Et si l’hydrogène ‘naturel’ s’avérait exploitable ?

Après des travaux exploratoires qui ont montré que des émanations naturelles continues d’Hydrogène se rencontrent fréquemment sur terre, IFP Energies nouvelles (IFPEN) a annoncé avoir lancé un nouveau programme de recherche qui se concentre sur leur potentiel d’exploitation industrielle.

L’hydrogène (H2), tel que nous l’envisageons aujourd’hui, n’est pas considéré comme une source d’énergie mais plutôt comme un vecteur d’énergie ; il n’est pas émis naturellement comme le sont les énergies fossiles mais résulte de la transformation d’une ressource. L’H2 utilisé dans l’industrie est principalement produit par transformation du gaz naturel ( CH4 ) au prix d’une émission de CO2. Dans l’avenir, l’hydrogène, fabriqué alors à partir de l’électrolyse de l’eau, est envisagé comme mode de stockage d’énergie pour compenser l’intermittence du solaire ou de l’éolien. Cependant, de plus en plus d’indices montrent que des émanations naturelles substantielles d’hydrogène existent.

Changement de paradigme : plus qu’un vecteur d’énergie, l’hydrogène pourrait être une source d’énergie – à l’instar des énergies fossiles – mais dont la combustion émet de l’eau (H2O) et non du CO2. Si l’hydrogène "naturel" existe et peut donc être qualifié de géoressource propre, s’agit-il pour autant d’une source durable ? C’est l’enjeu des travaux actuels conduits par IFPEN.

Les émanations naturelles d’hydrogène ont d’abord été découvertes au fond des mers, le long des dorsales médio-océaniques ("fumeurs noirs et fumeurs blancs"). Dans cet environnement, l’existence d’un système volcanique induit une circulation hydrothermale mettant en contact, à haute température, l’eau de mer et les roches très réduites provenant du manteau terrestre, les péridotites. Ces roches s’oxydent au contact de l’eau de mer dont la réduction produit l’hydrogène. Ces "fumeurs" présentent l’inconvénient d’être situés par très grands fonds et très loin des côtes. Leur exploitation n’est donc pas économique.

IFPEN a, en conséquence, orienté ses travaux sur les sources terrestres d’H2 plus faciles d’accès, qui ont été observées dans deux types de contexte géologique
:

– les grands massifs terrestres de péridotite, où un contexte tectonique particulier expose les roches, d’origine mantelliques, à l’altération par les eaux météoriques.
– des zones situées au cœur des continents, les zones intraplaques, et en particulier dans les parties les plus anciennes, les cratons précambriens, situés au centre des continents émergés.

Si la littérature scientifique fait état ponctuellement de ces émanations d’hydrogène, celles-ci n’avaient pas fait l’objet, jusqu’alors, de campagnes d’exploration plus poussée.

Les premiers travaux d’IFPEN ont confirmé l’existence de flux localement importants d’H2 sur les plus grands massifs de péridotites, à l’échelle mondiale; mais surtout ils ont démontré l’ubiquité de flux d’hydrogène en zone intraplaque. Diffus dans la plupart des sites, ces flux présentent localement des accumulations substantielles. Les différents fluides naturels étudiés peuvent présenter plus de 80 % d’H2 . Ce gaz est associé à du méthane, parfois à de l’azote, et localement à de l’hélium en quantités économiquement exploitables (alors que l’approvisionnement mondial en ce gaz rare qui trouve des applications de haute technologie est par ailleurs très tendu actuellement).

En ce qui concerne l’origine de cet hydrogène terrestre, IFPEN privilégie deux pistes. Tout d’abord, l’oxydation par l’eau des roches riches en fer réduit et ensuite un dégazage continu de la planète, ce qui bouleverserait la conception usuelle de la composition chimique de l’intérieur des planètes terrestres.

L’Institut indique poursuivre ses travaux dans le cadre d’un nouveau programme pour évaluer l’intérêt technico-économique d’une production industrielle d’H2 naturel, en particulier dans les cratons qui couvrent des surfaces très importantes sur la planète et dont le potentiel de production serait donc intéressant.

