La production d’ammoniac, un composé essentiel utilisé dans les engrais, pourrait bientôt devenir plus écologique grâce à une découverte réalisée par une équipe de chercheurs dirigée par Satoshi Kamiguchi du RIKEN Center for Sustainable Resource Science (CSRS) au Japon.
Un catalyseur pour une synthèse d’ammoniac à basse température
L’étude, publiée dans la revue scientifique Chemical Science, décrit un nouveau catalyseur capable de fonctionner de manière stable à des températures relativement basses, réduisant ainsi la quantité d’énergie et d’argent nécessaire à la synthèse de l’ammoniac. Ce composé est obtenu en dissociant les molécules d’hydrogène (H2) et d’azote (N2) et en combinant les éléments individuels pour former du gaz ammoniac (NH3) via le processus Haber-Bosch, qui nécessite une pression et des températures extrêmement élevées, ainsi qu’un catalyseur à base de fer.
Pour surmonter cet obstacle, les chercheurs du RIKEN CSRS ont développé une méthode plus écologique et économe en énergie, capable de fonctionner de manière stable à des températures bien inférieures sans être désactivée. « L’astuce consistait à utiliser des particules métalliques de molybdène ultra-petites préparées à partir d’un cluster moléculaire d’halogénure de métal hexanucléaire, qui a ensuite été activé avec de l’hydrogène gazeux », explique Satoshi Kamiguchi.
Une production d’ammoniac continue pendant plus de 500 h à 200°C
Une fois activées, plusieurs atomes de molybdène travaillent ensemble pour briser rapidement les fortes liaisons azote-azote et favoriser la synthèse de l’ammoniac. Lors des tests, cette nouvelle méthode a permis de créer de l’ammoniac à partir d’azote et d’hydrogène gazeux de manière continue pendant plus de 500 heures à 200°C, réduisant considérablement la température requise par rapport au processus Haber-Bosch conventionnel.
En plus de son impact sur l’industrie des engrais, cette nouvelle façon de produire de l’ammoniac pourrait indirectement contribuer à réduire les émissions de carbone si le carburant à base d’ammoniac était utilisé à l’échelle mondiale. Ce dernier peut être brûlé directement dans les moteurs à combustion interne sans émettre de CO2, mais n’est pas devenu une alternative pratique en raison du processus Haber-Bosch très énergivore.
L’ammoniac, un vecteur idéal pour le stockage de l’hydrogène
Parallèlement au stockage de l’azote pour les engrais, l’ammoniac permet également de stocker l’hydrogène, considéré par certains comme la source d’énergie idéale. Lorsque l’hydrogène stocké est nécessaire, il peut être libéré de l’ammoniac et utilisé comme carburant sans émettre de dioxyde de carbone.
« Le remplacement du processus Haber-Bosch par notre nouvelle méthode devrait entraîner des économies d’énergie à l’échelle mondiale », souligne Satoshi Kamiguchi. « Si les carburants à base d’ammoniac et d’hydrogène sont utilisés en quantités beaucoup plus importantes, la réduction considérable de l’énergie nécessaire à la synthèse de l’ammoniac entraînera une diminution des émissions de CO2 et contribuera à prévenir le réchauffement climatique. »
Cependant, un problème subsiste : l’hydrogène nécessaire à la production d’ammoniac est encore lui-même produit à partir de combustibles fossiles, ce qui entraînerait également d’énormes émissions de CO2 et une consommation d’énergie considérable.
Satoshi Kamiguchi note donc : « Lorsque notre système de catalyseur sera combiné à une production d’hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables, les émissions de CO2 responsables du réchauffement climatique pourraient être encore plus réduites. »
Actuellement, l’équipe de recherche se concentre sur l’ajout de promoteurs au catalyseur à base de molybdène afin de rendre la synthèse de l’ammoniac plus efficace.
Kamiguchi et al. (2024) Catalytic ammonia synthesis on HY-zeolite-supported angstrom-size molybdenum cluster. Chem Sci. doi: 10.1039/D3SC05447K