Imaginez-vous dans un laboratoire où des scientifiques manipulent des atomes aussi facilement que des notes de musique. C’est précisément le défi relevé par une équipe de physiciens quantiques, qui ont orchestré une symphonie atomique pour créer l’horloge la plus précise jamais conçue. Cette prouesse pourrait bien redéfinir notre compréhension du temps lui-même.
Au cœur de l’Université du Colorado Boulder et du Institut national des normes et de la technologie (NIST), des chercheurs ont mis au point une horloge atomique d’un genre nouveau. Leur création ressemble à un minuscule ballet d’atomes de strontium, piégés dans un motif en treillis et liés par une mystérieuse connexion quantique appelée intrication.
Le Dr Adam Kaufman, chef d’orchestre de cette expérience, compare leur réalisation à un ensemble de musiciens quantiques jouant en parfaite harmonie. «Nous avons réussi à faire danser nos atomes à l’unisson, comme s’ils ne formaient qu’un seul instrument», explique-t-il avec enthousiasme.
Le temps sous la loupe quantique
Cette horloge hors du commun ne se contente pas de marquer les secondes. Elle les dissèque avec une finesse inégalée. «C’est comme si nous pouvions diviser chaque battement de cœur en un million de fragments», illustre Alec Cao, étudiant diplômé et premier auteur de l’étude.
L’équipe a réussi à combiner quatre types d’horloges différentes dans un seul dispositif, créant ainsi un ensemble capable de mesurer le temps avec une précision dépassant les limites classiques de la physique quantique.
Pour comprendre le fonctionnement de cette horloge extraordinaire, pensez à un chef d’orchestre dirigeant non pas des musiciens, mais des atomes. Les chercheurs commencent par refroidir un nuage d’atomes à des températures proches du zéro absolu, puis les bombardent avec un laser ultra-précis.
Ce laser agit comme une baguette magique, faisant «sauter» les électrons des atomes d’un niveau d’énergie à un autre. Ce va-et-vient incessant crée un tic-tac atomique d’une régularité stupéfiante, battant plus d’un billion de fois par seconde.
L’intrication, clé de la précision ultime
L’innovation majeure de l’équipe réside dans l’utilisation de l’intrication quantique. Cette propriété étrange de la physique quantique lie les atomes entre eux, les faisant agir comme un seul être.
Le Dr Kaufman compare ce phénomène à des danseurs parfaitement synchronisés : «Imaginez des couples de danse où chaque partenaire connaît instantanément les mouvements de l’autre, sans même avoir besoin de se regarder. C’est ainsi que nos atomes intriqués se comportent.»
Pour créer cette intrication, les chercheurs ont utilisé une technique astucieuse. Ils ont poussé les électrons des atomes de strontium à orbiter loin de leurs noyaux, créant ce que Kaufman appelle des «orbites duveteuses».
«C’est un peu comme si nous avions transformé nos atomes en boules de coton géantes», plaisante-t-il. «Quand ces boules se touchent, leurs électrons peuvent interagir, créant un lien quantique puissant.»
Des défis à surmonter
Malgré ces avancées impressionnantes, l’équipe fait face à des obstacles. Leur horloge ne fonctionne que pendant 3 millisecondes avant que l’intrication ne se dissipe. «C’est comme si notre orchestre quantique ne pouvait jouer qu’un bref accord avant de se désaccorder», commente encore Alec Cao.
Néanmoins, ces 3 millisecondes offrent déjà des possibilités fascinantes pour l’avenir de la physique quantique et de la technologie.
Les applications potentielles de cette technologie sont vastes. Des capteurs ultra-sensibles capables de détecter les moindres variations gravitationnelles aux ordinateurs quantiques du futur, les possibilités semblent infinies.
Le Dr Kaufman et son équipe continuent d’explorer les frontières de la physique quantique, cherchant à repousser encore plus loin les limites de la précision temporelle. Leur travail pourrait un jour nous permettre de mesurer le temps avec une exactitude telle qu’elle changerait notre compréhension même de l’univers.
Légende illustration : De gauche à droite, Adam Kaufman, Nelson Darkwah Oppong, Alec Cao et Theo Lukin Yelin inspectent une horloge atomique optique au JILA sur le campus de CU Boulder. (Crédit : Patrick Campbell/CU Boulder)
Article : ‘Multi-qubit gates and Schrödinger cat states in an optical clock’ / ( 10.1038/s41586-024-07913-z ) – University of Colorado at Boulder – Publication dans la revue Nature