Faits marquants
- Plus de 87% de l’eau potable en France est conforme aux normes sanitaires, mais des disparités persistent
- Près de 31,5% des réseaux contiennent des traces de pesticides
- 167 unités de distribution dépassent actuellement les limites pour les nitrates
- Le métabolite chlorothalonil R471811 est présent dans 22,3% des réseaux
Votre eau contient-elle des pesticides, des nitrates ou des polluants éternels ? Générations Futures et Data for Good ont lancé jeudi « Dans Mon Eau », une carte interactive accessible sur dansmoneau.fr qui permet à chacun de vérifier la présence de polluants chimiques dans son eau du robinet. L’outil rassemble les données officielles du contrôle sanitaire pour cinq catégories de substances : les pesticides et leurs métabolites, les PFAS (ces fameux « polluants éternels »), les nitrates, le chlorure de vinyle monomère et le perchlorate. Un accès simplifié à une information qui existe mais reste difficile à obtenir pour le grand public.
Pourquoi créer un tel outil ?
À mesure que la surveillance des polluants se renforce, de nouvelles situations problématiques sont révélées. Mais il reste très difficile d’avoir une vision claire de la qualité de son eau. Les données existent, certes, mais elles sont difficilement accessibles, complexes, et surtout illisibles pour le grand public. Un récent rapport des inspections des Ministères de l’Écologie, de la Santé et de l’Agriculture réclamait justement un accès plus facile à ces informations.
« Dans Mon Eau » se distingue par plusieurs innovations. Il présente en une seule carte les données pour cinq catégories de polluants, car il est important de caractériser au mieux le cocktail de molécules auquel nous pouvons être exposés. Les données proviennent des contrôles sanitaires réalisés par les Agences Régionales de Santé pour chaque unité de distribution d’eau potable. Un simple moteur de recherche permet de consulter les informations à son adresse.
Comment fonctionne la carte ?
L’outil affiche les résultats des dernières analyses effectuées sur chaque catégorie de polluants. Les données sont actualisées tous les mois, permettant d’identifier au plus tôt de nouvelles situations problématiques. L’historique remonte à 2020 et indique les pourcentages d’analyses non conformes année par année. Une fonctionnalité particulièrement utile pour visualiser les évolutions dans le suivi de certains paramètres, notamment des métabolites de pesticides et des PFAS.
La problématique des polluants de l’eau potable et de leur gestion par les pouvoirs publics étant particulièrement complexe, le site fournit du contenu pédagogique, présent au niveau de la carte et sur la page « comprendre » de dansmoneau.fr. Une notion particulièrement importante pour comprendre les cartes : la distinction entre les limites de qualité fixées par la réglementation et les limites sanitaires recommandées par les autorités de santé. Un code couleur permet de faire facilement cette distinction.

Une qualité globalement bonne mais inégale
De manière générale, la qualité de l’eau est globalement bonne en France avec actuellement plus de 87% des unités de distribution conformes à la réglementation et sans dépassement de limites sanitaires. Attention toutefois, ce chiffre est à interpréter avec prudence car il exclut les métabolites de pesticides non pertinents.
Les associations constatent cependant une grande hétérogénéité sur le territoire. Le nord de la France est particulièrement concerné par la majorité des cas de non-conformité et des recommandations de non-consommation de l’eau. La très grande majorité des cas de non-conformité à la réglementation, recensés au 29 août 2025, sont dus à la présence de métabolites de pesticides.
Dans 3% des unités de distribution (709 au total), l’eau peut faire l’objet de recommandations de restriction de consommation pour toute ou partie de la population. Dans la majorité de ces situations, l’eau est déconseillée à la consommation pour les nourrissons de moins de 6 mois et les femmes enceintes en raison de la présence de perchlorates. Certaines unités contiennent plusieurs types de polluants, à des teneurs élevées, simultanément à la fois des pesticides, nitrates et perchlorates par exemple. Des situations qui devraient être considérées comme prioritaires à traiter par les pouvoirs publics, selon les associations.

