La France accueille désormais environ 600 000 toitures photovoltaïques, révèlent les chercheurs du Laboratoire procédés énergie bâtiment (LOCIE, Université Savoie-Mont-Blanc, CNRS). À l’aide d’un réseau de neurones nourri d’images aériennes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’équipe a passé en revue près de quarante millions de bâtiments et dressé un portrait détaillé de l’implantation solaire sur l’ensemble du territoire.
Plutôt que de découper arbitrairement l’espace national, les scientifiques ont examiné chaque parcelle cadastrale. Leur algorithme, fondé sur une architecture convolutive, distingue un module photovoltaïque parmi des milliers de textures de toiture. Cinq départements aux morphologies variées* ont servi de terrain d’apprentissage dont les tuiles méditerranéennes, les ardoises bretonnes, les chalets alpins et les pavillons périurbains ont permis d’éviter tout biais géographique lors de la détection.
La validation a mobilisé trois autres territoires (Aude, Morbihan, Loire-Atlantique). Confrontés au Registre national des installations de production et de stockage d’électricité, les résultats montrent un écart moyen faible entre les systèmes repérés et les dispositifs déclarés, signe d’une méthode fiable. Les chercheurs notent toutefois une légère sous-estimation dans certains centres bourgs où les toits se chevauchent sur les clichés, ainsi qu’une sensibilité accrue aux ombres portées lorsque la prise de vue s’effectue à un angle défavorable.
Une fois le calibrage achevé, l’algorithme a balayé l’ensemble des orthophotographies disponibles, soit plusieurs dizaines de téraoctets. Sur près de quarante millions d’édifices recensés, environ 1,5% arborent désormais un ensemble de modules solaires. Le chiffre confirme les statistiques de raccordement publiées par le gestionnaire de réseau, tout en offrant une résolution spatiale beaucoup plus fine. En effet, chaque installation est localisée à la parcelle, et non plus seulement à la commune.

© Martin Thebault
La qualité variable des clichés IGN ( altitude de survol, luminosité, saison ) limite parfois la reconnaissance automatique. Dans les villages à l’habitat resserré, les contours se brouillent, tandis que les couvertures métalliques très réfléchissantes génèrent quelques faux positifs. L’équipe, consciente de ces faiblesses, propose plusieurs pistes : enrichir l’échantillon d’apprentissage avec de nouveaux types de toits, intégrer un module d’estimation d’incertitude, voire coupler l’analyse d’images à des données de consommation électrique pour consolider l’attribution.
Une version améliorée, attendue à l’automne, profitera du renouvellement annuel de l’orthophotothèque IGN (un tiers des clichés actualisé chaque année). Une extension vers les départements et régions d’outre-mer figure déjà au programme, tout comme un projet financé par l’Agence nationale de la recherche visant à adapter l’algorithme à plusieurs pays européens. Au-delà de leur expertise technique, les chercheurs veulent démocratiser l’outil : une interface web destinée aux municipalités permettra de visualiser les toitures équipées, d’estimer le gisement solaire local et d’orienter les aides à l’autoconsommation.
* Départements : Hérault, Bas-Rhin, Côtes-d’Armor, Ille-et-Vilaine, Savoie
Article : « A comprehensive building-wise rooftop photovoltaic system detection in heterogeneous urban and rural areas: application to French territories. » / Martin Thebault, Boris Nerot, Benjamin Govehovitch, Christophe Ménézo / Applied Energy, mars 2025. DOI : 10.1016/j.apenergy.2025.125630 . Article également disponible sur la base d’archives ouvertes HAL
Source : CNRS Ingénierie