Les enjeux énergétiques actuels poussent les chercheurs à explorer de nouvelles pistes pour optimiser l’efficacité des composants électroniques. Les matériaux ferroélectriques, grâce à leur capacité à modifier leur structure interne en réponse à des stimuli externes, s’imposent comme une solution d’avenir pour le traitement de l’information à l’échelle nanométrique. Une équipe de chercheurs vient de franchir une étape décisive en mettant en évidence un comportement adaptatif inattendu dans un matériau ferroélectrique, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour le développement de composants électroniques à basse consommation.
Les supercalculateurs et les centres de données actuels consomment une quantité considérable d’énergie.
«Les supercalculateurs et les centres de données actuels nécessitent de nombreux mégawatts de puissance. Un défi consiste à trouver des matériaux pour une microélectronique plus économe en énergie. Un candidat prometteur est un matériau ferroélectrique qui peut être utilisé pour les réseaux neuronaux artificiels en tant que composant dans une microélectronique économe en énergie.» a indiqué Haidan Wen, physicien au laboratoire national d’Argonne du Département de l’Énergie des États-Unis.
Les matériaux ferroélectriques : une solution polyvalente
Les matériaux ferroélectriques trouvent déjà de nombreuses applications dans le traitement de l’information. Ils sont utilisés dans divers dispositifs tels que les mémoires d’ordinateur, les transistors, les capteurs et les actionneurs. L’équipe de recherche d’Argonne a découvert un comportement adaptatif surprenant dans un matériau ferroélectrique spécifique.
L’échantillon étudié présente une structure en couches alternées de plomb et de titanate de strontium. Cette structure, préparée par les collaborateurs de l’Université Rice, est mille fois plus fine qu’une feuille de papier. Le matériau est composé de domaines nanométriques distincts, comparables à des îlots d’huile dans l’eau, capables de se réorganiser en réponse à des impulsions lumineuses.
Les chercheurs ont soumis l’échantillon à une série d’impulsions lumineuses de faible intensité, chacune durant un quadrillionième de seconde. Haidan Wen a expliqué : «Cette fois, nous avons frappé l’échantillon avec de nombreuses impulsions lumineuses faibles, chacune durant un quadrillionième de seconde. En conséquence, une famille de structures de domaines, plutôt qu’une structure unique, a été créée et imagée, en fonction de la dose optique.»
Cette approche a permis d’observer la création, l’effacement et la reconfiguration de nanodomaines en réseau en réponse aux impulsions lumineuses.
Une visualisation à l’échelle nanométrique
Pour observer ces changements à l’échelle nanométrique, l’équipe a utilisé la Nanosonde (ligne de faisceau 26-ID) du Centre pour les Matériaux Nanométriques et de la Source de Photons Avancée (APS) au laboratoire d’Argonne. Cette technique a permis de scanner l’échantillon avec un faisceau de rayons X de quelques nanomètres de diamètre tout en l’exposant à une série d’impulsions lumineuses ultrarapides.
Les images obtenues ont révélé l’évolution et la réorganisation des nanodomaines sur des échelles allant de 10 nanomètres à 10 micromètres. Martin Holt, scientifique en microscopie à rayons X et électronique, a souligné l’efficacité énergétique de cette approche : «En couplant un laser ultrarapide à la ligne de faisceau Nanosonde, nous pouvons initier et contrôler les changements des nanodomaines en réseau au moyen d’impulsions lumineuses sans nécessiter beaucoup d’énergie.»
Leur découverte ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour le stockage et le traitement de l’information. Stephan Hruszkewycz, physicien à Argonne, a ajouté : «Nous avons découvert des arrangements entièrement nouveaux de ces nanodomaines. La porte est maintenant grande ouverte à de nombreuses autres découvertes. À l’avenir, nous pourrons tester différents régimes de stimulation lumineuse et observer encore plus de nanodomaines et de réseaux inconnus.»
L’amélioration récente de l’APS, promettant des faisceaux de rayons X jusqu’à 500 fois plus brillants, permettra d’observer avec encore plus de précision les changements à l’échelle nanométrique au fil du temps.
Cette avancée dans la compréhension du comportement des matériaux ferroélectriques à l’échelle nanométrique ouvre la voie au développement de réseaux adaptatifs pour le stockage et le traitement de l’information. Les applications potentielles de cette technologie pourraient conduire à la création de systèmes informatiques plus économes en énergie, répondant ainsi aux défis énergétiques actuels de l’industrie informatique.
Légende illustration : Rendu artistique représentant des impulsions lumineuses produisant des transformations adaptatives dans des structures nanodomaines applicables à l’informatique neuromorphique. Crédit : Argonne National Laboratory/Haidan Wen et Ellen Weiss.
Article : « Optical Control of Adaptive Nanoscale Domain Networks » – DOI: https://doi.org/10.1002/adma.202405294