I. Les atouts de la ville dense
Lieu d’échange et de brassage, la ville offre un environnement favorable à l’activité économique. Tertiarisation de l’économie aidant, les villes sont devenues au fil des décennies des lieux concentrant une part croissante du PIB dans les pays développés. Cette concentration a pu se faire grâce à un accès facile à l’énergie et aux matières premières indispensables à leur construction et à leur fonctionnement.
En concentrant la population sur de petits territoires, la ville dense a permis de réaliser de multiples économies d’échelle : réseaux, infrastructures, voiries, etc…
Mais aussi efficaces soient-elles, ces activités génèrent des besoins en énergie et en matières premières d’autant plus importants que la population et le niveau de vie croit. En France, l’agglomération parisienne illustre parfaitement le phénomène : sur un territoire qui représente 2 % du territoire national, les 12 millions de franciliens engloutissent à eux-seuls plus de 20 % de la consommation d’énergie du pays ! Rien d’étonnant donc à ce que l’Ile-de-France affiche une extrême dépendance aux énergies fossiles et à l’électricité nucléaire, et ce malgré un sous-sol particulièrement généreux…
II. Des besoins en énergie qui ne cessent d’augmenter
Bien qu’elles permettent de réaliser des économies d’échelle intéressantes, les grandes métropoles n’en demeurent pas moins des territoires qui affichent un très fort taux de dépendance énergétique eu égard aux besoins en énergie nécessaire à leur fonctionnement (chauffage, éclairage, déplacement, traitement de l’eau et des déchets, acheminement des marchandises, etc…).
Exceptée l’électricité produite par des installations d’origine renouvelable distantes telles que des barrages hydro-électrique ou de grands parcs éoliens, il est à ce jour impossible de couvrir la totalité des besoins en énergie d’une grande ville autrement qu’en faisant appel aux énergies fossiles, au premier rang desquels le pétrole et le gaz qui ont cet immense avantage d’être facilement transportables et stockables. De leur coté, les énergies renouvelables disponibles localement n’ont pas vocation à remplacer à l’identique les énergies fossiles puisqu’elles s’inscrivent sans ambiguïté dans une nouvelle économie de la sobriété et de la rareté. Ce qui hélas, ne constitue pas vraiment la caractéristique première des grandes métropoles qui continuent de grossir chaque jour un peu plus. Pour combien de temps encore ?
III. Le tabou du « moins de »
Shootés à la croissance depuis les 30 glorieuses, les décideurs au pouvoir continuent de s’accrocher à l’idée d’une France capable de retrouver le chemin de la croissance en contrepartie d’importantes réformes à venir.
Cette pensée dominante largement répandue au sein de la classe politique au pouvoir n’est en réalité qu’une immense escroquerie intellectuelle compte tenu des contraintes à venir en matière d’approvisionnement en énergie et autres matières premières importées.
La France a beau être un pays disposant de très nombreux atouts pour l’avenir, elle n’en reste pas moins un pays très dépendant des importations d’or noir et de gaz pour fournir les TWh d’énergie engloutis quotidiennement par le pays, notamment à l’intérieur des grandes agglomérations.
La métropolisation ne serait donc ni plus ni moins qu’une traduction capitaliste de l’aménagement du territoire : faire toujours plus, même là où il y a déjà beaucoup !
IV. Les limites des énergies « vertes »
Refusant d’admettre les limites du modèle actuel, les maires des grandes villes ont commencé à substituer une partie des consommations d’énergie fossile par des énergies renouvelables, en tête desquelles le bois-énergie. Le plus souvent raccordées à des réseaux de chaleur, quelques « méga-centrales » à biomasse ont ainsi vu le jour ces dernières années. Des installations pas toujours très pertinentes pour répondre aux besoins en énergie de ces réseaux, notamment hors période de chauffe. Une fois raccordées au réseau, il reste ensuite à organiser le bal des camions venant les approvisionner en « or vert » : une véritable aberration énergétique et écologique étant donné les distances à parcourir pour aller chercher la précieuse énergie, surtout lorsque celle-ci est très insuffisante localement (i.e dans un rayon de 50 km maxi).
V. Repenser les territoires au regard des ressources disponibles localement.
Il ne s’agit pas ici de prôner l’autonomie dans toutes ses formes mais bien de rappeler les décideurs au bon sens et à la raison. Hors électricité, les énergies locales et renouvelables ont vocation à être valorisées localement plutôt qu’exportées à l’extérieur avec toutes les pertes que cela engendre. Alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de faire pousser des ananas au pôle au Nord ou du maïs au sahara, peu de décideurs politiques s’interrogent sur les conséquences à long terme d’une urbanisation fortement concentrée à l’intérieur de grandes métropoles comptant plusieurs millions d’habitants. La pression accrue sur les stocks mondiaux d’énergies fossiles devrait pourtant les interpeller autant que les conséquences attendues des changements climatiques en cours…
L’autre préoccupation sur laquelle élus de tout bord devraient se rejoindre, c’est la souveraineté alimentaire à long terme. Plus que tout autre bien de consommation, les biens alimentaires sont à classer au rang des biens de première nécessité qu’il est important de pouvoir produire à proximité des lieux de consommations étant donné la fréquence d’approvisionnement et les contraintes sanitaires auxquels ce type de bien est soumis. Inversement, un pays qui ferait le choix d’exporter massivement des biens de consommations courants (lait, eau, blé, viande, oeufs, etc…) comme la France et quelques autres pays d’Europe le font au prétexte que leur potentiel productif dépasse les besoins propres du pays expose ses industries et les emplois qui en dépendent à de lourdes sanctions en cas d’embargo et/ou de difficultés d’approvisionnement en énergie pour exporter la précieuse nourriture. Une problématique on ne peut plus d’actualité actuellement qui devrait là aussi interpeller tous les décideurs sans exception sur le bien fondé de ce genre de pratique complément aberrante. Un constat qui ne se limite pas au secteur agro-alimentaire hélas.
Qu’on se le dise, l’énergie ne pourra pas être éternellement le parent pauvre des choix de société qui s’offrent à nous. Plutôt que de prôner la croissance verte comme remède universel à tous nos maux, commençons déjà par remettre un peu de bon sens et de sobriété dans nos vies plutôt que de continuer à consommer sans réfléchir.
Vive le futur sobre et intelligent !
[ Archive ] – Cet article a été écrit par G. Porcher