La décarbonation industrielle constitue une priorité absolue pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. La production d’hydrogène, élément indispensable dans l’écosystème énergétique actuel, génère des quantités importantes de gaz à effet de serre. Les méthodes traditionnelles de vaporeformage du méthane nécessitent une refonte complète. Une équipe de scientifiques américains propose désormais une solution inédite pour révolutionner l’ensemble du processus.
Les laboratoires de l’Université Rice aux États-Unis ont conçu un catalyseur photochimique modifiant radicalement les méthodes de production d’hydrogène. L’équipe de recherche a élaboré un système associant cuivre et rhodium qui, soumis à une longueur d’onde lumineuse particulière, décompose le méthane et la vapeur d’eau sans nécessiter d’apport thermique externe.
«La découverte représente l’un de nos résultats les plus significatifs jusqu’à présent, car elle propose une alternative améliorée à la réaction chimique probablement la plus importante pour la société moderne», a souligné le professeur Peter Nordlander, titulaire de la chaire Wiess de physique et d’astronomie à Rice, une déclaration attestant de l’ampleur des avancées réalisées par l’équipe de recherche dans le domaine de la catalyse photochimique.
Les plasmons au cœur du processus
Le mécanisme s’appuie sur les plasmons, oscillations collectives d’électrons générées lors de l’exposition de nanoparticules métalliques à la lumière. Les scientifiques ont exploité une propriété identifiée en 2011 : les plasmons émettent des «porteurs chauds», électrons et trous à haute énergie capables d’alimenter diverses réactions chimiques. L’utilisation de longueurs d’onde spécifiques permet un contrôle précis des réactions, offrant des rendements supérieurs aux méthodes conventionnelles.
Les résultats obtenus démontrent une amélioration significative du rendement énergétique global du processus. Le doctorant Yigao Yuan, premier auteur de l’étude, a ainsi précisé : «La photochimie plasmonique constitue l’élément central de nos travaux. Les plasmons absorbent la lumière très efficacement et génèrent des porteurs énergétiques permettant de réaliser les réactions chimiques souhaitées avec une efficacité supérieure à la thermocatalyse conventionnelle».
Une technologie porteuse de solutions multiples
Le système catalytique développé utilise des nanoparticules de cuivre comme antennes de captage énergétique. Les atomes de rhodium, répartis stratégiquement sur la surface, fonctionnent comme sites réactionnels en fixant les molécules d’eau et de méthane à la surface plasmonique. La disposition particulière des atomes de rhodium joue un rôle déterminant dans l’efficacité globale du processus.
L’innovation permet de résoudre le problème de désactivation du catalyseur provoqué par l’oxydation et le cokage. Les porteurs chauds éliminent les composés oxygénés et les dépôts carbonés, régénérant naturellement le catalyseur par action lumineuse. Un avantage considérable pour l’industrie, où la durée de vie des catalyseurs impacte directement les coûts de production.
Applications industrielles et perspectives futures
La production d’hydrogène s’effectue actuellement dans des installations centralisées massives, nécessitant un transport jusqu’aux points d’utilisation. Le vaporeformage photochimique autorise une production à la demande, particulièrement adaptée aux stations de ravitaillement en hydrogène ou aux véhicules. Les infrastructures requises s’avèrent moins complexes et plus économiques que les installations traditionnelles.
Les chercheurs travaillent désormais sur l’optimisation du processus à grande échelle. L’adaptation aux conditions industrielles nécessite des ajustements techniques spécifiques, notamment concernant la conception des réacteurs photochimiques et le système d’illumination. Les premiers résultats montrent des performances prometteuses pour une application industrielle à moyen terme.
Les implications de la découverte dépassent le cadre de la production d’hydrogène et pourraient influencer d’autres secteurs industriels utilisant des procédés catalytiques. La professeure Naomi Halas a conclu : «Les résultats démontrent le potentiel de la photochimie innovante pour redéfinir les processus industriels essentiels, nous orientant vers un avenir énergétique respectueux de l’environnement».
Légende illustration : Naomi Halas (de gauche à droite), Peter Nordlander et Yigao Yuan (Photo : Jeff Fitlow/Rice University)
Article : ‘Steam methane reforming using a regenerable antenna-reactor plasmonic photocatalyst’ / ( 10.1038/s41929-024-01248-8 ) – Rice University – Publication dans la revue Nature Catalysis