Dans les laboratoires de l’Université Technologique de Nanyang à Singapour, une équipe de chercheurs vient d’accomplir un exploit remarquable : réduire la taille des composants quantiques d’un facteur 1000. Une miniaturisation qui pourrait transformer l’ordinateur quantique, actuellement grand comme une armoire, en un appareil tenant dans la paume de la main.
Le fonctionnement d’un ordinateur quantique ressemble à un orchestre où chaque musicien (photon) peut jouer plusieurs notes simultanément, alors qu’un ordinateur classique serait comme un musicien ne pouvant jouer qu’une note à la fois. La découverte de l’équipe singapourienne permet de réduire la taille de la salle de concert tout en gardant la même qualité sonore.
Le Professeur Gao Weibo et son équipe ont travaillé pendant des années sur les cristaux quantiques. «Un matin, en observant le comportement des photons dans nos cristaux ultra-fins, nous avons réalisé que nous pouvions obtenir le même résultat qu’avec des équipements bien plus volumineux», raconte le chercheur.
L’innovation repose sur l’utilisation d’un matériau cristallin novateur : le dichlorure d’oxyde de niobium. En superposant deux fines couches de cristaux perpendiculairement, les chercheurs ont créé un système capable de produire des paires de photons parfaitement synchronisés, sans équipements optiques supplémentaires.
Une technologie accessible
Un atout majeur de la méthode développée réside dans sa capacité à fonctionner à température ambiante. Contrairement aux autres approches nécessitant un refroidissement extrême proche du zéro absolu, les photons peuvent être manipulés dans des conditions normales, rendant la technologie plus accessible et économique.
Les applications de la miniaturisation quantique transformeront de nombreux domaines :
– Santé : Les ordinateurs quantiques analyseront rapidement des millions de molécules pour créer des médicaments personnalisés
– Environnement : La modélisation précise des changements climatiques permettra des actions plus ciblées
– Transport : L’optimisation du trafic en temps réel réduira la congestion urbaine
– Finance : La détection instantanée des fraudes bancaires renforcera la sécurité des transactions
L’avenir de la recherche
L’équipe poursuit ses travaux dans plusieurs directions. Les chercheurs étudient notamment l’impact de motifs microscopiques gravés sur la surface des cristaux pour augmenter la production de photons. Ils explorent également l’association avec d’autres matériaux pour optimiser les performances.
Le professeur Sun Zhipei, de l’université finlandaise d’Aalto, spécialisé dans la photonique et qui n’a pas participé aux recherches de la NTU, a indiqué que les photons intriqués sont comme des horloges synchronisées qui affichent la même heure quelle que soit la distance qui les sépare et qui peuvent donc permettre une communication instantanée. Il a ajouté que la méthode utilisée par l’équipe du NTU pour générer des photons quantiques intriqués «constitue une avancée majeure, qui pourrait permettre la miniaturisation et l’intégration des technologies quantiques».
La miniaturisation des ordinateurs quantiques marque une étape fondamentale vers l’informatique du futur. Les travaux de l’équipe singapourienne rapprochent le monde de l’époque où la puissance de calcul quantique deviendra accessible à tous, transformant notre façon d’aborder les défis complexes de notre époque.
«Ce développement pourrait faire progresser l’informatique quantique et les communications sécurisées, car il permet de créer des systèmes quantiques plus compacts, plus évolutifs et plus efficaces», a commenté le professeur Sun, co-chercheur principal au Centre d’excellence en technologie quantique du Conseil de la recherche de Finlande.
L’équipe de la NTU prévoit d’optimiser encore la conception de son installation afin de générer encore plus de paires de photons liés que ce qui est possible aujourd’hui. Elle envisage notamment d’étudier si l’introduction de minuscules motifs et rainures à la surface des paillettes de dichlorure d’oxyde de niobium peut augmenter le nombre de paires de photons produites. Une autre idée consiste à examiner si l’empilement de paillettes de dichlorure d’oxyde de niobium avec d’autres matériaux peut stimuler la production de photons.
Les calculs qui prendraient des millions d’années aux superordinateurs actuels pourront être résolus en quelques minutes, offrant des possibilités inédites pour l’innovation et la résolution de problèmes complexes.
Légende illustration : Leevi Kallioniemi, étudiante en doctorat à l’école des sciences physiques et mathématiques de la NTU de Singapour, avec un laser bleu permettant de générer des paires de photons intriqués. (Crédit : NTU Singapore)
Article : “Van der Waals engineering for quantum-entangled photon generation”, publié dans Nature Photonics, 14 October 2024. DOI: 10.1038/s41566-024-01545-5