Un champignon noir capable de tolérer une salinité extrême et des radiations intenses dans un environnement semblable à celui de Mars permet de mieux comprendre l’habitabilité des planètes et au-delà.
Depuis longtemps, les gens sont intrigués par la possibilité d’une vie au-delà de la Terre et par la manière dont elle pourrait subsister dans des environnements extraterrestres. Il n’existe aucune preuve confirmée de vie extraterrestre, pas même sur Mars, notre planète voisine. Cependant, un projet international mené par Alexandre Rosado, de la KAUST, démontre comment un type particulier de champignon noir, connu pour tolérer des conditions très acides sur Terre, pourrait survivre et même prospérer dans des environnements similaires à ceux de Mars.
« Grâce aux progrès actuels des missions spatiales vers Mars, tant orbitales que robotiques, nous sommes plus près que jamais de répondre à la question de savoir s’il y a eu ou s’il y a actuellement une activité biologique sur la planète rouge », indique Alef Santos, qui a travaillé sur le projet en tant que doctorant invité dans le laboratoire de Rosado, en collaboration avec Junia Schultz et ses collègues. « Comprendre les limites de la vie dans les environnements extrêmes sur Terre est une étape cruciale pour interpréter les biosignatures au-delà de notre planète. Les micro-organismes extrêmophiles qui survivent et prospèrent dans des environnements hostiles offrent des modèles naturels précieux pour comprendre comment la vie extraterrestre pourrait s’adapter. »
L’équipe a choisi d’étudier le champignon noir Rhinocladiella similis sur la base d’analyses génomiques et de preuves expérimentales antérieures suggérant que ce champignon possède un ensemble d’outils génétiques robustes capables de résister à de multiples facteurs de stress environnementaux. Ils s’intéressent particulièrement à la façon dont R. similis pourrait survivre dans des saumures de sel de perchlorate, dont on suppose qu’elles existent de manière intermittente sur Mars, ainsi qu’à d’autres facteurs environnementaux, notamment le rayonnement UV-C intense.
À la KAUST, les chercheurs reproduisent un environnement similaire à celui de Mars en laboratoire en cultivant R. similis dans une solution de perchlorate de magnésium sous rayonnement UV-C. Ils cultivent également le même champignon sous rayonnement UV-C uniquement. L’analyse des réponses métaboliques et protéomiques de R. similis au perchlorate de magnésium montre qu’il présente des changements morphologiques et comportementaux par rapport à sa croissance sous rayonnement UV-C seul. Ces changements comprennent la production de pigments protecteurs tels que la mélanine et l’activation de protéines associées à la réponse au stress et à la stabilité cellulaire.
« Le fait qu’un micro-organisme eucaryote, tel qu’un champignon mélanisé, puisse maintenir son activité dans une solution de perchlorate de magnésium, un agent oxydant puissant, est très pertinent lorsqu’on examine l’habitabilité des systèmes de saumure transitoires sur Mars », explique M. Schultz. « Des projets comme celui-ci contribuent à affiner la recherche de biosignatures en suggérant des traits métaboliques ou structurels qui pourraient indiquer la présence de vie, passée ou présente, sur d’autres planètes. »
Les applications potentielles de ces résultats vont au-delà de la recherche de vie extraterrestre. M. Schultz ajoute : « L’étude fournit une preuve de concept pour la biofabrication spatiale : l’utilisation de systèmes microbiens pour produire des pigments, des enzymes ou d’autres composés dans des conditions extraterrestres. Par exemple, la mélanine fongique pourrait être étudiée pour ses propriétés de protection contre les rayonnements. »
Sur Terre, les applications abondent dans le domaine de la bioremédiation, contribuant à détoxifier les environnements pollués, en particulier dans les régions arides et semi-arides où l’accumulation de perchlorate est une préoccupation croissante. Des champignons comme R. similis pourraient être utilisés dans des innovations biotechnologiques, notamment le développement d’enzymes pour des processus industriels qui nécessitent une tolérance élevée à la salinité ou au stress oxydatif, comme le traitement des eaux usées.
« Cette recherche revêt également une importance stratégique pour l’Arabie saoudite et le Moyen-Orient en général, une région caractérisée par des environnements extrêmes qui peuvent servir d’analogues terrestres à Mars », conclut M. Rosado. « L’Arabie saoudite est particulièrement bien placée pour mener des recherches astrobiologiques fondées sur la biodiversité locale. La compréhension des extrêmophiles tels que R. similis nous aide à repousser les limites conceptuelles de l’habitabilité. »
dos Santos, A. Schultz, J., Souza, F.O., Ribeiro, L.R., Braga, T.V., Pilau, E.J., Rodrigues-Filho, E., & Rosado, A.S. Survival strategies of Rhinocladiella similis in perchlorate-rich Mars like environments. npj Microgravity 11:18 (2025). DOI : s41526-025-00475-y.