La science des fréquences lumineuses se trouve à un point de convergence où l’innovation rencontre l’application pratique. La question se pose alors : comment peut-on améliorer significativement les outils de mesure de la lumière tout en réduisant les contraintes énergétiques et de taille ? Voici un récit de transformation technologique qui pourrait bien redéfinir les standards de l’optique moderne.
Les combes de fréquence sont devenues des instruments essentiels dans le domaine de l’optique. Elles permettent de mesurer la lumière avec une précision inégalée, facilitant ainsi des applications dans la télécommunication, la surveillance environnementale et l’astrophysique. Cependant, la construction de combes de fréquence compactes et efficaces a longtemps été une tâche ardue.
L’Histoire des combes électro-optiques
Introduites en 1993, les combes électro-optiques ont démontré leur capacité à générer des peignes optiques par modulation de phase en cascade. Toutefois, leur progression fut ralentie par des exigences de puissance élevées et une bande passante limitée. Cela a conduit à une domination des lasers femtoseconde et des microcombes de solitons de Kerr, qui, malgré leur efficacité, nécessitent un réglage complexe et une puissance importante, ce qui limite leur utilisation sur le terrain.
Les progrès dans les circuits photoniques intégrés électro-optiques à film mince ont ravivé l’intérêt pour ces technologies, notamment avec l’utilisation de matériaux comme le niobate de lithium. Cependant, la largeur de bande et la réduction de la puissance nécessaire restaient des défis considérables, aggravés par la biréfringence intrinsèque du niobate de lithium, limitant la bande passante maximale.
Des scientifiques de l’EPFL, de l’École des Mines du Colorado et de l’Académie des sciences de Chine ont abordé ce problème en combinant les designs de circuits micro-ondes et optiques sur une nouvelle plateforme de tantalate de lithium, dont la biréfringence est 17 fois inférieure à celle du niobate de lithium. Sous la direction du professeur Tobias J. Kippenberg, ils ont développé un générateur de combe de fréquence électro-optique offrant une couverture spectrale sans précédent de 450 nm avec plus de 2000 lignes de combe.
L’Innovation technologique
Leur approche innovante utilise une architecture «triple résonance intégrée» où trois champs interagissent en harmonie : deux champs optiques et un champ micro-ondes. Cette technique fut rendue possible par un système co-conçu intégrant des circuits micro-ondes monolithiques avec des composants photoniques. En insérant un résonateur de guide d’onde coplanaire distribué sur des circuits photoniques intégrés de tantalate de lithium, l’équipe a amélioré considérablement le confinement des micro-ondes et l’efficacité énergétique.
La taille compacte du dispositif, limitée à un espace de 1×1 cm², a été réalisée grâce à la faible biréfringence du tantalate de lithium, réduisant ainsi les interférences entre les ondes lumineuses pour une génération de combe de fréquence fluide et cohérente.
Ce nouveau générateur de combe, avec sa bande ultra-large de 450 nm, dépasse les limites des technologies actuelles de combes électro-optiques. Son fonctionnement stable sur 90% de la plage spectrale libre élimine le besoin de mécanismes de réglage complexes, rendant le dispositif plus adapté aux applications sur le terrain. Cette robustesse et cette simplicité pourraient transformer des domaines comme la robotique, où le mesurage par laser précis est essentiel, et la surveillance environnementale, où la détection précise des gaz est vitale.
Cette réussite met en lumière le potentiel inexploité de l’intégration entre l’ingénierie micro-ondes et photonique pour les dispositifs de prochaine génération.
Légende illustration : Le générateur de peigne de fréquence électro-optique à intégration hybride. Plus de 2000 lignes de peigne couvrant le spectre de 450nm peuvent être générées dans une empreinte inférieure à 1cm2. (crédit : Junyin Zhang, EPFL)
Article : « Ultrabroadband integrated electro-optic frequency comb in lithium tantalate » – DOI: s41586-024-08354-4
Source: Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne