L’activité humaine influe sur le climat depuis plus de 2000 ans

Au Groenland, de nouvelles analyses de carottes de glace indiquent que le méthane présent dans l’atmosphère reflète l’évolution et les transformations des civilisations.

L’humanité produit des taux important de gaz à effet de serre, et ceci depuis bien avant la révolution industrielle. Au Groenland, l’analyse des minuscules bulles d’air emprisonnées dans la glace a permis aux chercheurs de commencer à retracer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement.

Ces données, qui font l’objet d’un article publié dans Nature, le 4 octobre 2012, leur ont permis de remonter jusqu’à l’Empire romain et la dynastie Han. Leurs conclusions suggèrent qu’au Moyen Age, l’activité humaine aurait sensiblement contribué aux concentrations de méthane atmosphérique ; un gaz dont l’impact sur l’effet de serre est 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.

La variabilité des teneurs en méthane dans l’atmosphère a été étroitement liée, durant ce dernier millénaire, aux transformations de l’humanité. Elle reflète l’évolution des pratiques agricoles, des technologies et de l’organisation politique ou sociétale. « Les sociétés du passé brûlaient énormément de bois et de charbon de bois pour défricher les terres, chauffer les maisons et les églises ou pour la fusion de métaux comme le fer, l’or, le cuivre ou l’argent, » a déclaré Jed Kaplan, directeur du laboratoire ARVE (Atmosphere Regolith Vegetation) de l’EPFL et coauteur de l’article publié dans Nature. Ces activités ont engendré des émissions de méthane dans l’atmosphère atteignant des niveaux que des chercheurs sont aujourd’hui capable d’estimer. Cette étude, dirigée par la chercheuse suisse Célia Sapart de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas est le fruit d’une collaboration internationale à laquelle participent plusieurs chercheurs au Danemark, en France et aux États-Unis.

Un modèle historique de l’exploitation de la terre par l’homme

Au Groenland, l’analyse de l’air emprisonné dans des carottes de glace a permis aux chercheurs de reconstituer les concentrations de gaz atmosphériques sur des milliers d’années. En ce qui concerne le méthane, ils peuvent même en reconstituer l’origine, qu’il s’agisse d’émissions produites par des végétaux, des volcans ou des incendies. Mais rien dans la glace n’indique si ces émissions de gaz ont une origine naturelle ou humaine.

Afin de démêler l’origine des émissions de gaz à effet de serre, qu’elle soit naturelle ou humaine, le laboratoire de Kaplan a établi une reconstitution à l’échelle mondiale de l’exploitation de la terre par l’homme, au cours de ces deux derniers millénaires. Tandis qu’on pourrait naïvement penser qu’à l’ère préindustrielle, la contribution humaine était négligeable à l’échelle mondiale, les calculs de Kaplan montrent que sur une période allant d’une centaine d’années avant notre ère au 17ième siècle, 20 à 30 % des taux de méthane émis par le feu sont d’origine humaine. Ces chercheurs avaient déjà publié des conclusions également surprenantes l’an dernier, en montrant le rôle de l’activité humaine sur les émissions de carbone à l’ère préindustrielle.

Un livre d’histoire dans la glace

Les recherches publiées dans Nature ont fourni un schéma chronologique de la composition du méthane atmosphérique d’une résolution sans précédent. Ces données, intégrées dans une représentation graphique, font apparaître des variations que les études précédentes avaient négligées. En plus des phénomènes climatiques naturels tels que le Petit optimum climatique et le Petit âge glaciaire, les données relatives à l’analyse des carottes de glace signalent des traces de l’Empire romain et de la dynastie Han. Mais il est aussi possible d’y lire l’empreinte des crises sociétales qui ont touché le Moyen Age ainsi que l’épanouissement des sociétés à la Renaissance.

Selon Kaplan, même des fléaux comme la Peste Noire semblent avoir engendré des troubles sociétaux suffisamment marquants pour qu’ils s’impriment dans la glace. Il est cependant certain que l’activité humaine, depuis la révolution industrielle est responsable d’une nouvelle augmentation des concentrations de méthane dans les glaciers du Groenland. Celle-ci atteint des niveaux très élevés que les générations à venir pourront étudier. Si toutefois, dans l’intervalle, les glaciers sont encore là.

Reference

‘Natural and anthropogenic variations in methane sources during the past two millennia’, Célia J. Sapart, G. Monteil, M. Prokopiou, R.S.W. van de Wal, J.O. Kaplan, P. Sperlich, K.M. Krumhardt, C. van der Veen, S. Houweling, M.C. Krol, T. Blunier, T. Sowers, P. Martinerie, E. Witrant, D. Dahl-Jensen en T. Röckmann, Nature 2012, DOI: 10.1038/nature11461

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Pastilleverte

ils seront là, ou ils auront, provisoirement disparu, comme cela est déjà arrivé plusieurs fois dans le passé… A mon (humble) avis, l’influence de l’Homme (le vilain méchant de l’Histoire) doit se sentir dès le début de lagriculture, soit plutôt 6000 à 8000 ans; Le gag c’est qu’à cette époque, ou même à l’époque “romaine”, c’est le méthane anthropo qui sévissait, alors que maintenant ce n’est que le “gentil” CO2. Bon, et l’acidification des océans, et la biodiversité ?