Comment les technologies quantiques peuvent-elles repousser les limites des méthodes spectroscopiques traditionnelles ? Une équipe internationale d’ingénieurs et de physiciens a récemment proposé une solution audacieuse en exploitant la lumière quantique pour améliorer les performances d’une technique déjà puissante : la spectroscopie temporelle. Cette innovation pourrait redéfinir l’analyse moléculaire dans des domaines aussi variés que la sécurité et le diagnostic médical.
Une approche innovante grâce à la lumière quantique
La recherche menée par cette collaboration internationale a permis de surmonter un obstacle majeur rencontré dans la spectroscopie temporelle. Leur méthode repose sur l’utilisation de paires de impulsions laser jumelées par mécanique quantique, permettant d’atteindre une sensibilité deux fois supérieure aux développements précédents. Cette avancée a été rendue possible grâce à la capacité unique de ces impulsions à contrer le bruit inhérent aux sources lumineuses classiques.
Dans leur publication dans Science Advances, les chercheurs ont détaillé comment les deux faisceaux, bien qu’affectés par ce phénomène appelé «bruit de grenaille», présentaient des signatures de bruit identiques. En soustrayant les résultats obtenus par l’un des faisceaux à ceux de l’autre, ils ont réussi à extraire des signaux autrement masqués. Ce processus a réduit de moitié le niveau de bruit comparé aux techniques classiques, augmentant ainsi la précision des mesures réalisées.
Les applications potentielles de cette nouvelle méthode
Le professeur Matteo Clerici, de l’Université de Glasgow et de l’Université de l’Insubria, a mis en lumière les ambitions de l’équipe concernant les implications futures de leurs travaux. : «Bien que la technologie soit encore en développement, à terme, la spectroscopie temporelle pourrait nous aider à mieux comprendre la composition des matériaux, détecter des contaminants ou des traces de substances dangereuses comme des explosifs dans l’atmosphère, ou encore analyser la concentration de molécules associées à des maladies graves dans des échantillons sanguins de patients».
Des recherches antérieures, notamment celles de Ferenc Krausz, prix Nobel 2023, avaient déjà démontré que la spectroscopie temporelle pouvait être utilisée pour identifier des signes précoces de maladies telles que le cancer dans des échantillons sanguins. Cependant, cette méthode reposait jusqu’à présent sur des sources lumineuses classiques, dont les limitations intrinsèques restreignaient la résolution. L’introduction de la lumière quantique vient donc combler cette lacune, offrant un nouvel outil aux scientifiques pour explorer des territoires inaccessibles auparavant.
Les efforts conjoints de plusieurs membres de l’équipe ont contribué à rendre cette réalisation possible. Dionysis Adamou et Lennart Hirsch, doctorants à l’Université de Glasgow, ont joué un rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre de cette nouvelle approche. Leur contribution a permis de valider expérimentalement l’efficacité des techniques de mesure quantique appliquées à la spectroscopie temporelle.

Envisageant l’avenir, les chercheurs se concentrent désormais sur l’amélioration supplémentaire de leur méthode. Selon le professeur Clerici, cela pourrait inclure l’adaptation de techniques d’interférométrie similaires à celles employées dans les détecteurs d’ondes gravitationnelles. Une telle adaptation pourrait encore renforcer la sensibilité du procédé, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités pour des analyses toujours plus fines et précises.
Une étape significative pour la science des matériaux et la santé
Les implications pratiques de cette découverte sont vastes. En matière de sécurité, les capacités accrues de détection d’éléments dangereux dans l’atmosphère pourraient renforcer les systèmes de surveillance. Dans le domaine médical, une meilleure analyse des concentrations moléculaires spécifiques pourrait faciliter le diagnostic précoce de pathologies complexes. Les données recueillies grâce à cette méthode pourraient également enrichir les bases de connaissances sur la composition des matériaux, alimentant ainsi des innovations industrielles.
Cette étude marque un pas essentiel vers l’intégration des principes quantiques dans des technologies déjà existantes. Elle illustre comment la science fondamentale peut s’allier à l’innovation technique pour répondre à des besoins concrets dans divers secteurs stratégiques.
Légende illustration : GEN AI
Article : « Quantum-enhanced time-domain spectroscopy » – DOI : 10.1126/sciadv.adt2187
Source : U. Glasgow