Muhammad Muddasar, University of Limerick
Si vous vous êtes déjà vu à travers une caméra thermique, vous savez que votre corps produit beaucoup de chaleur. Il s’agit en fait d’un déchet de notre métabolisme. Chaque mètre carré du corps humain dégage une chaleur équivalente à environ 19 allumettes par heure.
Malheureusement, une grande partie de cette chaleur s’échappe simplement dans l’atmosphère. Ne serait-il pas formidable de pouvoir l’exploiter pour produire de l’énergie ? Mes recherches ont montré que c’était possible. Mes collègues et moi-même découvrons des moyens de capturer et de stocker la chaleur corporelle pour produire de l’énergie, en utilisant des matériaux respectueux de l’environnement.
L’objectif est de créer un dispositif capable de générer et de stocker de l’énergie, agissant comme une banque d’énergie intégrée pour la technologie portable. Cela pourrait permettre à des appareils tels que les montres intelligentes, les trackers de fitness ou les trackers GPS de fonctionner beaucoup plus longtemps, voire indéfiniment, en exploitant la chaleur de notre corps.
L’auteur a remporté le prix du choix de l’éditeur dans le cadre du concours de thèses de trois minutes organisé par Vitae.
Notre corps n’est pas le seul à produire de la chaleur résiduelle. Dans notre monde technologiquement avancé, une quantité considérable de chaleur résiduelle est générée quotidiennement, depuis les moteurs de nos véhicules jusqu’aux machines qui fabriquent des biens.
En général, cette chaleur est également rejetée dans l’atmosphère, ce qui représente une occasion manquée de récupérer de l’énergie. Le concept émergent de « récupération de la chaleur perdue » vise à remédier à cette inefficacité. En exploitant cette énergie autrement gaspillée, les industries peuvent améliorer leur efficacité opérationnelle et contribuer à un environnement plus durable.
L’effet thermoélectrique est un phénomène qui permet de transformer la chaleur en électricité. Une différence de température produit un potentiel électrique, les électrons passant du côté chaud au côté froid, ce qui génère de l’énergie électrique utilisable.
Cependant, les matériaux thermoélectriques conventionnels sont souvent fabriqués à partir de cadmium, de plomb ou de mercure. Ceux-ci présentent des risques pour l’environnement et la santé qui limitent leurs applications pratiques.
Le pouvoir du bois
Nous avons découvert qu’il était également possible de créer des matériaux thermoélectriques à partir du bois, offrant ainsi une alternative plus sûre et durable.
Le bois fait partie intégrante des civilisations humaines depuis des siècles, servant de source de matériaux de construction et de combustible. Nous découvrons le potentiel des matériaux dérivés du bois pour convertir la chaleur résiduelle, souvent perdue dans les processus industriels, en électricité précieuse.
Cette approche permet non seulement d’améliorer l’efficacité énergétique, mais aussi de redéfinir la façon dont nous considérons les matériaux de tous les jours comme des composants essentiels des solutions énergétiques durables.
Notre équipe de l’université de Limerick, en collaboration avec l’université de Valence, a mis au point une méthode durable pour convertir la chaleur perdue en électricité en utilisant des produits du bois irlandais, en particulier la lignine, qui est un sous-produit de l’industrie du papier.
Notre étude montre que les membranes à base de lignine, lorsqu’elles sont trempées dans une solution saline, peuvent convertir efficacement la chaleur résiduelle à basse température (moins de 200 °C) en électricité. La différence de température à travers la membrane de lignine provoque le déplacement des ions (atomes chargés) dans la solution saline. Les ions positifs se déplacent vers le côté le plus froid, tandis que les ions négatifs se déplacent vers le côté le plus chaud. Cette séparation des charges crée une différence de potentiel électrique à travers la membrane, qui peut être exploitée sous forme d’énergie électrique.
Étant donné qu’environ 66 % de la chaleur résiduelle industrielle se situe dans cette plage de température, cette innovation représente une opportunité importante pour les solutions énergétiques respectueuses de l’environnement.
Cette nouvelle technologie pourrait faire une grande différence dans de nombreux domaines. Les industries telles que l’industrie manufacturière, qui produisent de grandes quantités de chaleur résiduelle, pourraient tirer des avantages considérables de la transformation de cette chaleur résiduelle en électricité. Cela leur permettrait d’économiser de l’énergie et de réduire leur impact sur l’environnement.
Cette technologie pourrait être utilisée dans différents contextes, qu’il s’agisse de fournir de l’électricité dans des zones reculées ou d’alimenter des capteurs et des appareils dans des applications quotidiennes. Son caractère écologique en fait également une solution prometteuse pour la production d’énergie durable dans les bâtiments et les infrastructures.
Le problème du stockage
Capter l’énergie de la chaleur perdue n’est qu’une première étape ; la stocker efficacement est tout aussi essentiel. Les supercondensateurs sont des dispositifs de stockage d’énergie qui chargent et déchargent rapidement l’électricité. Ils sont donc essentiels pour les applications nécessitant une fourniture rapide d’énergie.
Toutefois, leur dépendance à l’égard des matériaux carbonés dérivés de combustibles fossiles soulève des problèmes de durabilité, ce qui souligne la nécessité de trouver des solutions de rechange renouvelables pour leur production.
Notre groupe de recherche a découvert que le carbone poreux à base de lignine peut servir d’électrode dans les supercondensateurs pour le stockage de l’énergie générée par la récupération de la chaleur résiduelle à l’aide d’une membrane de lignine.
Ce processus permet à la membrane de lignine de capturer et de convertir la chaleur résiduelle en énergie électrique, tandis que la structure de carbone poreux facilite le mouvement rapide et le stockage des ions. En offrant une alternative verte qui évite les produits chimiques nocifs et la dépendance aux combustibles fossiles, cette approche constitue une solution durable pour le stockage de l’énergie à partir de la chaleur perdue.
Cette innovation en matière de technologie de stockage de l’énergie pourrait alimenter tous les appareils, de l’électronique grand public aux véhicules électriques, en passant par la technologie portable.
Muhammad Muddasar, PhD candidate, School of Engineering, University of Limerick
Cet article est republié à partir dans The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.
Capter de l’énergie à basse température est complexe donc coûteux.
Qui est prêt à parier ses économies sur le fait que cette chimère sera réaliser un jour ?