Le potentiel du barrage des Trois Gorges mis à mal

Longtemps cité comme un projet s’inscrivant dans une perspective de développement durable, le barrage des Trois Gorges suggère l’inquiétude.

Situé dans la province de Hubei, près de la ville de Yichang, le barrage des Trois Gorges est le plus important du monde pour le contrôle des eaux et la productivité hydroélectrique. Née d’une déviation du fleuve Chang Jiang (le Yangste), l’ouvrage est structuré autour d’un réservoir d’une superficie de 1.084 km2.

Surclassant le barrage d’Itaïpu au Brésil, la centrale hydroélectrique comprend deux sections séparées par un déversoir : à gauche longue de 644 mètres avec 14 turboalternateurs, à droite s’étirant sur 59,5 mètres comptant 12 turboalternateurs. L’ensemble offre une puissance de 18.720 MW. Selon les experts, le barrage devrait fournir 10% de la consommation chinoise en électricité. Outre les problèmes liés à l’engloutissement de plusieurs villes, à la pollution, aux atteintes à l’écosystème, le barrage bouscule et modifie le cycle et la distribution des sédiments.

En amont du fleuve, le Chang Jiang traverse le plateau du Tibet, il se gonfle alors de vase. En raison d’une déforestation et désertification intense, les sols sont friables. Très affaiblies, les berges du cours d’eau sont sujettes à des glissements de terrain. Liée à la surexploitation des terres, la charge sédimentaire diminue la vitesse d’écoulement de l’eau. Chaque année, 500 millions de tonnes de vase se déposent dans les gorges du fleuve, notamment, dans le lac de rétention. Avec l’achèvement de l’ouvrage en 2009, la pression sédimentaire devrait s’exercer sur le réservoir et affecter son potentiel hydroélectrique à hauteur de 50%. En outre, si l’envasement est trop rapide, le barrage ne pourra pas contenir les risques d’inondation.

De surcroît, l’accumulation des sédiments exerce une forte pression sur la structure de béton de l’ouvrage et augmente la probabilité de fissuration. Comme la plaque eurasienne, associée à celle du Yangtse, est particulièrement instable, les risques de séisme existent. Ces dernières années, des séismes de faible magnitude ont favorisé des glissements de terrain. En cas d’événement de grande ampleur, l’hypothèse d’une cassure terrestre n’est pas invraisemblable.

En aval, les sédiments jouaient un rôle d’engrais naturel. En raison de leur diminution, le recours à l’agrochimie devrait s’intensifier, aggravant la pollution de l’eau du fleuve. Déjà les niveaux de phosphore et d’azote relevés sont vingt fois supérieurs aux normes. En outre, la réduction de l’apport sédimentaire risque de faire reculer le delta du fleuve. De surcroît, en hiver, la faiblesse du débit accélère la remontée les nappes salées à l’intérieur du delta.

Afin de remédier à cette situation, la solution consisterait à déplacer les sédiments ailleurs. Compte tenu de leur volume et des apports continuels de vase provenant du lit du fleuve, la réponse exige des moyens considérables moyens. Deux hypothèses s’offrent, soit les sédiments sont acheminés en aval du fleuve, ce qui représente une opération titanesque, soit ils sont valorisés à proximité du barrage. Seulement voilà, ils sont fortement contaminés. L’aménagement du barrage a conduit à l’engloutissement de 1.300 mines de charbon, 178 décharges d’ordures, 1.500 abattoirs, etc. De fait, les sédiments offrent une variété inégalée de produits nocifs, de métaux lourds, de micro-organismes toxiques, etc. Leur éventuelle valorisation en matériaux de construction suggère des traitements chimiques ardus allant de l’encapsulation des métaux lourds à des formulations inédites. Certes des procédés d’épuration existent comme ceux élaborés par l’entreprise franco-chinoise Paneurochina, mais eu égard à la masse des sédiments des Trois Gorges, l’opération s’avère colossale, voire irréalisable.

Sauf à envisager que la capacité hydroélectrique de la centrale soit affectée, la pérennité du barrage des Trois Gorges dépend des solutions apportées au traitement des sédiments. Longtemps sous-estimée, cette crainte est désormais prise en compte par les autorités chinoises, lesquelles ont acté un budget d’1,5 milliard de dollars destiné à stabiliser géologiquement la région.

* François de la Chevalerie, entrepreneur (Paneurochina), Daniel Levacher, docteur es sciences (université de Caen)

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Samivel

Comme au mont Aigoual, qui envasait le port de Bordeaux, la seule solution est la reforestation du bassin versant en amont du barrage. Vaste bassin versant, vaste programme…

Ecointelligence

On revient à réparer les effets, alors que les causes sont le détachement des sédiments en amont. Il faut effectivement plutot revoir les plantations amont et aval, regénérer l’humus rétenteur d’eau et de minéraux afin de permettre un bon filtrage des sédiments. Et comme cela prend des années (200 à 300 ans), sans programme énergique (10ans), point de salut. De la même manière “remplacer” les sédiments absents de l’aval est possible en travaillant à nouveau sur l’humus. Ce qui est rageant c’est que le mode cultural ancestral chinois est probablement de plus avancé sur le respect de l’humus, mais que le gouvernement par trop technologue préfère les engrais et pesticides. Cela va finir en massacre….

