Pékin vient de franchir un cap stratégique : la construction à Shenzhen de la toute première usine dédiée aux ordinateurs quantiques photoniques. Portée par la start-up QBoson, l’initiative entend bien faire passer la recherche de laboratoire à la production industrielle, avec des machines capables d’exploiter les propriétés de la lumière pour des calculs exponentiels. Le chantier devrait livrer ses premiers équipements dès octobre prochain.
Le site, implanté dans le district de Nanshan, l’un des épicentres de l’innovation du Guangdong, sera organisé autour de trois pôles : développement de modules, intégration système et contrôle qualité. À terme, QBoson prévoit d’y fabriquer « des dizaines » d’ordinateurs chaque année, apportant une capacité de série encore inexistante dans le domaine.
Cette industrialisation s’appuie sur une puce électronique-photonique gravée en 45 nm, intégrant sur un même silicium sources de photons corrélés et circuits de stabilisation. L’objectif : réduire les coûts et fiabiliser la production, à la manière de la micro-électronique classique.
La voie photonique : un pari à température ambiante
Contrairement aux architectures supraconductrices qui exigent un refroidissement à 15 mK, les processeurs photoniques fonctionnent à température ambiante.
L’approche élimine cryostats onéreux, simplifie la maintenance et offre, selon QBoson, un nombre plus élevé de qubits ainsi qu’une meilleure cohérence temporelle. Autant d’atouts pour élargir le champ des applications, de l’optimisation logistique à la modélisation financière.
Une course mondiale et des ramifications géopolitiques
L’inauguration intervient alors que Washington et Londres viennent de rallonger leurs budgets quantiques. En investissant massivement – la Chine reste le premier bailleur public du secteur – Pékin cherche à sécuriser une souveraineté technologique critique : la puissance de calcul quantique pourrait bouleverser la cryptographie, la découverte de matériaux ou l’intelligence artificielle.
Pour les investisseurs, la manœuvre ouvre un nouveau front : QBoson a levé des fonds en série A et s’associe déjà à China Mobile ou à la Postal Savings Bank pour optimiser, via des algorithmes quantiques, l’allocation de ressources en temps réel. Si la multiplication des qubits reste freinée par la correction d’erreurs, la mise en production de Shenzhen pourrait accélérer les itérations techniques et rapprocher la barre du million de qubits fonctionnels, seuil jugé nécessaire pour des avantages « incontestables » sur le calcul classique.
Et après ?
Les premières machines sorties d’usine sont attendues en 2026 ; elles serviront de bancs d’essai industriels. À plus long terme, Pékin envisage un maillage national de centres quantiques reliés à des réseaux sécurisés par intrication, jetant les bases d’un « internet quantique » chinois. Reste à savoir comment les régulateurs occidentaux réagiront à cette montée en puissance : contrôle des exportations, alliances de recherche ou course aux talents. Une certitude demeure : en posant la première pierre de Shenzhen, la Chine a déplacé le curseur de la compétition technologique vers le terrain, très concret, de la production de masse.
Source: Qboson