Alors que les médias se sont fait l’écho de traces de pesticides dans l’eau minérale, l’UFC-Que Choisir a fait le point mercredi sur les nouvelles normes de présence du plomb dans l’eau potable et en a profité pour présenter un condensé de Questions / Réponses sur la thématique.
Quels sont les risques pour la santé ? Suis-je concerné ?
L’impact essentiel concerne ici les enfants. Boire occasionnellement une eau dépassant la norme est sans conséquences médicales pour l’enfant, sauf en cas de concentration très extrême. En revanche, c’est l’exposition de longue durée (c’est-à-dire durant plusieurs années) à une eau non conforme qui peut poser un problème, principalement en termes de développement intellectuel. On notera cependant que l’imprégnation au plomb par l’eau est moindre que par les peintures et le ministère de la santé considère ainsi que les cas de saturnisme lié à la présence de plomb dans l’eau potable sont rares.
Quels sont les logements potentiellement concernés par les canalisations en plomb ?
Il est considéré que le plomb était massivement utilisé dans les immeubles d’avant 1950 puis s’est raréfié au cours de la décennie suivante pour devenir quasi-proscrit à partir de 1960. Un consommateur peut retenir que si son immeuble a été construit après 1960, la probabilité d’une présence de plomb est très faible. Les statistiques de parc montrent que cet habitat concerne très principalement les grands centres urbains (agglomération parisienne, lyonnaise, etc.) mais des immeubles situés dans d’autres centres urbains peuvent également être concernés.
Comment savoir si je suis concerné par la présence de plomb dans l’eau ?
Pour l’usager, l’obligation juridique concerne la présence de plomb dans l’eau du robinet et en aucun cas la présence de plomb dans les canalisations. Le premier acte à accomplir est donc de faire réaliser une analyse. Si le taux dépasse les 10 microgrammes par litre, il faut changer les canalisations. S’il est en dessous de ce seuil, vous n’avez rien à faire.
L’analyse : à qui s’adresser ? A quel coût ?
Le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires doit solliciter un laboratoire agréé par le ministère chargé de la santé (liste disponible sur le site des DDASS) ou accrédité par le COFRAC pour ce type d’analyse. Pour un immeuble, il parait utile de comparer plusieurs devis. Le coût d’une analyse est de 50 à 80 euros par échantillon (la moitié pour l’analyse, la moitié pour les prélèvements). Attention : il sera nécessaire d’effectuer plusieurs prélèvements. Dans un immeuble un budget de 300 à 500 euros parait acceptable. Si les copropriétés sont intéressées par d’autres mesures de qualité de l’eau, il est plus économique de grouper la commande de l’analyse.
Comment faire réaliser l’analyse ?
Les conditions de relevé influent notablement sur les résultats. Le moment du relevé est ainsi très important. Ainsi, à 9 heures du matin, la présence de plomb est exceptionnellement basse car l’usage matinal (douches, etc.) a « lessivé » le plomb des canalisations. A 15 heures, suite à plusieurs heures de faible circulation de l’eau, le taux sera substantiellement plus élevé. Bien entendu, si les tests sont effectués lorsque le taux d’occupation de l’immeuble est bas (fin juillet par exemple), le taux de plomb sera encore plus élevé. Chaque point de l’immeuble sera aussi exposé différemment. Les étages élevés présentent une plombémie plus forte (car l’eau circule plus dans les canalisations) et il arrive parfois que, dans un même immeuble, certaines parties soient concernées par les canalisations en plomb et pas d’autres
Une procédure assez sérieuse consiste à effectuer l’analyse d’eau sur au moins deux moments (jours différents et heures différentes) en évitant le début de journée. Le point de contrôle doit toujours comprendre le dernier étage et porter sur les différentes parties de l’immeuble.
Quelles normes ? Quelles obligations et amendes en cas de dépassement de la norme ?
La Directive communautaire du 25 décembre 1998 fixe la norme réglementaire de présence du plomb dans l’eau potable en reprenant les recommandations de l’OMS. Le texte prévoit une période intermédiaire allant de fin 2003 à fin 2013 pour laquelle le seuil transitoire est de 25 µg/litre. Mais à partir du 25 décembre 2013, le seuil réglementaire sera de 10 µg/litre.
Les pouvoirs publics paraissent avoir peu de moyens de contrôle et de sanctions. Un particulier propriétaire de son logement qui n’effectuerait pas les démarches contreviendrait incontestablement à la loi mais il parait très peu probable que des contrôles et sanctions soient mises en œuvre.
En revanche, les conséquences juridiques concrètes surviendront plus probablement lors de contentieux entre locataire et bailleur (le premier attaquant le second pour non-conformité) ou dans le cadre de la vente d’un bien (vice caché à négocier lors de la transaction). En effet, le locataire peut demander à son bailleur d’effectuer les travaux de mise en conformité des tuyaux dont il a la responsabilité, conformément aux dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Il est à noter que ce type d’action ne remet pas en cause la validité du bail en cours.
