La glace se forme différemment dans les nuages et au congélateur

La glace se forme différemment dans les nuages et au congélateur

Découvrez comment l’étude des processus de congélation à l’aide de lasers à rayons X permet de mieux comprendre la formation de la glace dans les nuages et son impact sur le climat.

Les lasers à rayons X révèlent les premiers stades de la congélation de l’eau

Les nuages sont bien plus complexes qu’il n’y paraît. En effet, ils sont constitués de millions de minuscules gouttelettes d’eau surfondue, c’est-à-dire refroidies en dessous de leur point de congélation sans pour autant se transformer en glace.

Lorsque ces gouttelettes gèlent, elles peuvent accélérer le gel de l’ensemble du nuage par un processus appelé production de glace secondaire. Il s’agit d’un phénomène rapide et complexe qui se produit à différentes échelles de temps et de longueur.

« Les chercheurs en sciences atmosphériques tentent de comprendre comment la glace se forme de manière si efficace dans les nuages, ainsi que le type de glace qui se forme », explique Claudiu Stan, scientifique à l’Université Rutgers. « Lorsque la glace se forme dans l’eau surfondue, celle-ci gèle beaucoup plus rapidement que si vous attendiez simplement qu’elle gèle dans un congélateur. Et ce que les gens ont observé, c’est que vous n’obtenez pas le même type de glace qu’avec un congélateur. Mais jusqu’à présent, il a été assez difficile d’observer ce qui se passe au tout début du processus de congélation. »

Une équipe de chercheurs a exploré ce processus complexe de plus près en utilisant le laser à rayons X Linac Coherent Light Source (LCLS), situé au Laboratoire national de l’accélérateur SLAC du Département américain de l’énergie.

Les chercheurs ont développé un modèle du processus de congélation comprenant sept étapes distinctes et ont découvert une structure inattendue en cours de route. Leurs résultats, publiés aujourd’hui dans Nature, pourraient améliorer notre compréhension du comportement des nuages et de leur effet sur le climat.

« La congélation de ces minuscules gouttelettes est un phénomène qui n’est pas encore totalement compris, et il pourrait contenir des indices qui pourraient nous aider à mieux appréhender le changement climatique », explique Claudiu Stan, qui a dirigé l’étude. « Nous avons découvert que le processus est en fait plus complexe qu’on pourrait le penser. »

Une structure inattendue

Au LCLS, l’équipe a utilisé deux techniques pour étudier des dizaines de milliers de microgouttelettes d’eau : la microscopie optique, qui grossit les petits objets en déviant la lumière à travers une série de lentilles, et la diffraction des rayons X, une technique où les scientifiques frappent un échantillon avec des rayons X et observent le motif qu’ils forment lorsqu’ils rebondissent pour déterminer comment les atomes ou les molécules sont disposés.

Ils se sont rendu compte que les premières étapes de la congélation sont presque indépendantes des facteurs environnementaux, ils ont donc refroidi rapidement les gouttes dans le vide pour capturer ces étapes. La diffraction des cristaux de glace formés a révélé qu’un arrangement cristallin s’était formé peu après le début du processus de congélation.

La diffraction du liquide restant entre les cristaux de glace a montré des motifs similaires à ceux que l’on pourrait observer à la surface de la glace, où il y a une couche superfine qui n’est ni tout à fait liquide ni tout à fait solide. Les chercheurs ont également découvert que la glace forme un arrangement hexagonal de cristaux contraints ou stressés juste après la congélation. Cette structure inattendue, qui n’avait jamais été observée auparavant, est un état temporaire et instable qui est susceptible de précéder la formation de glace avec d’autres types d’anomalies dans la structure cristalline.

« Cette congélation se produit extrêmement rapidement et dans une très petite région », explique le scientifique du SLAC Sebastien Boutet. « C’est là que le laser à rayons X entre en jeu. Il nous permet de suivre ces changements ultrarapides et ultrapetits, en prenant des instantanés des molécules dans le cristal pour voir comment elles se comportent tout au long du processus. »

Transformation en glace

La congélation des gouttelettes surfondues passe par différentes étapes. Les chercheurs ont identifié sept de ces étapes dans leur système et les ont organisées dans un modèle prédictif. Tout d’abord, un petit morceau de glace se forme par nucléation dans l’eau très froide. Ensuite, la glace commence à croître en formes arborescentes, modifiant légèrement la forme de la gouttelette et gelant la moitié de l’eau à l’intérieur.

