Dans le domaine de l’électronique de pointe, les semi-conducteurs à large bande interdite, tels que le diamant, attirent l’attention pour leurs propriétés uniques. Leur capacité à supporter des tensions élevées, à fonctionner à des fréquences supérieures et à offrir une efficacité accrue par rapport aux matériaux traditionnels comme le silicium, pose des questions sur leur exploitation à l’échelle nanométrique. Comment observer et comprendre le comportement des charges et de la chaleur à des échelles aussi minuscules ?
Les semi-conducteurs à large bande interdite, comme le diamant, se distinguent par leur grande différence d’énergie entre les bandes de valence et de conduction. Cette caractéristique leur permet de gérer des voltages élevés, de fonctionner à des fréquences plus hautes et d’offrir une efficacité supérieure par rapport aux matériaux classiques. Cependant, ces mêmes propriétés rendent l’étude des mouvements de charge et de chaleur à des échelles nanométriques particulièrement difficile. La lumière visible, avec ses limitations, ne peut ni sonder efficacement ces échelles ni être absorbée par le diamant, rendant impossible l’initiation de courants ou de chauffages rapides.
Innovation au sein de JILA
Une équipe de chercheurs à JILA, sous la direction des professeurs Margaret Murnane et Henry Kapteyn de l’Université du Colorado, a conçu un microscope novateur. Ce dispositif utilise un laser à ultraviolet profond (DUV) de table pour exciter et étudier les comportements de transport à l’échelle nanoscopique dans des matériaux comme le diamant. Leur travail décrit comment ce laser crée un motif d’interférence nanoscopique sur la surface d’un matériau, le chauffant de manière contrôlée et périodique. En observant comment ce motif s’atténue, on peut déduire les propriétés électroniques, thermiques et mécaniques avec une résolution spatiale allant jusqu’à 287 nanomètres.
Murnane a souligné l’importance de cette nouvelle capacité pour le développement futur de l’électronique de puissance, des communications à haute fréquence et des dispositifs de calcul basés sur le diamant ou les nitrures, et non sur le silicium. «Seul un meilleur compréhension du comportement des matériaux permet d’affronter le défi des courtes durées de vie observées dans les nanodispositifs utilisant des matériaux à large bande interdite,» a-t-elle déclaré.
Le projet a été initié par un défi inattendu de la part des scientifiques de matériaux chez 3M, un collaborateur industriel de JILA. Emma Nelson, étudiante en doctorat, a expliqué : «3M nous a demandé d’étudier un échantillon de matériau à très large bande interdite incompatible avec nos microscopes existants.»
En réponse, l’équipe a collaboré avec Matthew Frey et Matthew Atkinson de 3M pour développer un microscope capable d’imager le transport dans ce matériau.
L’exploration du régime ultraviolet profond
Pour produire la lumière DUV, les chercheurs ont commencé avec un laser émettant des impulsions à 800 nanomètres, puis ont converti cette lumière en longueurs d’onde plus courtes à travers des cristaux non linéaires. Ce processus complexe a nécessité un alignement précis des impulsions laser dans l’espace et dans le temps pour obtenir efficacement la longueur d’onde désirée.
«Il a fallu quelques années pour faire fonctionner l’expérience pendant la pandémie,» a noté Nelson, soulignant le processus d’essai et d’erreur pour aligner la lumière à travers trois cristaux successifs.
En utilisant un réseau de diffraction, la lumière DUV est divisée en deux faisceaux identiques qui, en se croisant sur la surface du matériau, créent un motif d’interférence appelé grille transitoire. Ce motif permet d’étudier la diffusion de la chaleur, des électrons ou des ondes mécaniques à l’échelle nanométrique.
Une fois le système opérationnel, l’équipe a testé sa précision avec des films d’or fins, bien documentés pour leurs propriétés. En analysant les ondes acoustiques générées par les motifs de chaleur, ils ont pu évaluer des propriétés comme la densité et l’élasticité du matériau. Les résultats ont été comparés avec succès aux simulations informatiques développées par Nelson.
Ensuite, ils ont appliqué leur microscope à l’étude du diamant, un matériau réputé pour ses propriétés électroniques et thermiques exceptionnelles. Cette méthode a permis d’observer le comportement des porteurs de charge dans le diamant sans altérer ses caractéristiques originales, offrant ainsi des perspectives nouvelles sur le transport nanométrique.
Légende illustration : Une optique diffractive crée deux faisceaux DUV, qui sont focalisés et interférés sur la surface d’un échantillon (diamant) à l’aide d’un système d’imagerie 4f pour générer un profil d’excitation sinusoïdal microscopique. Crédit : JILA
Article : « Tabletop deep-ultraviolet transient grating for ultrafast nanoscale carrier-transport measurements in ultrawide-band-gap materials » – DOI: 10.1103/PhysRevApplied.22.054007 – JILA