Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous les feux de forêt ne sont pas néfastes. Une étude récente révèle que certains incendies de faible à moyenne intensité peuvent avoir un effet protecteur sur les forêts, réduisant l’impact des feux futurs pendant une période pouvant aller jusqu’à 20 ans dans certains climats.
A l’Université de Californie à Davis, l’équipe de recherche menée par dirigée par Claire Tortorelli a analysé plus de 700 cas de «feux de reprise» (ou « reburns » en anglais) survenus au cours des 50 dernières années dans l’ouest des États-Unis. Leurs conclusions, publiées dans la revue Ecological Applications, mettent en lumière un phénomène peu connu : l’effet modérateur que peuvent avoir certains incendies sur la gravité des feux futurs.
Comme l’explique Claire Tortorelli, « Nous vivons à une époque où les incendies de forêt sont de plus en plus fréquents, ce qui pose des défis pour nos communautés et nos paysages. Certains incendies précédents peuvent avoir des effets modérateurs sur le comportement des feux futurs. Il est important de comprendre comment les incendies passés vont affecter ce qui se passera à l’avenir.«
Comment fonctionne cet effet protecteur ?
Imaginez une forêt comme un gâteau à plusieurs couches. Les feux de faible à moyenne intensité «grignotent» les couches inférieures (sous-bois, broussailles) sans détruire la canopée des arbres. Cette « consommation » partielle réduit la quantité de combustible disponible pour les feux futurs, créant ainsi une sorte de pare-feu naturel.
L’étude a révélé que la durée et l’intensité de cet effet protecteur varient selon le climat, le type de forêt et d’autres facteurs environnementaux. Par exemple, les forêts de la côte californienne et du Sud-Ouest américain bénéficient d’un effet plus durable que celles de la Sierra Nevada ou des Cascades.
Toujours selon la chercheuse, « Tout dépend de la végétation et des combustibles qui repoussent après un incendie. Nous avons encore besoin d’une compréhension plus nuancée des combustibles locaux pour que les gestionnaires sachent comment leur système spécifique va brûler lors d’un futur incendie ou quand revenir pour retraiter la zone. »
Implications pour la gestion des forêts
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour la gestion des forêts et la prévention des incendies. Les chercheurs suggèrent que les feux de faible intensité pourraient être utilisés comme une forme initiale de traitement pour réduire les combustibles et les risques d’incendie futurs. Toutefois, ils soulignent que cette approche doit être combinée avec d’autres actions de gestion, telles que les brûlages dirigés ou l’éclaircie mécanique, pour prolonger l’effet protecteur.
Le professeur Andrew Latimer, co-auteur de l’étude, souligne l’ampleur potentielle de ce phénomène : « Si l’on additionne toutes les zones touchées par des feux de faible à moyenne intensité, cela représente une surface bien plus importante que ce que nous avons pu traiter jusqu’à présent par éclaircie mécanique et brûlage dirigé. C’est donc la forme la plus importante de réduction des combustibles qui se produit actuellement. Cela ouvre une fenêtre d’opportunité pour maintenir les forêts en bon état.«
Repenser notre approche des feux de forêt
Cette étude nous invite à reconsidérer notre perception des feux de forêt. Plutôt que de les voir uniquement comme des catastrophes à éviter à tout prix, nous devrions peut-être les envisager comme des phénomènes naturels complexes, capables dans certains cas de jouer un rôle positif dans l’écosystème forestier.
Bien que les incendies de forte intensité restent une menace sérieuse, cette recherche ouvre la voie à des stratégies de gestion plus nuancées, qui pourraient s’avérer nécessaires dans notre adaptation au changement climatique et à l’augmentation des risques d’incendie.
Légende illustration : Exemple d’incendie de faible intensité provenant d’un brûlage dirigé dans une forêt mixte sèche de conifères. Crédit : Andrew Latimer/UC Davis
Article : ‘Moderating effects of past wildfire on reburn severity depend on climate and initial severity in Western US forests’ / ( 10.1002/eap.3023 ) – University of California – Davis – Publication dans la revue Ecological Applications / 15-août-2024