J’ai la confirmation de la présence de plomb, que faire ? A qui s’adresser ?
Il faut réaliser le renouvellement des canalisations des parties communes par la copropriété sur son budget ce qui nécessitE un vote à la majorité et une désignation du prestataire en assemblée générale (article 25 de la loi du 10 juillet 1965). Le renouvellement des canalisations dans la partie privative est à la charge du seul propriétaire. Aucun des copropriétaires ne peut faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives, de travaux régulièrement et expressément décidés par l’assemblée générale en vertu de l’article 25. Les prestataires sont des entreprises de plomberie (l’offre est pléthorique sur internet).
Peut-on ne remplacer qu’une partie des canalisations ? Quels matériaux faut-il prendre ?
Dans le cadre d’une optimisation de patrimoine, on envisage souvent un renouvellement complet des canalisations. Cependant, l’immeuble peut parfois comprendre des bouts de canalisation difficilement accessibles. La possibilité d’être sous la norme tout en laissant des parties en plomb fait discussion parmi les experts. Les autorités compétentes ont pour position constante de recommander un changement complet (notamment pour éviter le risque d’électrolyse). Au final, ce seront encorE les résultats d’analyse qui feront foi.
Au titre des matériaux de substitution au plomb, il en existe plusieurs, allant du PVC à la fonte ou au cuivre. Il n’y a pas lieu d’indiquer une préférence à priori. Une technique alternative, le chemisage (revêtement protecteur de type organique à l’intérieur des canalisations en plomb), peut permettre d’éviter un renouvellement. Même si le ministère de la santé recommande le renouvellement complet, cette technique peut toujours être retenue si, au final, l’analyse d’eau traduit un respect de la norme.
Combien coûte le remplacement des canalisations en plomb ? Comment limiter le coût ?
On considère de façon approximative que le renouvellement complet des canalisations coûte 1 000 euros par logement. Un autre repère considère un coût complet de 12 à 15 K€ pour un immeuble standard de taille moyenne. De toute façon, un devis supérieur à 800 euros par logement doit être justifié par le prestataire sous deux angles : d’une part le nombre de colonnes montantes et d’autre part la complexité d’intervention : les points sensibles doivent donc être explicités préalablement.
Dans le cas où le devis semble excessif, un appel d’offres peut être relancé. Le particulier peut donc à la fois relancer un appel d’offre jugé trop onéreux ou, ce qui est encore mieux, attendre la survenance de travaux plus globaux pour « grouper » le devis si le délai est raisonnable. A titre de critère, il peut être retenu qu’un appel d’offre serait relancé si le coût dépasse 1 000 euros par logement ou 800 euros par logement dans le cas d’une seule colonne montante. Sous un autre angle, il n’est pas conseillé de lancer un appel d’offre entre septembre 2013 et juillet 2014, du fait du grand nombre de demandes qui sont susceptibles d’être faites avant et après la baisse de la teneur maximale en plomb.
Le regroupement de devis sur plusieurs copropriétés est une option intéressante pour diminuer le coût unitaire notamment quand les copropriétés sont dans une même commune ou un même quartier (le prestataire peut réaliser des gains de mutualisation, il peut baisser son tarif si la commande est importante). Ce précepte vaut notamment pour les petites copropriétés.
En tout état de cause, il est important d’inscrire une clause de résultat dans le contrat, à savoir qu’à l’issue des travaux l’analyse d’eau doit être positive.
Quel est le calendrier pour le déclenchement des travaux ?
Le rythme annuel des assemblées générales de copropriétaires induit un calendrier assez long qui se résume de la façon suivante :
Assemblée générale en année N : présentation de devis pour analyse, vote d’une analyse, choix d’un cahier des charges et d’un prestataire.
Assemblée générale en année N + 1 : présentation des résultats de l’analyse et, s’il y a lieu, vote pour désignation d’un prestataire pour le renouvellement des canalisations et une analyse suite au renouvellement.
Selon le délai de la deuxième étape, le processus prend donc 15 à 18 mois. Cela signifie que les copropriétés où la présence de plomb dépasse la norme et qui n’ont pas encore entamé les démarches ne pourront pas satisfaire à l’obligation réglementaire le 25 décembre 2013. Dans ce cas, la non-conformité au texte ne fait aucun de doute mais il est possible de la relativiser en pratique. Pour se prémunir d’un contentieux dommageable, la copropriété doit pouvoir montrer que les démarches ont été engagées avant cette date butoir et que la mise en conformité, certes formellement tardive, est en cours.
Ainsi, il est conseillé de voter l’analyse d’eau lors de l’assemblée générale à venir et de s’assurer que l’analyse soit effectuée avant le 25 décembre (les éventuels travaux sur canalisation pouvant intervenir en 2014 ou au premier semestre 2015).