Ébranlé par la guerre en Ukraine et la prolifération de missiles hypersoniques, Copenhague mise désormais sur un bouclier sol-air de nouvelle génération. Le gouvernement vient en effet de valider l’acquisition de huit batteries SAMP/T NG, conçues par la France et l’Italie, pour un montant estimé à 7,7 milliards d’euros. L’opération, la plus coûteuse jamais engagée par les forces armées danoises, s’inscrit dans un effort historique de montée en puissance de la défense nationale. Elle nourrit aussi l’ambition de renforcer la souveraineté technologique européenne tout en consolidant l’architecture anti-aérienne de l’OTAN.
Le système SAMP/T NG – pour « Sol-Air Moyenne Portée/Terre Nouvelle Génération » offre une protection à 360° contre les avions de combat, les drones MALE et les missiles balistiques de théâtre. Chaque batterie comprend un radar AESA multifaisceaux, un centre de commandement et des lanceurs verticaux capables de tirer le missile Aster 30 B1 NT à plus de 100 km. Pour les stratèges danois, il s’agit d’un bond qualitatif. La défense aérienne reposait jusqu’ici sur quelques canons antiaériens et des missiles portables Stinger, inadaptés aux menaces contemporaines.
Un programme industriel européen
Fruit d’un groupement d’intérêt économique réunissant MBDA France, Thales et l’italien Leonardo, le SAMP/T NG est présenté comme la vitrine du savoir-faire européen en matière de missiles. Paris et Rome ont lancé sa modernisation en 2021 ; la première batterie NG doit être livrée aux armées françaises en 2026. Le contrat danois comprend un solide volet industriel avec la participation d’entreprises locales à la maintenance, la formation de techniciens et le possible assemblage d’éléments au Danemark. Pour Bruxelles, l’accord illustre la complémentarité du Fonds européen de défense et de la coopération bilatérale : il fait travailler des chaînes déjà existantes tout en créant des emplois hautement qualifiés au-delà des Alpes et de l’Hexagone.
« La décision de disposer d’un tel système de défense aérienne terrestre moderne, interopérable avec les systèmes de nos alliés, vient renforcer la sécurité européenne et la défense collective de l’OTAN », précise dans un communiqué le ministère français des Armées.
Quelles conséquences stratégiques pour l’OTAN
L’entrée du SAMP/T NG dans l’arsenal danois intervient alors que l’Alliance accélère la construction d’un réseau intégré de défense aérienne, baptisé NATO Integrated Air and Missile Defence (IAMD). La Baltique deviendra ainsi l’un des rares espaces où cohabiteront les batteries américaines Patriot, l’israélo-américain Arrow 3 (commandé par Berlin) et désormais le système franco-italien.
Une interopérabilité jugée majeure face à la Russie, capable de saturer la zone avec des drones Geran-2 ou des missiles Iskander.
Financement, calendrier et implications budgétaires
Le ministère danois de la Défense répartira la facture de 7,7 milliards d’euros sur dix exercices budgétaires. Les deux premières batteries devraient être opérationnelles avant 2028 ; la pleine capacité est attendue au début des années 2030. L’investissement englobe l’achat de plus de 500 missiles, la construction d’infrastructures et la formation des 800 militaires dédiés au nouvel escadron anti-aérien.
Certains parlementaires critiquent toutefois l’enveloppe, estimant qu’elle ponctionnera d’autres programmes, comme la modernisation de la marine côtière. Le gouvernement rétorque que la dépense s’inscrit dans l’engagement de consacrer 2% du PIB à la défense d’ici 2030, un objectif désormais partagé par la majorité des membres de l’OTAN.
En misant sur le SAMP/T NG, Copenhague fait coup double : elle dote ses forces d’un bouclier crédible contre les menaces aériennes de dernière génération et consolide la base industrielle de défense européenne. Reste à voir si ce choix inspirera d’autres partenaires nordiques, comme la Suède ou la Norvège, toujours à la recherche d’une défense antimissile plus robuste.
À l’heure où le ciel européen redevient un espace contesté, la course aux batteries sol-air ne fait sans doute que commencer.
Source : Ministère des armées