une manière qui ouvre d’autres points d’entrée et de sortie du lithium (ce qui augmente la densité énergétique de la batterie) ».
Parallèlement aux expériences, d’autres chercheurs de l’équipe ont utilisé la modélisation informatique pour calculer à quel point il est plus facile pour le lithium de se déplacer lorsque les ions néodyme sont à proximité. « Cela a vraiment permis de verrouiller ce mécanisme, qui nous permet de créer de nouveaux sites où le lithium veut aller ».
Le fait de pouvoir réaliser leur expérience « in situ » sur la ligne de faisceau HXMA était essentiel, dit McCalla. « La batterie fonctionnait pendant l’expérience, ce qui nous a évité de démonter la cellule et de gratter l’échantillon en espérant qu’il soit stable dans l’air », indique-t-il. Lors de précédentes tentatives, les chercheurs avaient constaté que le matériau se dégradait lorsqu’il était retiré de la batterie. « Le fait de pouvoir le faire dans la batterie, en effectuant les mesures directement sur la ligne de faisceaux, a fait toute la différence. »
Dans cette étude, McCalla et son équipe se sont concentrés sur l’augmentation de la quantité d’énergie qu’une batterie peut contenir sans compromettre la sécurité. Aujourd’hui, ils se concentrent sur l’augmentation de la durée de vie de la batterie. Ils ont identifié une certaine instabilité liée à l’électrolyte qui, selon eux, pourrait avoir un impact sur son utilisation à long terme. « Il est certain qu’il reste du travail à faire pour rendre ces batteries commercialement viables. Mais les progrès que nous avons réalisés montrent déjà que l’énergie (produite par le nouveau type de batterie) permettrait des applications médicales nouvelles ou différentes ».
En collaboration avec leur partenaire industriel, Medtronic, M. McCalla et son équipe ont déposé une série de brevets pour la nouvelle technologie. « Medtronic pense qu’il y a là un potentiel – avec, certes, un travail continu à faire – mais pour leurs applications dans les dispositifs implantables, ils pensent qu’il y a une chance que cela permette de nouvelles utilisations ».
Sieffert, J. Michael, Zhenzhe Zhang, Ning Chen, Stephanie Bazylevych, Janine Richter, Galal Nasser, Jan Kopyscinski, Rustam Z. Khaliullin, and Eric McCalla. « Mechanisms for Improved Anode Performance in Titanium Niobate via Neodymium Doping. » Chemistry of Materials (2025). 10.1021/acs.chemmater.5c00387