La recherche nucléaire appliquée à l’exploration spatiale

Le rover Curiosity s’est posé sur Mars le 6 août 2012, dans le cratère Gale, après un long voyage de 9 mois ; En mission d’exploration sur la planète rouge, ce petit bijou de technologie a pour projet de déterminer si la vie a pu exister sur Mars, de caractériser le climat et la géologie de la planète et enfin de préparer l’exploration humaine.

Comment une équipe de chercheurs français spécialisés dans le domaine du nucléaire se retrouve-t-elle impliquée dans ce projet extraterrestre ?

Aux prémices du projet Mars Science Laboratory (MSL), la Nasa a lancé un appel d’offres international pour recenser les meilleures technologies existantes afin de répondre aux nombreuses interrogations que réserve la planète Mars. Parmi les défis à relever : l’analyse à distance de la composition des roches martiennes. Les chercheurs du Département de physico-chimie (Direction de l’énergie nucléaire au CEA) ont ainsi été sollicités, dès 2001, par l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) de Toulouse, afin d’adapter une de leurs technologies pour concevoir l’instrument qui équipera, dix ans plus tard, le rover Curiosity.

La technologie LIBS

Le département de physico-chimie (DPC) travaille notamment sur l’analyse des matériaux dans le domaine du nucléaire. Une des contraintes dans ce domaine est de pouvoir contrôler et analyser des zones non accessibles directement par l’homme, soit parce que cela représente un danger potentiel, soit parce que l’étude nécessite une analyse in situ. C’est pourquoi le DPC a mis au point, dès les années 80, la technique LIBS (Laser-induced breakdown spectroscopy) :

• un rayonnement laser pulsé est focalisé sur une partie du matériau à analyser pour le vaporiser ;
• un plasma (gaz ionisé) se forme et est ensuite analysé grâce à un spectromètre, pour déterminer la composition chimique du matériau.

L’intérêt de la LIBS repose sur sa rapidité de mesure, sa simplicité de mise en œuvre et la possibilité de se trouver à distance du matériau à analyser. Utilisée aujourd’hui dans de nombreux domaines industriels (métallurgie, industrie pétrolière…), cette technique est développée et mise en œuvre au CEA pour la recherche nucléaire.

La recherche nucléaire appliquée à l’exploration spatiale

Adapter cette technologie aux conditions spatiales

Des adaptations de la LIBS ont été nécessaires, d’une part pour répondre aux conditions environnementales de Mars, d’autre part pour correspondre aux critères (dimension et poids) d’un instrument destiné à aller dans l’espace. Les chercheurs ont recréé, dans leur laboratoire, une chambre de tests qui reproduisait les conditions atmosphériques martiennes. Ils ont effectué leurs premières expériences dans le but de réaliser le cahier des charges de l’instrument et faire la démonstration de principe. Sur la base de ces résultats, la Nasa a choisi, fin 2004, l’équipe française pour développer, en collaboration avec le laboratoire américain du Los Alamos National Laboratory, l’instrument ChemCam qui équipe aujourd’hui le rover Curiosity.

L’implication du CEA dans la mission de Curiosity

Reconnus comme experts français pour la technique LIBS, les chercheurs du DPC ont suivi l’ensemble des étapes de conception et de fabrication de l’instrument embarqué. Les équipes françaises de l’IRAP ont été en charge de développer la partie optique de l’appareil de mesures.

Celle-ci se compose du laser et de son électronique, ainsi que d’un télescope dont la fonction est triple :

  • réaliser une image haute définition des roches grâce à une caméra
  • focaliser le rayonnement laser sur les zones d’intérêt
  • collecter l’émission du rayonnement induit par l’interaction laser-surface.

Ce rayonnement sera ensuite véhiculé par fibres optiques jusqu’aux trois spectromètres situés dans le corps principal du rover et dont le développement a été à la charge des équipes de Los Alamos. La réalisation du laser a été confiée à Thales Laser. Ce laser peut produire un plasma jusqu’à 7 mètres de distance, fournir une énergie de l’ordre de 30 mJ, une durée d’impulsion de 7 ns et une bonne qualité de faisceau.

Les résultats collectés seront envoyés via un signal transmis directement aux centres de commande situés à Pasadena (Californie). Deux chercheurs du DPC participeront aux premiers dépouillements des résultats et aux éventuels réglages nécessaires. Les séquences de mesures des roches martiennes seront ensuite programmées la veille pour le lendemain. En fonction des résultats obtenus sur un site, dans une zone de 7 mètres de diamètre, il sera décidé ou non de faire bouger le rover. D’où l’avantage de l’analyse à distance qui permettra d’anticiper la direction à prendre en fonction de l’intérêt d’analyse du site.

La recherche nucléaire appliquée à l’exploration spatiale

C’est grâce à leur expertise dans un domaine situé à des « années lumières » de l’exploration spatiale, que des chercheurs du CEA ont pu ainsi envoyer un peu d’eux-mêmes sur Mars (qui n’est jamais qu’à une distance située entre 56 et 400 millions de kilomètres de la Terre, suivant sa position).

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Teredral

La recherche nucléaire ne serait-elle pas appliquée aussi et peut-être avant tout à la propulsion tant du module de transport que du rover ?

Bionico

Je ne vois pas ce qu’il y a de nucléaire là-dedans, sinon l’appartenance de l’équipe au CEA, et donc une partie des financements. C’est une spectroscopie classique, qui utilise un laser comme source de rayonnement ! La technologie est de plus utile à de nombreux domaines comme l’article le stipule, et qui n’a sans doute pas été inventé spécifiquement POUR le nucléaire ! Encore un titre racoleur offert par le lobby de l’atome pour nous montrer que grâce à nos centrales, nous pouvons aller sur Mars… Sans blague !