La miniaturisation des composants électroniques associée aux progrès des capteurs tactiles redéfinit les possibilités d’interaction entre humains et machines. Les laboratoires de recherche développent des interfaces sensorielles d’une finesse exceptionnelle, tandis que les applications médicales et thérapeutiques qui en résultent apportent des solutions novatrices pour l’autonomie des personnes malvoyantes. Les investissements considérables dans la recherche bio-électronique témoignent de l’importance accordée à l’amélioration de la qualité de vie des patients.
Une prouesse bio-électronique au service du tactile
Un dispositif portable ultraléger vient d’être mis au point par une équipe d’ingénieurs de l’Université Northwestern. Les travaux de recherche ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature le 6 novembre 2024. Le système se distingue par sa capacité à reproduire diverses sensations complexes via une stimulation cutanée maîtrisée.
La membrane ultrafine et souple adhère parfaitement à la peau des utilisateurs. Le professeur John A. Rogers, pionnier en bioélectronique à Northwestern, a souligné : «Les actionneurs miniaturisés que nous avons conçus surpassent largement les simples vibreurs utilisés lors de nos démonstrations initiales en 2019. Leur capacité à délivrer des forces contrôlées sur différentes fréquences, tout en maintenant une force constante sans alimentation continue, marque une amélioration notable».
L’équipe pluridisciplinaire, composée de chercheurs américains et chinois, a bénéficié de l’expertise du professeur Yonggang Huang, titulaire de la chaire Jan et Marcia Achenbach en génie mécanique à McCormick. La collaboration internationale a permis d’optimiser les performances du dispositif grâce à des approches complémentaires en ingénierie des matériaux.
Une ingéniosité technique au service de l’efficacité énergétique
L’innovation s’appuie sur un réseau hexagonal sophistiqué intégrant 19 actionneurs magnétiques, lesquels sont incorporés dans une membrane en silicone ultrafine. La transmission des données s’effectue par Bluetooth, permettant au système de transformer les informations environnementales en stimulations tactiles précises.
Le mécanisme repose sur une conception «bistable» particulièrement ingénieuse pour optimiser la consommation énergétique. Le docteur Matthew Flavin, auteur principal de l’étude, a détaillé : «Notre approche novatrice permet d’exploiter l’énergie élastique naturellement stockée dans la peau, plutôt que de la combattre. L’énergie est ensuite réutilisée pendant le fonctionnement du dispositif, selon un principe comparable à la détente d’un élastique».
Les chercheurs de l’Université Westlake en Chine ont apporté une contribution significative en développant les microstructures nécessaires aux mouvements de torsion. La combinaison des forces verticales et des mouvements de torsion enrichit considérablement la gamme des sensations reproduites par le dispositif.
Des résultats prometteurs pour l’assistance aux personnes malvoyantes
Les protocoles d’essais cliniques ont mobilisé des volontaires aux yeux bandés. Les participants devaient évoluer dans un environnement comportant des obstacles, adapter leur démarche et maintenir leur équilibre. Les observations ont démontré qu’une courte période d’apprentissage permettait aux utilisateurs de modifier efficacement leur comportement en temps réel.
Le dispositif module l’intensité du retour tactile proportionnellement à la proximité des obstacles rencontrés. Le professeur Rogers a précisé : «Notre système convertit les données collectées par le capteur LiDAR des smartphones en motifs haptiques sur la peau. La substitution sensorielle ainsi obtenue procure une perception élémentaire mais fonctionnelle de l’environnement, particulièrement bénéfique pour les personnes présentant des déficiences visuelles».
Les équipes de recherche poursuivent actuellement leurs investigations pour perfectionner la précision et diversifier les sensations générées. L’amélioration des performances pourrait également profiter aux porteurs de prothèses, en leur offrant un retour sensoriel plus naturel et intuitif.
Les applications potentielles s’étendent au-delà du domaine médical. Les industries du divertissement et de la réalité virtuelle manifestent un vif intérêt pour l’intégration de tels dispositifs dans leurs systèmes immersifs. La miniaturisation et l’efficacité énergétique du système ouvrent la possibilité d’une utilisation prolongée dans des contextes variés.
Légende illustration : Le dispositif comprend un réseau hexagonal de 19 actionneurs qui fournissent un retour d’information haptique. Crédit : Northwestern University
Article : ‘Bioelastic state recovery for haptic sensory substitution’ / ( 10.1038/s41586-024-08155-9 ) – Northwestern University – Publication dans la revue Nature