Des constats préoccupants par catégorie de polluant
Pour les nitrates, 167 unités de distribution sont actuellement en dépassement de la limite de qualité. Les statistiques globales sur les bilans annuels de non-conformité ne s’améliorent pas depuis 2020 et ont même tendance à empirer ces deux dernières années.
Les données disponibles sur les PFAS sont globalement rassurantes. Sur les plus de 11 000 unités de distribution avec des données disponibles, seules 1,2% (141 UDI) dépassent les limites réglementaires ou recommandées. Toutefois ces données n’incluent pas le TFA, le PFAS le plus présent dans l’eau potable. De plus, des situations locales particulièrement problématiques sont révélées par la carte. 33 unités sont en non-conformité dont 12 dépassent également les limites sanitaires, comme à Arrentès de Corcieux, petite commune des Vosges.
Au 29 août 2025, d’après les derniers résultats disponibles, des pesticides sont retrouvés dans près d’un tiers (31,5%) des réseaux de distribution d’eau potable en France et 5,7% (1377) des unités sont en non-conformité pour les pesticides. Le chloridazone desphényl est responsable à lui tout seul de 86% des non-conformités actuelles liées aux pesticides.
Mais le métabolite le plus retrouvé dans l’eau potable en France, et de loin, est le chlorothalonil R471811, présent dans 22,3% des unités de distribution. Un métabolite considéré pertinent par l’Anses en 2022, qui a été « déclassé » en non pertinent en 2024. Sa présence dans l’eau au-delà de 0,1 µg/L n’est plus considérée comme une « non-conformité ». Les métabolites classés non pertinents sont rendus invisibles et exclus des statistiques officielles. « Dans Mon Eau » permet de garder leur présence visible.
Trois demandes pour améliorer la situation
Fortes de ces constats, les associations formulent des demandes relayées dans une pétition lancée le même jour que la mise en ligne du site internet. Elles réclament d’abord une surveillance renforcée de la qualité de l’eau potable, avec notamment l’élargissement de la liste des métabolites de pesticides à surveiller nationalement et localement et la transparence sur toutes les analyses réalisées.
Elles appellent ensuite à une protection à la source, avec la mise en place d’une politique proactive qui encadre les activités dans les aires d’alimentation de captage et accompagne les acteurs dans leurs changements de pratiques et la reconception de leurs systèmes de production.
Enfin, elles demandent une gestion transparente et fondée sur la santé de l’eau potable avec la mise en place de mesures curatives et une meilleure information des personnes concernées.
Le site propose également des courriers types à envoyer aux instances concernées en cas de situations problématiques. « Dans Mon Eau » sera un outil évolutif avec l’inclusion de nouveaux polluants ou de nouvelles fonctionnalités. Un travail colossal nécessitant des moyens, pour lequel les associations invitent les internautes qui le souhaitent à soutenir le projet grâce à un financement participatif mis en ligne.
Les organisations rappellent toutefois que l’eau du robinet en France est de bonne qualité dans la plupart des situations et qu’il reste préférable de consommer de l’eau du robinet plutôt que de se tourner vers les eaux en bouteille qui posent de nombreux problèmes de pollution. La consommation d’eau en bouteille peut être recommandée dans des situations très particulières où le risque sanitaire est avéré, ce qui représente un faible nombre de cas.
Elles soulignent également que l’alimentation solide est la principale source d’exposition à de nombreux polluants dont les pesticides, nitrates et PFAS pour la population générale, non exposée aux pesticides dans un cadre professionnel et non riveraine de parcelles agricoles traitées ou d’industries très émettrices de PFAS. Les comportements les plus efficaces à adopter restent donc de privilégier une alimentation bio autant que possible pour réduire son exposition aux pesticides, de limiter sa consommation de charcuterie et viande rouge pour réduire son exposition aux nitrates et nitrites, et de limiter sa consommation de poissons pour réduire son exposition aux PFAS.
Source : GénérationsFutures