En 2011, l’OMS revoyait à la hausse les valeurs guide de l’uranium dans les eaux de boisson, passant ainsi de 2 µg/L à 30 µg/L. Une publication récente retrace l’évolution singulière de l’augmentation de cette valeur au cours de ces 15 dernières années.
Un article de revue publié dans Environment International par le CEA-CETAMA et le CEA-IBEB retrace l’histoire singulière de l’augmentation de cette valeur, de 2 µg/L en 1998 à 30 µg/L en 2011.
"C’est absolument unique dans l’histoire de la réglementation, raconte Laure Sabatier, responsable du programme transverse Toxicologie au CEA. Les valeurs seuil sont en général revues à la baisse." Pourquoi une telle augmentation dans ce cas ?
"Les premières recommandations se basaient sur des études toxicologiques irréalistes", explique Odette Prat, chercheuse au CEA-IBEB. "Les modèles rongeurs étaient exposés à des doses trop élevées et les effets induits n’étaient pas pertinents."
Des études épidémiologiques finlandaises, auxquelles s’est associé le CEA, ont amené à revoir cette valeur à la hausse. "Dans le sud de la Finlande, certaines eaux de captage sont naturellement très uranifèresavec une concentration dépassant largement 30 µg/L et pouvant atteindre 1500 µg/L, poursuit la biologiste. Parmi les personnes ayant consommé ces fortes concentrations d’uranium sur de longues périodes, aucune augmentation significative du risque de développer une pathologie rénale ou osseuse, ou des cancers, n’a pu être détectée."
Pour comprendre cette absence de toxicité, les chercheurs ont étudié la spéciation de l’uranium, à savoir la forme chimique dans laquelle il existe, selon la nature de son environnement. Il s’agit dans le cas des eaux finlandaises étudiées de complexes de carbonates, d’uranyle et de calcium, qui sont très peu absorbés par les intestins et rejetés essentiellement dans les fèces et l’urine[5]. "Relier la spéciation de l’uranium qui dépend de la minéralisation du milieu dans lequel il se trouve, à des données de toxicité chimique, pourrait permettre de modéliser la dangerosité d’un milieu contaminé pour réagir rapidement en cas d’incident au niveau d’eaux de captage, par exemple", souligne Odette Prat.
L’évolution spectaculaire de la valeur guide de l’uranium dans les eaux de boisson ne devrait pas s’arrêter là.
En effet, les scientifiques relèvent des incohérences liées à la divergence des études de toxicité chimique et de toxicité radiologique de l’uranium. "L’estimation de la toxicité radiologique pour l’uranium 238 (238U) recommande 10 Bq/L[6], alors que pour l’Uranium naturel, composé à 99 % d’238U, l’estimation est faite sur la toxicité chimique et recommande 30 µg/L, soit 1 Bq/L !", précise Laure Sabatier.
** Publication impliquant des chercheurs du CEA-IBEB et CEA-CETAMA. Révision à la hausse qui a pu se faire grâce à de nouvelles études épidémiologiques, notamment en collaboration avec la Finlande. Le CEA est sollicité pour son expertise en toxicologie nucléaire par des organismes internationaux comme la CIPR[2], l’UNSCEAR[3] ou l’OMS[4]. La DSV et la DEN ont participé à l’évolution de la valeur guide de l’uranium dans les eaux de boisson préconisée par l’OMS.
[2] Commission internationale de protection radiologique
[3] United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation : Comité scientifique de l’ONU sur les conséquences des émissions radioactives
[4] Organisation Mondiale de la Santé
[5] Pour en savoir plus : Uranium speciation in drinking water from drilled wells in southern Finland and its potential links to health effects
[6] Le becquerel (symbole : Bq) est l’unité d’activité d’un radionucléide et correspond à une désintégration par seconde.
de toutes façons, les valeurs limites de tel ou tel produit potentiellement dangereux, c’est à dire à peu près tout et n’importe quoi, sont, pour des raisons évidentes de précaution, divisées par un facteur 100 voire 1000 par rapport aux études toxicologiques les plus sérieuses (il doit en y avoir). Il restera toujours un ou plusieurs individus pour lesquels même une dose 1000 fois inférieure au seuil de « danger » sera préjudiciable à leur santé pour des raisons d’allergies fortes ou de métabolisme dégradé. Autrement dit, veut-on protéger 99,99999% ou 99,9999% ou 99,999% ou 99,99% de la population ?
Encore une conclusion biaisés. Il existe par exemple des populations d’amérique du sud qui se sont adaptées à la consommation d’arsenic qui rendrait malade le reste du monde. Il existe aussi les sherpas qui peuvent vivre avec peut d’oxygène au-dela de 4000 mêtres d’altitude. On ne peut généraliser les résultats d’une étude sur une minorité ethnique, car l’être humain est capable de s’adapter sur de nombreuses générations.
Euh, sauf erreur de ma part, les habitants du sud de la Finlande ne sont pas des peuplades primitives isolées génétiquement du reste du monde, donc l’adaptation… De façon plus générale, il me semble qu’on n’a jamais pu mettre en évidence des pathologies dans les régions à forte radioactivité naturelle (massif central, Kerala (Inde, 30 mSv/an), Ramsar (Iran, 300 mSv/an!) …)
La radioactivité naturelle de l’eau de mer est de 12 becquerels par litre à cause du potassium 40 qu’elle contient. Celle du jus de tomate de l’ordre de 140 becquerels par litre toujours à cause du potassium 40. Celle du corps humain est d’environ 70 becquerels par litre (potassium 40). Que je sache, la radioactivité du jus de tomate n’a pas beaucoup été accusée d’être une cause de cancer. Mais peut-être que ce post pourra déclencher l’action d’un lanceur d’alerte…