Les capteurs supraconducteurs peuvent détecter des photons individuels à faible énergie. Les chercheurs de l’UZH ont désormais utilisé cette capacité pour rechercher des particules de matière noire légères dans l’univers.
On estime qu’environ 80 % de la masse de l’univers est constituée de matière noire. Pourtant, on sait peu de choses sur la composition et la structure des particules qui composent la matière noire, ce qui soulève des questions fondamentales pour les physiciens. Pour explorer cette matière insaisissable, les chercheurs tentent de capturer des photons, ou particules de lumière, qui sont produits lorsque des particules de matière noire entrent en collision avec la matière visible que nous connaissons.
La plupart des expériences menées à ce jour se sont concentrées sur des particules de matière noire dont la masse correspond plus ou moins à celle des particules élémentaires connues. Cependant, si ces particules sont plus légères qu’un électron, il est peu probable qu’elles puissent être détectées avec les moyens actuels, à savoir des détecteurs à xénon liquide. Jusqu’à présent, aucune expérience n’a réussi à détecter directement la matière noire. Mais cela constitue en soi une découverte importante, car cela montre que les particules de matière noire n’existent pas dans la gamme de masse et la force d’interaction testées.
Un nouveau dispositif sensible aux événements de plus faible énergie
Une équipe internationale dirigée par Laura Baudis, Titus Neupert, Björn Penning et Andreas Schilling du département de physique de l’UZH a désormais réussi à sonder l’existence de particules de matière noire dans une large gamme de masses inférieure à un mégaélectronvolt (MeV). À l’aide d’un détecteur de photons uniques à nanofils supraconducteurs (SNSPD) amélioré, les chercheurs ont atteint un seuil de sensibilité d’environ un dixième de la masse d’un électron, au-dessus duquel il est très improbable que des particules de matière noire existent. « C’est la première fois que nous avons pu rechercher des particules de matière noire dans une gamme de masse aussi faible, grâce à une nouvelle technologie de détection », observe Laura Baudis, première auteure de l’article.
Dans le cadre d’une validation de principe réalisée en 2022, les chercheurs avaient testé le premier dispositif SNSPD hautement sensible aux photons de faible énergie. Lorsqu’un photon frappe le nanofil, il le chauffe légèrement et lui fait instantanément perdre sa supraconductivité. Le fil devient alors brièvement un conducteur ordinaire, et l’augmentation de la résistance électrique qui en résulte peut être mesurée.
Détection des plus petites particules de matière noire
Pour leur dernière expérience, les scientifiques de l’UZH ont optimisé leur SNSPD pour la détection de la matière noire. Ils l’ont notamment équipé de microfils supraconducteurs au lieu de nanofils afin de maximiser sa section transversale. Ils lui ont également donné une géométrie plane et fine qui le rend très sensible aux changements de direction. Les scientifiques supposent que la Terre traverse un « vent » de particules de matière noire et que la direction des particules change donc au cours de l’année en fonction de la vitesse relative. Un dispositif capable de détecter les changements de direction peut aider à filtrer les événements non liés à la matière noire.
« D’autres améliorations technologiques du SNSPD pourraient nous permettre de détecter des signaux provenant de particules de matière noire de masse encore plus faible. Nous souhaitons également déployer le système sous terre, où il sera mieux protégé des autres sources de rayonnement », ajoute Titus Neupert. En dessous de la gamme de masse des électrons, les modèles actuels décrivant la matière noire sont soumis à des contraintes astrophysiques et cosmologiques considérables.
Laura Baudis et al. First Sub-MeV Dark Matter Search with the QROCODILE Experiment Using Superconducting Nanowire Single-Photon Detectors, Physical Review Letters, 20 August 2025. DOI: 10.1103/4hb6-f6jl
Source : UZH