Les chercheurs du Plasma Science and Fusion Center ont créé un circuit supraconducteur qui pourrait un jour remplacer les composants semi-conducteurs dans les systèmes informatiques quantiques et à haute performance.
En 2023, environ 4,4 % (176 térawattheures) de la consommation totale d’énergie aux États-Unis seront utilisés par les centres de données, essentiels au traitement de grandes quantités d’informations. Sur ces 176 TWh, environ 100 TWh (57 %) ont été utilisés par les CPU et les GPU. Les besoins en énergie ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et continueront à croître, ce qui rend crucial le développement d’une informatique économe en énergie.
L’électronique supraconductrice est apparue comme une alternative prometteuse pour l’informatique classique et quantique, bien que sa pleine exploitation pour l’informatique haut de gamme nécessite une réduction considérable de la quantité de câblage reliant l’électronique à température ambiante et les circuits supraconducteurs à basse température. Pour créer des systèmes à la fois plus grands et plus rationnels, le remplacement de composants courants, tels que les semi-conducteurs, par des versions supraconductrices pourrait s’avérer extrêmement utile. C’est un défi qui a captivé Jagadeesh Moodera, chercheur principal au MIT Plasma Science and Fusion Center, et ses collègues, qui ont décrit une avancée significative dans un récent article de Nature Electronics intitulé « Efficient superconducting diodes and rectifiers for quantum circuitry » (diodes et redresseurs supraconducteurs efficaces pour les circuits quantiques).
Moodera travaillait sur un problème tenace. L’une des exigences critiques de longue date est la nécessité de convertir efficacement les courants alternatifs en courants continus sur une puce tout en fonctionnant aux températures cryogéniques extrêmement froides requises pour que les supraconducteurs fonctionnent efficacement. Par exemple, dans les circuits supraconducteurs « energy-efficient rapid single flux quantum » (ERSFQ), le problème de la conversion du courant alternatif en courant continu limite l’évolutivité des circuits ERSFQ et empêche leur utilisation dans des circuits plus grands et plus complexes. Pour répondre à ce besoin, Moodera et son équipe ont créé des redresseurs supraconducteurs à base de diodes supraconductrices (SD), des dispositifs capables de convertir le courant alternatif en courant continu sur la même puce. Ces redresseurs permettraient de fournir efficacement le courant continu nécessaire au fonctionnement des processeurs classiques et quantiques supraconducteurs.
Les circuits d’ordinateurs quantiques ne peuvent fonctionner qu’à des températures proches de 0 kelvins (zéro absolu), et la manière dont l’énergie est fournie doit être soigneusement contrôlée pour limiter les effets des interférences introduites par trop de chaleur ou de bruit électromagnétique. La plupart des bruits et de la chaleur indésirables proviennent des fils qui relient les puces quantiques froides à l’électronique à température ambiante. L’utilisation de redresseurs supraconducteurs pour convertir les courants alternatifs en courants continus dans un environnement cryogénique permet de réduire le nombre de fils, de diminuer la chaleur et le bruit et d’obtenir des systèmes quantiques plus grands et plus stables.
Lors d’une expérience réalisée en 2023, Moodera et ses coauteurs ont mis au point des SD constitués de très fines couches de matériau supraconducteur qui présentent un flux de courant non réciproque (ou unidirectionnel) et pourraient constituer le pendant supraconducteur des semi-conducteurs standard. Bien que les SD aient fait l’objet d’une attention particulière, surtout depuis 2020, la recherche ne s’est concentrée jusqu’à présent que sur des SD individuels pour prouver le bien-fondé du concept. L’article publié par le groupe en 2023 décrit la manière dont il a créé et affiné une méthode permettant de mettre les SD à l’échelle en vue d’une application plus large.
Aujourd’hui, en construisant un circuit de pont de diodes, ils ont démontré l’intégration réussie de quatre SD et ont réalisé une rectification de courant alternatif en courant continu à des températures cryogéniques.
La nouvelle approche décrite dans leur récent article paru dans Nature Electronics réduira considérablement le bruit thermique et électromagnétique se propageant de l’environnement vers les circuits cryogéniques, ce qui permettra un fonctionnement plus propre. Les SD pourraient également servir d’isolateurs/circulateurs, contribuant à isoler les signaux des qubits des influences extérieures. L’assimilation réussie de plusieurs SD dans le premier circuit SD intégré représente une étape clé pour faire de l’informatique supraconductrice une réalité commerciale.
« Nos travaux ouvrent la voie à l’arrivée de superordinateurs pratiques basés sur la supraconductivité et à haut rendement énergétique dans les prochaines années », déclare M. Moodera. « En outre, nous pensons que nos recherches amélioreront la stabilité des qubits tout en stimulant le programme d’informatique quantique, ce qui en rapprochera la réalisation. Étant donné les multiples rôles bénéfiques que ces composants pourraient jouer, M. Moodera et son équipe travaillent déjà à l’intégration de ces dispositifs dans des circuits logiques supraconducteurs réels, notamment dans les circuits de détection de la matière noire qui sont essentiels au fonctionnement des expériences du CERN et de LUX-ZEPLIN au Laboratoire national de Berkeley.
Article : « Efficient superconducting diodes and rectifiers for quantum circuitry » – DOI : s41928-025-01375-5
Source : MIT