Des chercheurs de l’Université de São Paulo et de l’Université Sapienza de Rome ont obtenu ce matériau sans avoir recours à des températures élevées. Ce produit présente de nombreuses applications potentielles, allant de l’électronique aux cosmétiques.
Une étude menée par des chercheurs de l’Université de São Paulo (USP) au Brésil et de l’Università degli Studi di Roma « La Sapienza » en Italie a permis de synthétiser des fullerènes et des particules sphériques creuses de graphène en utilisant uniquement du graphite naturel, de l’éthanol, de l’eau et de l’hydroxyde de sodium dans des conditions ambiantes. Publiée dans la revue Diamond and Related Materials, cette recherche a démontré la faisabilité de produire, par voie électrochimique, des structures qui nécessitaient auparavant des températures extrêmement élevées.
« Nos travaux indiquent qu’il est possible d’obtenir des fullerènes, y compris des fullerènes dits géants, comportant jusqu’à 190 atomes de carbone, grâce à un simple processus électrochimique, sans catalyseurs ni températures élevées », indique José Mauricio Rosolen, chercheur à l’USP, professeur au département de chimie de la Faculté de philosophie, sciences et lettres de Ribeirão Preto (FFCLRP-USP) et coordinateur de l’étude. « Cette méthode ouvre la voie à de nouvelles formes de synthèse organique et à des applications technologiques encore inexplorées », prédit le chercheur.
Les fullerènes sont des molécules sphériques composées entièrement d’atomes de carbone. Un exemple célèbre est le C60, également connu sous le nom de « buckminsterfullerène », car ses sphères de carbone ont la même configuration que le dôme géodésique créé par le designer, architecte et inventeur américain Buckminster Fuller (1895-1983).
Depuis leur découverte en 1985, ces structures ont été étudiées pour leurs propriétés électroniques et structurelles uniques. En 2010, les fullerènes ont été détectés pour la première fois dans l’espace grâce aux observations réalisées avec le télescope spatial Spitzer de la NASA. Plus précisément, ils ont été trouvés dans la nébuleuse planétaire Tc 1, située à environ 6 000 années-lumière de la Terre. Cependant, la production de fullerènes contenant plus de 100 atomes de carbone, appelés « géants », dans des conditions de laboratoire reste difficile en raison des températures élevées nécessaires pour que les atomes de carbone s’organisent en une configuration sphérique, généralement comprises entre 3 000 °C et 4 000 °C.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont démontré que la polarisation anodique du graphite dans une cellule électrochimique induit la formation de feuilles de graphène probablement oxydées qui s’assemblent spontanément en fullerènes et en sphères creuses. Le produit final a été caractérisé à l’aide d’un microscope électronique à balayage (MEB), d’un microscope à force atomique (AFM), d’un microscope électronique à transmission haute résolution (HRTEM), d’un spectromètre de masse (MALDI-TOF) et d’un spectroscope ultraviolet visible (UV-Vis).
« Nous avons observé des agrégats de particules sphériques de différentes tailles, allant de structures semblables à des bulles de savon mesurant 10 nanomètres à de grandes sphères déformables mesurant jusqu’à 320 nanomètres, piégées entre des réseaux de nanotubes de carbone », explique M. Rosolen.
L’étude a également utilisé la spectrométrie de masse pour identifier les pics caractéristiques des fullerènes bien étudiés (C₆₀ et C₇₀) et des fullerènes plus grands (C₁₄₆, C₁₆₂, C₁₇₆ et C₁₉₀). Des pics successifs, séparés d’environ 160 unités, indiquent une fragmentation due à la perte de groupes C₁₂. Cela suggère la présence de processus d’assemblage hiérarchiques. « La formation des structures dépend de manière critique de la présence de radicaux hydroxyles [●OH] et d’ions hydroxyles [OH⁻], générés par l’oxydation électrochimique de l’eau et l’effet de l’éthanol. Ces radicaux attaquent les bords et les défauts du graphite, fragmentant les feuilles et favorisant l’exfoliation du matériau », ajoute M. Rosolen.
L’article montre que lorsque la tension électrique appliquée dépasse 10 V, la production de fullerènes diminue considérablement et les nanodots de carbone (points quantiques) prédominent sur les structures sphériques. Les résultats suggèrent que l’auto-assemblage du graphène oxydé en fullerènes repose sur un équilibre délicat entre plusieurs facteurs : la concentration en radicaux ●OH et en ions OH⁻, le type et la taille des particules de graphite utilisées, le temps de polarisation et la tension appliquée.
La présence de groupes fonctionnels oxygénés dans les structures a également été observée. Selon l’application souhaitée, ces groupes peuvent faciliter de futures modifications chimiques. Comme l’ensemble du processus se déroule dans un milieu liquide, il est facile d’ajouter d’autres composants d’intérêt. « Grâce à ces travaux, nous avons ouvert la voie à la production de fullerènes géants par une voie électrochimique accessible et respectueuse de l’environnement », conclut Rosolen. « Il reste encore beaucoup à comprendre sur les mécanismes de formation de ces structures, mais les résultats sont prometteurs. »
Article : « Self-assembly graphene into fullerenes and hollow spherical graphene particles during anodic polarization of graphite » – DOI : S0925963525004364.