Iece import

je comprend mieux le dénigrement de ce qu’à fait la chine, PaneuroChina est spécialiste du traitement des déchets ! il prêche pour sa parroisse. Cependant la France n’est pas un bon exemple en ce qui concerne le traitement de la pollution au Nigeria avec les mines d’Uranium. fin de commentaire: cherchez sur Google uranium et nigeria et areva.  

Jackber

Ce phénomène n’est que l’amplification de l’érosion que l’on connais partout. S’il y a érosion c’est qu’il n’y a plus de protection contre les agressions climatiques. Donc, c’est pourtant simple à résoudre : il suffit d’avoir une culture en place permanente, qu’elle soit culture vivrière ou forêt, en amont des sites à protéger. C’est donc la forêt et mieux encore les cultures produites sans travail du sol : ce qu’on appelle l’AGRICULTURE DE CONSERVATION ou conservation tillage. Si tout un bassin versant adopte ces techniques efficaces et durables, car on y voit une augmentation de la vie du sol et du taux de matière organique, alors le problème des sédiments peut être fortement diminué voire supprimé. Allez dans le parana do sul au Brézil et vous verrez que ça marche à grande échelle. Je pense sincèrement que les Chinois ne vont pas tarder à adopter ces techniques car ils ont un fonctionnement plustôt pragmatique, et il suffit que le gouvernement très centralisateur le décide pour qu’ils y aillent. C’est pas comme en france où on galère au sujet de l’adoption de ces techniques.

Dan1

C’est la confusion habituelle entre deux pays. Si vous voulez parler des mines d’Uranium en Afrique, prenez au moins une carte… D’afrique, ça vous évitera le ridicule. Entre Lagos et Niamey, il y a quelques kms et un gros changement de paysage, sachant que vers Arlit, c’est tout simplement le désert du Sahara et qu’il y a beaucoup moins de monde qu’aux abords des Trois Gorges. Ceci dit la Chine est aussi très et de plus en plus présente en Afrique, pour cause de gros besoin en matière première, y compris l’uranium. 

Nature

A se demander si les chinois avaient entendu parler du barrage d’Assouan. Lui aussi devait faire merveille en Egypte.La catastrophe visible n’a pas servi de leçon aux fanatiques de l’énergie ,toujours prêts à tout sacrifier à la production électrique; .

Duchnok

bien évidemment la présence de sédiments ne saurait “augmenter la pression” exercée sur la barrage: c’est une question de pression hydrostatique, qui ne dépend que la hauteur du barrage (175m quand il sera plein). Va-t-on interdire la circulaton de bateaux sur le lac de retenue pour limiter la pression sur le barrage? F. NIMAL, Ingénieur centralien

tibeau

A centrale on ne vous a pas appris la formule P = Po + ro * g * z. ro est la densité du fluide dans lequel on se place. S’il y a des sédiments plus lourd que l’eau dans l’eau du barrage la densité globale augmente. donc la pression au fond du barrage augmente. Si on ne vous a pas appris ca à Centrale alors on vous l’a appris en prépa… Si vous voulez une démonstration plus complète retournez voir vos cours de mécaflu ! Tibeau Ingénieur pas centralien….

Duchnok

pauvre con! t’a donc jamais endendu parler d’Ardchimède. hhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh hhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj

Bill

Certains articles d’enerzine sont bons ou très bons car contiennent du fond, d’autres sont d’un goût douteux comme celui ci rédigé par la société chinoise Zhong Ou Lu ou Paneurochina dans son nom occidental. Qu’ils se rassurent, le barrage des 3 gorges n’a jamais eu l’ambition de fournir 10% de l’électricité chinoise : la puissance installée chinoise avoisinant déjà 800GW ! Peut être leurs experts ne l’avaient ils pas remarqué, eux qui n’ont pas le compas dans l’oeil : pour l’avoir traversé, il me semble que les 12 turbines de la rive droite prennent plus que 59 m !

Bleudorient

réaction bien tardive, car je tombe sur ces échanges par hasard. Pour Longarone, je voudrais juste faire remarquer que le barrage n’a jamais cédé, il est d’ailleurs toujours en place. Ce sont les couches superficielles et instables de la montagne, minées par la montée des eaux, qui ont dévalé brutalement dans le lac, et tout fait déborder.Mais là encore, si tout le monde connaissait le risque, les enjeux économiques ont été les plus forts.Voir le très beau film “la folie des hommes” sorti en 2002