Les chercheurs du Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL) explorent de nouvelles voies pour créer des ordinateurs quantiques en utilisant des matériaux innovants. Ils ont conçu une interface unique entre un supraconducteur et un isolant topologique, qui pourrait donner naissance à des particules exotiques appelées particules de Majorana, potentiellement utilisées comme qubits supérieurs.
Une nouvelle approche pour les qubits
Les ordinateurs quantiques traitent l’information à l’aide de bits quantiques, ou qubits, basés sur des états mécaniques quantiques fragiles et éphémères. Pour rendre les qubits robustes et les adapter aux applications, les chercheurs de l’ORNL ont cherché à créer un nouveau système de matériaux.
Robert Moore, scientifique des matériaux à l’ORNL, et Matthew Brahlek, également scientifique des matériaux, ont co-dirigé une étude publiée dans Advanced Materials.
Ils ont couplé un supraconducteur, qui n’offre aucune résistance au courant électrique, avec un isolant topologique, qui possède des surfaces électriquement conductrices mais un intérieur isolant. Le résultat est une interface atomiquement nette entre des films minces cristallins ayant des arrangements symétriques d’atomes différents.
Les particules de Majorana et la mémoire quantique
Contrôler la structure électronique des deux côtés de l’interface pourrait créer des particules de Majorana à l’intérieur du matériau. Les particules de Majorana sont leurs propres antiparticules et ont été prédites par Ettore Majorana en 1937, mais leur existence reste à prouver.
Robert Moore explique que si l’on déplace une paire de particules de Majorana l’une autour de l’autre, elles conservent la mémoire de ce mouvement et connaissent toujours la position de l’autre. Ce processus pourrait être utilisé pour encoder des informations quantiques et calculer de nouvelles manières.
La réalisation d’un supraconducteur topologique
Pour créer des interfaces ultra-propres entre un supraconducteur et un isolant topologique, Matthew Brahlek a utilisé l’épitaxie par faisceaux moléculaires, une méthode utilisée par l’industrie pour la fabrication à grande échelle de semi-conducteurs pour les dispositifs électroniques.
Les chercheurs ont réussi à combiner le bismuth tellurure avec le sélénium tellurure de fer à une interface atomique pour obtenir le comportement électronique souhaité. Cette réalisation était difficile, car le réseau du supraconducteur est composé de cellules carrées ordonnées, tandis que l’isolant topologique est un réseau de triangles adjacents.
Prochaines étapes et défis à relever
Des défis cruciaux subsistent, notamment l’amélioration et la compréhension des matériaux au niveau atomique, essentielles pour confirmer et utiliser les particules de Majorana dans des applications. La prochaine étape consistera à explorer les particules de Majorana potentielles à l’aide d’un nouvel instrument de microscope à effet tunnel à ultra-basse température installé au Centre for Nanophase Materials Sciences (CNMS) de l’ORNL.
En synthèse
Les chercheurs de l’ORNL ont conçu une interface unique entre un supraconducteur et un isolant topologique, qui pourrait donner naissance à des particules de Majorana, potentiellement utilisées comme qubits supérieurs. La réalisation d’un qubit basé sur les particules de Majorana est l’un des objectifs ultimes du Quantum Science Center. La preuve de l’existence de ces particules exotiques nécessitera la construction et le test d’un dispositif de type qubit.
Pour une meilleure compréhension
1. Qu’est-ce qu’un qubit et pourquoi est-il important pour l’informatique quantique ?
Un qubit, ou bit quantique, est l’unité de base de l’information quantique. Il est basé sur des états mécaniques quantiques fragiles et éphémères. Les qubits sont essentiels pour les ordinateurs quantiques, car ils permettent de traiter l’information de manière plus complexe et plus rapide que les bits classiques.
2. Qu’est-ce qu’une particule de Majorana et en quoi est-elle liée aux qubits ?
Les particules de Majorana sont des particules exotiques qui sont leurs propres antiparticules. Elles ont été prédites en 1937 par Ettore Majorana, mais leur existence n’a pas encore été prouvée. Si elles existent, elles pourraient être utilisées comme qubits supérieurs, car elles conservent la mémoire de leur mouvement et connaissent toujours la position de l’autre.
3. Comment ont-ils créé une interface entre un supraconducteur et un isolant ?
Les chercheurs ont utilisé l’épitaxie par faisceaux moléculaires pour créer des interfaces ultra-propres entre un supraconducteur et un isolant topologique. Ils ont combiné le bismuth tellurure avec le sélénium tellurure de fer à une interface atomique pour obtenir le comportement électronique souhaité.
4. Quels sont les défis à relever pour confirmer et utiliser les particules de Majorana ?
Les défis cruciaux incluent l’amélioration et la compréhension des matériaux au niveau atomique, essentielles pour confirmer et utiliser les particules de Majorana dans des applications. La prochaine étape consistera à explorer les particules de Majorana potentielles à l’aide d’un nouvel instrument de microscope à effet tunnel à ultra-basse température.
5. Quel est l’objectif ultime du Quantum Science Center ?
L’objectif ultime du Quantum Science Center est de réaliser un qubit basé sur les particules de Majorana. La preuve de l’existence de ces particules exotiques nécessitera la construction et le test d’un dispositif de type qubit. Les chercheurs ont désormais les connaissances nécessaires pour contrôler les matériaux à un niveau permettant de réaliser cet objectif.
Le titre de l’article : « Monolayer Superconductivity and Tunable Topological Electronic Structure at the Fe(Te,Se)/Bi2Te3 Interface » (Supraconductivité monocouche et structure électronique topologique accordable à l’interface Fe(Te,Se)/Bi2Te3). https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.202210940
Légende illustration principale : La connexion de fils à l’interface de l’isolant topologique et du supraconducteur permet de sonder de nouvelles propriétés électroniques. Les chercheurs visent des qubits basés sur les particules de Majorana théorisées. Credit: Carlos Jones/ORNL, U.S. Dept. of Energy