La facture énergétique s’impose comme une source d’inquiétude grandissante pour les foyers français. Le Médiateur national de l’énergie a dévoilé lundi les résultats de son baromètre annuel 2025, une enquête menée en septembre par l’institut Becoming* auprès de 2 000 ménages en France métropolitaine. Le constat est sans appel : 85% des foyers considèrent que leurs dépenses d’énergie représentent une part importante de leur budget, un niveau jamais atteint depuis 2007. Plus alarmant encore, 36% d’entre eux avouent rencontrer des difficultés pour régler leurs factures de gaz ou d’électricité, contre 28% l’année précédente. À quelques jours de l’entrée en vigueur de la trêve hivernale le 1er novembre, la situation de nombreux ménages demeure fragile.
Une progression inquiétante de la précarité
Au-delà des chiffres budgétaires, la réalité concrète s’avère tout aussi préoccupante. Trente-cinq pour cent des ménages déclarent avoir souffert du froid au moins 24 heures dans leur logement durant l’hiver dernier, une proportion en nette augmentation par rapport aux 30% enregistrés en 2024 et aux 14% de 2020. La progression est frappante et traduit une dégradation progressive des conditions de vie d’une partie significative de la population. Face à la contrainte financière, les comportements de restriction se multiplient : les ménages n’ont d’autre choix que de baisser le chauffage ou de renoncer à certains conforts élémentaires pour tenter de maîtriser leurs dépenses.
L’ampleur du phénomène dépasse largement les catégories traditionnellement identifiées comme vulnérables. Le poids croissant de la facture énergétique touche désormais l’ensemble du tissu social, révélant une fragilisation généralisée face à un poste de dépense devenu difficilement compressible. La transition entre inconfort ponctuel et précarité installée s’opère ainsi progressivement, dans l’indifférence relative des pouvoirs publics, même si le chèque énergie a le mérite d’exister.
Démarchage commercial : un encadrement enfin en vue
Sur le front commercial, le baromètre révèle que 44% des foyers ont été sollicités pour souscrire un contrat de fourniture d’énergie en 2025, contre 41% l’année précédente. Le téléphone reste le canal privilégié avec 54% des démarchages, suivi d’internet (37%), du porte-à-porte (19%) et du courrier (15%). Si une personne sur deux démarchée par téléphone ou à domicile se déclare satisfaite de l’échange avec le commercial — en hausse par rapport aux 39% de 2024 —, le Médiateur national de l’énergie salue néanmoins les avancées législatives récentes.
L’interdiction du démarchage téléphonique sans consentement préalable, instaurée par la loi du 30 juin 2025 relative à la lutte contre les fraudes aux aides publiques, entrera en vigueur le 11 août 2026. Un premier pas, certes, mais insuffisant selon l’institution qui appelle à un renforcement législatif pour mieux encadrer l’activité des comparateurs privés et améliorer l’information des consommateurs. La transparence sur les liens financiers existant entre comparateurs d’offres et fournisseurs fait cruellement défaut, laissant planer un doute légitime sur l’impartialité des recommandations proposées aux ménages.
Transition énergétique : le portefeuille avant tout
Le baromètre met également en lumière un phénomène révélateur : les comportements face à la transition énergétique restent principalement dictés par des considérations financières. Difficile de reprocher aux ménages de privilégier leur pouvoir d’achat immédiat quand la fin du mois s’annonce périlleuse. Les investissements dans l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables demeurent l’apanage de ceux qui peuvent se permettre d’envisager le long terme, creusant encore davantage le fossé entre les foyers aisés et les autres.
L’équation paraît insoluble. Comment convaincre des ménages étranglés par leurs factures actuelles d’investir dans des solutions vertueuses mais coûteuses à court terme ? La question dépasse largement le cadre individuel et interroge la cohérence globale des politiques publiques en matière d’énergie et de justice sociale. Sans accompagnement financier massif et ciblé, la transition énergétique risque de se transformer en facteur supplémentaire d’inégalités.
(Enquête réalisée par l’institut BECOMING par voie électronique du 10 au 17 septembre 2025 auprès de 2000 foyers) – Télécharger la synthèse
Source : Médiateur de l’énergie











