L’asymétrie flagrante entre matière et antimatière dans l’Univers soulève des questions fondamentales au sein de la communauté scientifique depuis des décennies. Les laboratoires du CERN, à la frontière franco-suisse, mobilisent actuellement leurs ressources pour élucider les mystères de l’antimatière. Une innovation technologique remarquable vient enrichir la recherche des scientifiques dans la compréhension de la prépondérance de la matière ordinaire. L’amélioration significative des capacités expérimentales laisse entrevoir de nouvelles découvertes dans le domaine des particules fondamentales.
L’omniprésence des protons dans notre environnement contraste radicalement avec la rareté des antiprotons. Un simple glaçon renferme approximativement un septillion (10^24) de protons, tandis que la moitié de notre masse corporelle résulte de leur présence. Les antiprotons, particules dotées d’une masse identique mais d’une charge opposée, demeurent exceptionnellement rares dans l’Univers observable.
Le déséquilibre manifeste entre particules et leurs équivalents d’antimatière constitue l’une des énigmes majeures de la physique moderne. La théorie prévoit une production équivalente de matière et d’antimatière lors des premiers instants de l’Univers, mais la réalité observée aujourd’hui raconte une histoire différente. Les scientifiques s’efforcent désormais de mesurer avec une précision inégalée les propriétés des particules d’antimatière pour comprendre l’origine de telles disparités.
Une nouvelle approche expérimentale au CERN
L’expérience BASE (Baryon Antibaryon Symmetry Experiment), menée au CERN, unique installation mondiale capable de produire des antiprotons refroidis, mobilise une équipe internationale dirigée par RIKEN. Les chercheurs ont développé un système de refroidissement innovant pour améliorer la précision des mesures sur les antiprotons piégés. Les résultats obtenus permettront potentiellement d’identifier des différences infimes entre matière et antimatière.
Selon les observations du directeur du laboratoire RIKEN Ulmer Fundamental Symmetries, Stefan Ulmer a indiqué : «L’expérience BASE utilise quatre pièges de Penning qui capturent des particules chargées individuelles grâce à une combinaison de champs magnétiques et électriques statiques».
Le chercheur qui témoigne de la sophistication des instruments utilisés a notamment précisé : « Les pièges nous permettent d’observer des particules isolées pendant plusieurs années, offrant une précision exceptionnelle pour des études à la résolution maximale« .
Une technologie de pointe pour des mesures ultra-précises
La résolution des mesures dépend directement de la température des antiprotons. Un antiproton maintenu à basse température présente une amplitude d’oscillation réduite et une sensibilité moindre aux sources de bruit externes, permettant aux scientifiques d’analyser plus finement leurs propriétés fondamentales. Les nouvelles installations permettent d’atteindre des niveaux de précision sans précédent dans l’histoire de la physique des particules.
Le nouveau dispositif de refroidissement résistif exploite une bouteille magnétique sophistiquée pour sélectionner efficacement les particules les plus froides. L’infrastructure technique complexe intègre plusieurs détecteurs supraconducteurs ultrasensibles, facilitant le transport des antiprotons entre les pièges sans augmentation de température. Les chercheurs peuvent ainsi maintenir les conditions optimales pendant toute la durée des expériences.
L’optimisation du taux d’échantillonnage des données par le système innovant devrait considérablement améliorer la précision des constantes fondamentales mesurées, augmentant la probabilité de détecter d’infimes différences entre protons et antiprotons. Les résultats attendus pourraient apporter des éléments de réponse essentiels concernant l’asymétrie matière-antimatière observée dans l’Univers.
Légende illustration : Figure 1 : Barbara Latacz, membre de l’équipe BASE au CERN, règle le cryostat de l’expérience BASE. Le nouveau dispositif peut refroidir un antiproton en 8 minutes seulement, ce qui est beaucoup plus rapide que les 15 heures que prenait le système précédent. ©2024 CERN
Source : RIKEN