Si l’hydrogène naturel s’avérait exploitable, il pourrait donc constituer à terme une nouvelle source d’énergie durable – la production observée étant un phénomène continu lié à la dynamique de la terre, et bien répartie sur les différents continents.

Notes :

· Dorsales médio-océaniques : limite divergente de deux plaques lithosphériques formant une chaine de relief sous-marin. Siège d’un volcanisme qui créé le plancher océanique. 64 000 km de dorsales dessinent les limites de plaques au fond des océans. La dorsale médio-atlantique séparant les plaques Europe-Afrique et Amériques est la plus longue d’entre-elles (7000 km).
· Péridotite : roche issue du manteau terrestre composée essentiellement d’olivine (jusqu’à 90%) et de pyroxènes (minéraux ferromagnésiens). Ces minéraux contiennent du fer réduit dont l’oxydation par l’eau produit de l’hydrogène. Ces roches sont localement exposées à la surface des fonds océaniques. Elles affleurent aussi à terre dans des contextes tectoniques particuliers.
· Zone intraplaque : zone située à l’intérieur d’une plaque tectonique par opposition à une zone en limite de plaque. Dans la zone intraplaque, où les échanges avec les profondeurs sont plus limités qu’aux limites de plaques, se trouvent les parties les plus anciennes des continents, les cratons.

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Pas naif

… mais je ne veux pas rêver, quitte à passer pour rabat-joie. Pourquoi? Pour des raisons de densité naturelle d’énergie. Ex: Le solaire thermique avec sa densité d’1 KW/m² pose de gros problèmes économiques pour le récolter (grande quantité de matière nécessaire). L’éolien serait bien placé s’il n’avait pas le boulet de sa variabilité. Alors que récupérer H² est bien plus difficile, si le flux de ce gaz dépassait un peu 1KW/m² sa récupération serait anti-économique. D’autre part j’ignore le flux réel, mais là où il atteindrait 1KW/m² des flammes y seraient visibles, comme les feux follets des marais où la production énergétique y est des centaines de fois plus faible au m².

fredo

d’accord avec vous, en l’absence d’indication de volume potentiel, ça sent le gadget ! ça ne remet pas en cause l’intérêt de l’hydrogène, pour stocker l’éolien par exemple! pour le solaire thermique, si vous pensez aux capteurs plan, l’essentiel de la matière est du verre, composé de matérieaux abondants. Donc je ne ne vois pas où est le problème mais peut-être pensez vous à une autre forme de solaire thermique. Laquelle? En tous cas 1 m²/personne (capteur plan) fournit au moins la moitié de l’eau chaude France entière, je trouve ça pas mal, avec un rendement supérieur à 80% de captation du rayonnement. Je note au passage votre repère 1kW/m² , qui change du ktep !

Babase

evidemment récupérer du gaz diffus en profondeur risque de couter cher. Mais bon quant les energies fossiles facilement extractibles seront epuisées ça pourrait devenir interessant. à vérifier surtout le EROEI !

Jethan91

IFPEN = Institut Français du Pétrole + Energies Nouvelles Pour une fois que les tenants du tout-pétrole se mettent à imaginer des solutions alternatives, ne boudons pas notre joie ! Si par ailleurs cette piste permet d’envisager une filière sérieuse de pile à combustible pour des déplacements (bus ou véhicules individuels) en réduisant le poids de véhicules électriques sur le réseau EDF, je suis preneur (bien que propriétaire d’un véhicule électrique MIA-L depuis quelques mois).

Pastilleverte

OK pour le solaire thermique, mais quant au PV ??? @jethan : félcitations pour la MIA, vous avez acheté un “collector”. la bise à Marie Ségolène de ma part.

jmdesp

Le terme Collector laisse entendre que MIA serait mal parti, d’apèrs leur site ils sont autonome par rapport à Heuliez et ont l’air de marcher pas mal en ce moment. Ce genre d’utilisation est une bonne idée la logique de l’électrique aujourd’hui devrait être en priorité absolue l’utilisation pour les trajets fréquents, de courte distance, en centre ville.