Vient ensuite la formation d’une couche de glace lisse à l’extérieur d’une partie centrale contenant à la fois les motifs de glace en forme d’arbres et un peu de liquide. Comme l’eau se dilate en se transformant en glace, de petites structures pointues de glace commencent à apparaître à la surface de la gouttelette, le liquide intérieur étant poussé vers l’extérieur à travers les fissures de la couche de glace externe.

Bientôt, la gouttelette forme de plus en plus de grandes structures pointues de glace. L’expansion de la glace provoque l’apparition de fissures dans certaines gouttelettes sans toutefois les fragmenter. D’autres gouttelettes, sous la pression de la glace en expansion, se brisent complètement en morceaux.

« Il s’agit d’un processus assez compliqué, car certaines de ces étapes commencent à des moments et en des endroits variables, de sorte que chaque goutte gèle d’une manière légèrement différente », explique Claudiu Stan. « Au début, nous n’étions pas sûrs de pouvoir modéliser ce processus avec les données dont nous disposions, mais nous avons réussi à élaborer un modèle comprenant sept étapes de congélation et prédisant également un gel légèrement différent pour chaque goutte. Forts de notre réussite, nous pensons que de tels modèles de congélation peuvent également être élaborés pour les gouttelettes présentes dans les nuages. »

Compléter le tableau

Maintenant qu’ils ont une meilleure idée de ce qui se passe au début de ce processus de congélation, les chercheurs prévoient de mener des expériences de suivi à différents moments pour obtenir une image plus complète.

Cette recherche fournit une compréhension détaillée de la façon dont les gouttelettes d’eau surfondue gèlent, ce qui pourrait conduire à de nouvelles perspectives sur les processus atmosphériques et le système climatique dans son ensemble. Au-delà, les techniques utilisées pourraient aider les chercheurs à mieux comprendre les processus de congélation ou de solidification dans d’autres matériaux ou dans des conditions météorologiques.

« Lorsque nous avons commencé cette expérience, nous pensions confirmer une structure métastable précédemment observée sur des cristaux de glace avec des délais plus longs, et nous avons fini par observer quelque chose de totalement inattendu », conclut Claudiu Stan. « Nous comprenons maintenant mieux ce qui se passe au début de la congélation, ce que je trouve assez passionnant. »

En synthèse

Cette étude révèle la complexité des processus physiques et chimiques qui interviennent lors de la congélation de l’eau à l’échelle microscopique. Les chercheurs ont pu identifier les différentes étapes de la transformation de l’eau surfondue en glace dans les nuages grâce à des techniques de pointe comme la diffraction des rayons X. Leur modèle prédictif à 7 étapes apporte un éclairage nouveau sur ce phénomène rapide qui influence le climat.

Pour une meilleure compréhension

Qu’est-ce que l’eau surfondue ?

L’eau surfondue est de l’eau liquide qui est refroidie en-dessous de son point de congélation (0°C) sans se transformer en glace.

Comment se forme la glace dans les nuages ?

La glace se forme à partir des gouttelettes d’eau surfondue présentes dans les nuages. Leur congélation peut être déclenchée par un petit cristal de glace et s’accélère ensuite rapidement.

Quelles techniques ont été utilisées ?

Microscopie optique, diffraction des rayons X sur le laser LCLS et refroidissement rapide des gouttelettes d’eau dans le vide.

Qu’a révélé la diffraction des rayons X ?

La formation rapide d’un arrangement cristallin hexagonal contraint dans la glace juste après le début de la congélation.

Quelles sont les 7 étapes identifiées ?

Nucléation, croissance en forme d’arbres, formation d’une couche lisse, apparition de pointes, fissuration, fragmentation, expansion.

Quels bénéfices pour la recherche climatique ?

Meilleure compréhension des processus de formation de la glace dans les nuages et de leur rôle sur le climat.

Quelles suites à ces travaux ?

Nouvelles expériences pour compléter le modèle. Applications possibles à d’autres domaines que le climat.

Article adapté de l’auteur du SLAC / Ali Sundermier

Légende illustration principale : Les études par laser à rayons X aident les chercheurs à identifier les premières étapes du processus de congélation afin de mieux comprendre comment les nuages se transforment en glace et leur effet sur le climat. (Greg Stewart/SLAC National Accelerator Laboratory)

Citation: Armin Kalita et al., Nature, 16 August 2023 (10.1038/s41586-023-06283-2)

[ Rédaction ]

               

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