Pompage électrique : comment le cœur humain pourrait faire baisser votre facture

Pompage électrique : comment le cœur humain pourrait faire baisser votre facture

Pomper des liquides peut sembler être un problème résolu, mais l’optimisation du processus reste un domaine de recherche actif. Toute application de pompage, qu’elle soit à l’échelle industrielle ou dans les systèmes de chauffage domestiques, bénéficierait d’une réduction de la consommation énergétique.

Des chercheurs de l’Institute of Science and Technology Austria (ISTA) ont montré comment le pompage pulsé peut réduire à la fois la friction et la consommation d’énergie. Pour cela, ils se sont inspirés d’un système de pompage que chacun connaît intimement : le cœur humain.

Selon une étude internationale, près de 20% de l’électricité mondiale est utilisée pour pomper des liquides, que ce soit dans des applications industrielles comme le pompage de pétrole et de gaz, ou dans des installations de chauffage pompant de l’eau chaude dans les habitations.

Une équipe de chercheurs de l’ISTA, dont Davide Scarselli et Björn Hof, a cherché un moyen de réduire ces besoins énergétiques en s’inspirant de la nature. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature, ils ont montré que pomper des liquides de manière pulsée à travers un tuyau, à l’image du cœur qui pompe le sang, peut réduire la friction dans le tuyau et donc aussi la consommation d’énergie.

La pompe accélère d’abord rapidement l’eau, puis la ralentit. Cette phase est suivie d’une phase de repos sans pompage où le mouvement des turbulences peut s’atténuer. Ce mouvement de pompage s’inspire de la forme du pouls du cœur humain. Crédit : © Thomas Zauner / ISTA

S’inspirer du cœur pour réduire les turbulences

Au fil des années, les chercheurs et ingénieurs ont essayé de rendre le pompage de fluides plus efficace“, explique Davide Scarselli, auteur principal de l’étude. “Bien que de nombreuses solutions soient simulées ou testées en laboratoire, elles sont souvent trop complexes et donc trop coûteuses à mettre en œuvre dans des applications industrielles réelles. Nous cherchions une approche qui ne nécessite pas de changements structurels compliqués dans les infrastructures, comme des capteurs et des actionneurs.”

Plutôt que de modifier la structure des tuyaux pour réduire la friction entre le liquide en mouvement et les parois, les scientifiques ont essayé une approche différente. “Comme toute partie de notre corps, le cœur humain a été façonné par des millions d’années d’évolution“, explique Björn Hof, professeur à l’ISTA. “Contrairement aux pompes mécaniques classiques, qui créent un flux continu de liquide, le cœur pulse. Nous étions curieux de savoir s’il pouvait y avoir un avantage à cette forme de propulsion particulière.”

À cette fin, Davide Scarselli et son collègue Atul Varshney ont créé plusieurs dispositifs expérimentaux utilisant des tuyaux transparents de différentes longueurs et diamètres à travers lesquels ils ont pompé de l’eau. “La référence pour nos expériences était un flux d’eau stable, où des tourbillons et des remous se déplaçaient de manière chaotique en étant poussés à travers le tuyau“, raconte le premier.

Ces tourbillons et remous sont appelés turbulence et créent une grande partie de la friction entre le liquide et les parois du tuyau, ce qui nécessite de l’énergie pour les surmonter.

Une feuille de lumière laser est projetée à travers le tuyau transparent dans lequel l’eau est pompée en continu. Le laser est réfléchi par de minuscules particules dans l’eau et rend visibles ses courants tourbillonnants. Crédit : © Thomas Zauner / ISTA

Les chercheurs ont rendu les turbulences visibles en ajoutant de minuscules particules réfléchissantes à l’eau et en faisant passer un laser à travers le tuyau transparent. Le professeur Scarselli ajoute : “Le laser envoie de la lumière à travers le tuyau dans une feuille horizontale et est réfléchi par les particules. Nous avons ensuite pris des photos qui pouvaient être utilisées pour détecter si l’écoulement était turbulent ou laminaire, ce dernier signifiant sans tourbillons ni remous.

