Les robots affrontent régulièrement des obstacles naturels qui limitent leurs capacités opérationnelles, notamment sur des terrains glissants ou boueux. Des chercheurs de l’Université de Technologie de Tallinn ont peut-être trouvé une solution inspirante pour surmonter ces obstacles. Leur innovation, basée sur des mécanismes biologiques, pourrait bien transformer la manière dont les robots se déplacent dans des environnements naturels complexes. Voici comment une ingénieuse imitation de la nature pourrait élargir les horizons de la robotique.
Des chercheurs de l’Université de Technologie de Tallinn (TalTech) ont mis au point une nouvelle classe de pieds inspirés par la biologie qui améliorent considérablement la mobilité des robots sur des terrains difficiles comme la boue et la neige mouillée. Leur recherche, publiée dans la revue «Bioinspiration & Biomimetics», pourrait élargir les capacités des robots, leur permettant de naviguer dans des terrains naturels complexes pour réaliser des monitorages environnementaux sensibles, aider dans l’agriculture et participer à la réponse aux catastrophes.
L’évolution des robots à pattes
La locomotion des robots à pattes a fait l’objet d’études pendant des décennies, et ces robots deviennent progressivement plus efficaces en termes d’énergie et plus polyvalents. En ajustant leur manière de marcher selon les variations du terrain, les robots peuvent désormais parcourir des surfaces aux propriétés changeantes. Cependant, certains types de terrains naturels sont restés inexplorés par ces machines.
« Les terrains boueux et glissants comptent parmi les plus difficiles à traverser pour les robots et les animaux, y compris les humains », a indiqué Maarja Kruusmaa, professeur de biorobotique et chef de l’équipe. « Cela signifie que la plupart des robots n’ont pas accès à de nombreux environnements terrestres d’importance, tels que les zones humides, les marais côtiers, les estuaires de rivières et les champs, qui sont omniprésents dans la nature. »
Simon Godon, candidat doctoral au Centre de Biorobotique de TalTech, a combiné ses observations faites sur la ferme de ses parents à Berry, en France, avec ses connaissances en ingénierie mécanique et biorobotique. Il a proposé des sabots de haute technologie pour les robots, offrant des avantages significatifs, surtout lors de la marche dans la boue.

Quelles expérimentations et quelles découvertes
Des expériences physiques avec de véritables sabots d’élans en conditions de laboratoire ont démontré leur efficacité. En entrant et sortant de la boue, les sabots fendus de l’élan s’élargissent et se rétractent, augmentant et diminuant ainsi leur surface de contact. Toutefois, le plus grand avantage ne provient pas de la surface accrue, mais de la manière dont les sabots fendus rompent la force d’aspiration en étant retirés de la boue.
« Nous avons découvert que le sabot de l’élan se comporte de manière similaire à une ventouse, comme lorsqu’on glisse un ongle sous sa surface pour rompre la force d’aspiration », a expliqué Simon Godon. « La boue agit de manière similaire à un carrelage de salle de bain mouillé, créant une tension sous les pieds de l’animal, rendant difficile le retrait de la jambe. Le mouvement des sabots brise cette tension. »
Les sabots ne facilitent pas seulement le déplacement plus rapide et plus économe en énergie, mais ils aident également à éviter des situations dangereuses où l’animal pourrait s’enfoncer trop profondément, se coincer et périr.
Les chercheurs ont conçu des pieds en silicone pour un robot à pattes, conçus pour reproduire ce comportement. Les tests sur des surfaces boueuses ont révélé que cette simple modification des pieds robotisés réduit de moitié l’enfoncement du robot et la force d’aspiration, tout en diminuant la consommation énergétique de jusqu’à 70 %.
Jusqu’à présent, les chercheurs n’ont identifié aucun désavantage lié aux pieds de robot inspirés de l’élan. « Nous supposons que, au contraire, les sabots fendus pourraient même offrir des avantages sur des terrains irréguliers, offrant au robot ou à l’animal une stabilité supplémentaire », a souligné le professeur Kruusmaa, ajoutant : « Nous recommandons donc aux robots de garder leurs chaussures en permanence ! »
Légende illustration : Un robot avec des « chaussures d’élan ». Des roboticiens de l’université de technologie de Tallinn (TalTech) ont mis au point une nouvelle catégorie de pieds bio-inspirés qui améliorent considérablement la mobilité des robots sur des terrains difficiles tels que la boue et la neige mouillée. Les photos proviennent du Centre de biorobotique, Taltech (Simon Pierre Godon).
Article : ‘Robotic feet modeled after ungulates improve locomotion on soft wet grounds’ / ( 10.1088/1748-3190/ad839c ) – Estonian Research Council – Publication dans la revue Bioinspiration & Biomimetics