Alors que la Journée Mondiale de l’eau est prévue le mardi 22 mars prochaine, on sait que les besoins en eau potable n’ont jamais été aussi importants et qu’ils vont s’accroître dans les années à venir, avec l’augmentation de la population, notamment dans les villes.
En effet, on estime aujourd’hui à 1,4 milliards le nombre de personnes mal alimentées en eau potable sur la planète, soit 20 % de la population mondiale. Malheureusement, ce chiffre devrait doubler en 2050 pour atteindre 1/3 de la population.
Aussi, face à cet énorme défi, la chimie souvent mal considérée par la population, peut apporter certaines solutions notamment dans le domaine de l’analyse et du traitement de l’eau.
Pour devenir potable, l’eau doit répondre à des normes drastiques. Comme le souligne Bernard Legube, directeur de l’ENSI-Poitiers, ancien directeur du laboratoire de chimie de l’eau et de l’environnement au CNRS, "elle est constituée d’un très grand nombre de composés naturels et de substances potentiellement nocives (métaux lourds, métalloïdes, pesticides, résidus médicamenteux…) présents en quantités infimes. On est donc obligé de passer par des techniques très fines. Seule la chimie permet de détecter ces substances nocives et de les éliminer efficacement."
Plusieurs technologies permettent aujourd’hui de rendre l’eau potable :
- Les procédés de coagulation (qui permettent de débarrasser l’eau des matières en suspension)
- Les procédés d’absorption sur un solide (qui joue un rôle « d’éponge »)
- Les procédés à membranes (filtres de synthèse, à porosité contrôlée, qui laissent passer les substances souhaitées).
- Les procédés de désinfection (à l’aide de produits chimiques comme le chlore ou l’ozone)
Le potentiel d’innovation réside aujourd’hui essentiellement dans la combinaison de ces procédés entre eux. On associe par exemple procédés d’absorption et usage de membranes, comme pour le charbon actif : des microparticules de charbon absorbent les polluants présents dans l’eau qui sont ensuite filtrés par une membrane. Cette technologie est notamment utilisée à l’échelle industrielle par de grands groupes industriels.
La chimie explore également de nouveaux procédés, comme l’oxydation catalytique, notamment la photocatalyse : l’action dépolluante d’un solide plongé dans l’eau est activée sous l’action de la lumière et/ou d’un réactif chimique, les polluants sont transformés en molécules de carbone ou d’eau, inoffensives.
« Ces procédés peuvent être développés à une échelle industrielle, semi-collective ou individuelle, reprend Bernard Legube. Par exemple, le Bengladesh, dont une grande partie des ressources en eau est polluée par l’arsenic, bénéficie désormais d’une technique artisanale de photocatalyse : il s’agit de plonger un clou dans une bouteille d’eau placée au soleil et d’y ajouter quelques gouttes de citron, avant de filtrer l’eau à travers un papier ou un linge. L’action conjuguée de la rouille libérée par le clou, du citron et du soleil, débarrasse l’eau de son arsenic.»
La pénurie d’eau dans certains endroits oblige à se tourner vers d’autres ressources que l’eau douce, comme les eaux usées ou l’eau de mer. Des technologies chimiques de « re-use » (réutilisation des eaux usées) et de dessalement de l’eau de mer sont en plein développement.
L’enjeu est de taille quand on sait que le réchauffement de la planète va entraîner une inégalité encore plus importante de la répartition des ressources en eau douce entre les pays, dont 70% sont déjà utilisées par l’agriculture.
Ces technologies de traitement de l’eau par la chimie seront au cœur des enjeux des chimistes de demain.
Par ailleurs, dans le cadre des XXVIIe « Olympiades nationales de la Chimie », des lycéens de classes de Première et Terminale sont amenés à réfléchir sur le thème « chimie et eau ». La remise des prix aura lieu le 8 avril 2011 à la Maison de la Chimie à Paris en présence du chimiste Gérard Férey, Médaille d’Or du CNRS 2010.