Réduire la friction en faisant des pauses

Ensuite, les scientifiques ont essayé plusieurs modes de pompage pulsé. Certains modes d’impulsion accéléraient d’abord lentement l’eau, puis l’arrêtaient rapidement, tandis que d’autres faisaient l’inverse.

Björn Hof explique les résultats : “Typiquement, la pulsation augmentait la traînée et l’énergie nécessaire au pompage, ce qui n’était pas ce que nous recherchions. Cependant, lorsque nous avons introduit une courte phase de repos entre les impulsions pendant laquelle la pompe ne pousse pas l’eau, à l’image du cœur humain, nous avons obtenu de bien meilleurs résultats.”

Avec ces phases de repos entre les impulsions de pompage, la quantité de turbulences dans le tuyau a considérablement diminué.

Pendant la phase de repos, les niveaux de turbulence sont réduits et rendent la phase d’accélération suivante beaucoup plus efficace pour réduire la friction“, ajoute Davide Scarselli.

Pour un mouvement de pompage pulsé optimisé similaire à celui du cœur humain, les chercheurs ont constaté une diminution de 27% de la friction moyenne et une réduction de 9% de la consommation d’énergie.

Une réduction de la friction et des fluctuations turbulentes est clairement avantageuse dans le contexte biologique car elle évite d’endommager les cellules sensibles aux contraintes de cisaillement qui constituent la couche la plus interne de nos vaisseaux sanguins. Nous pourrions potentiellement apprendre de cela et l’exploiter dans de futures applications“, précise Björn Hof.

Davide Scarselli conclut pour sa part : “Bien que nous ayons démontré des résultats prometteurs en laboratoire, les applications concrètes de notre recherche sont moins évidentes. Les pompes devraient être modifiées pour produire ces mouvements pulsés. Cependant, cela resterait beaucoup moins coûteux que des modifications des parois des tuyaux ou l’ajout d’actionneurs. Nous espérons que d’autres scientifiques s’appuieront sur nos résultats pour explorer ces solutions inspirées de la nature pour des applications industrielles.”

En synthèse

Cette étude montre que le pompage pulsé de liquides, à l’image du cœur humain, peut réduire de manière significative la friction dans les tuyaux et la consommation d’énergie associée. En introduisant des phases de repos entre les impulsions de pompage, les niveaux de turbulence sont diminués, ce qui optimise l’efficacité. Une réduction de 27% de la friction moyenne et de 9% de l’énergie a été obtenue en laboratoire.

Pour une meilleure compréhension

Pourquoi chercher à optimiser les pompes à liquide ?

Près de 20% de l’électricité mondiale est consommée pour le pompage de liquides. Réduire cette consommation aurait donc un impact majeur en termes de durabilité, que ce soit dans l’industrie ou les foyers.

En quoi consiste l’approche des chercheurs ?

Plutôt que de modifier les tuyaux, ils s’inspirent du cœur humain qui pulse le sang et introduisent des phases de repos entre les impulsions de pompage.

Comment cela réduit-il la friction ?

Les phases de repos diminuent les turbulences, ce qui rend la reprise du pompage plus efficace pour réduire les frottements.

Quels sont les résultats obtenus ?

Une réduction de 27% de la friction moyenne et de 9% de l’énergie en laboratoire.

Quelles sont les limites ?

L’application industrielle n’est pas immédiate, des adaptations sont nécessaires.

Quelles suites possibles ?

D’autres chercheurs pourraient s’appuyer sur ces résultats pour développer des systèmes de pompage plus durables.

Légende illustration principale : Un moyen d’économiser de l’énergie pour pomper des liquides dans des tuyaux, inspiré par les battements du cœur, a été découvert : Björn Hof dans son laboratoire à l’Institut des sciences et technologies d’Autriche (ISTA) et secondaire : Björn Hof à l’Institut des sciences et technologies d’Autriche (ISTA) / Crédit : © Nadine Poncioni / ISTA

Article : “Turbulence suppression by cardiac cycle inspired pulsatile driving of pipe flow” – DOI: 10.1038/s41586-023-06399-5 

[ Rédaction ]

               

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