Tesla s’apprêterait à lever une contrainte de taille pour ses utilisateurs grâce aux modèles dotés de batteries à base de nickel qui pourront être rechargés quotidiennement jusqu’à 90% sans écourter leur longévité. Le commentaire lâché par Lars Moravy, vice-président de l’ingénierie des véhicules de Tesla, lors d’une interview dans « l’émission Garage de Jay Leno », marquerait une évolution majeure par rapport à la limite de 80% qui prévalait jusqu’ici pour préserver les accumulateurs. À la clé : plus d’autonomie au quotidien et une concurrence frontale avec les packs lithium-fer-phosphate (LFP), réputés plus tolérants à la charge complète.
En effet, jusqu’à présent, Tesla distinguait clairement ses deux familles de batteries :
- Les accumulateurs nickel-cobalt-aluminium (NCA) ou nickel-manganèse-cobalt (NMC), privilégiés pour leur densité énergétique et donc leur autonomie supérieure, mais sensibles aux hauts niveaux de charge prolongés.
- Les cellules LFP, moins denses mais capables d’encaisser un plein quotidien de 100% sans dégradation accélérée.
La nouvelle génération de cellules nickel « réduit de moitié l’écart avec le LFP« , selon Lars Moravy. Concrètement, le constructeur affirme avoir réduit les réactions parasitaires qui s’emballent à fort état de charge ; une avancée obtenue par un ajustement de la formulation des électrodes et de l’électrolyte, ainsi que par un contrôle thermique plus précis.
Un impact réel pour les conducteurs
L’allongement de la plage de charge autorisée à 90% ouvre la porte à près de 10% d’énergie utile supplémentaire : pour un modèle longue portée, cela se traduit concrètement par plusieurs dizaines de kilomètres supplémentaires avant de devoir rechercher une prise. Cet apport réduit la nécessité de planifier des arrêts-recharge fréquents, contrainte qui pesait particulièrement sur les trajets urbains intenses lorsque la limite recommandée restait fixée à 80%. La différence est encore plus appréciable dans les régions froides, où la consommation électrique grimpe sensiblement.
Jay : » Quelle est la distance qui nous sépare d’une charge à 100 % en permanence ? Comme moi, je charge la mienne à 80 % et la batterie dure 12 ans. Je n’ai jamais eu de problème. Mais voyons-nous l’avenir où le 100 % deviendra le 100 % ? «
Lars Moravy : » Oui. Toutes nos batteries au lithium-fer-phosphate atteignent déjà 100 %. Elles ont une grande durée de vie. Lorsque nous avons commencé avec les batteries au nickel qui équipaient la Model S d’origine, nous visions une économie de 10 à 15 % après 8 ans, et nous avons vraiment apporté des améliorations au fil du temps pour atteindre cet objectif. Nous avons une nouvelle technologie de cellule de batterie qui va bientôt sortir et qui nous permet de réduire de moitié l’écart avec le phosphate de fer lithié, ce qui signifie qu’au lieu de charger à 80, nous chargeons maintenant à 90 sur les batteries au nickel, ce qui est vraiment génial. »
Un réponse à la concurrence et aux enjeux industriels
Cette évolution tombe à point. Alors que les constructeurs chinois inondent le marché européen de véhicules LFP bon marché, Tesla défend son avantage en autonomie sans imposer de compromis en usage quotidien. En interne, la marque gagne aussi en flexibilité.
En maintenant des batteries à base de nickel suffisamment performantes, Tesla conserve la possibilité de diversifier ses chaînes d’approvisionnement et se prémunit ainsi contre une dépendance totale aux matériaux fer et phosphate. Sur le plan commercial, cette marge de manœuvre lui permet de réserver les cellules LFP, moins coûteuses, aux versions d’entrée de gamme, tout en équipant les déclinaisons longue portée de packs nickel désormais capables d’encaisser sans broncher une charge quotidienne à 90%.
La stratégie optimise par conséquent le ratio performance/coût : les cellules nickel restent plus chères, mais leur « plage utile » élargie réduit l’écart perçu par les clients face aux modèles LFP.
Des limitations et quelques précautions
Tesla précise que la recommandation de 90% s’applique au quotidien ; des charges à 100% restent envisageables avant un long voyage, mais ne doivent pas devenir systématiques pour éviter un stress thermique et électrochimique inutile. Par ailleurs, la mise à niveau concernera d’abord les véhicules sortant d’usine ; aucune rétro-compatibilité n’a été annoncée pour les packs existants, qui resteront soumis à la consigne d’80%.
En alignant désormais les performances de ses cellules nickel sur celles des LFP, Tesla ouvre une nouvelle étape où la maîtrise logicielle du « Battery Management System » (BMS) pourrait peser davantage que la chimie elle-même. La capacité à calculer, en temps réel, la limite de la charge idéale, la température optimale ou la puissance de décharge deviendra un levier décisif pour maximiser l’énergie utilisable sans compromettre la longévité des packs.
Trois chantiers se dessinent d’ores et déjà. Le premier concerne l’optimisation de la charge rapide ; il s’agira en effet de rester sous la barre des 30 minutes tout en maîtrisant l’usure électrochimique, afin de concilier confort d’usage et durabilité. Le second enjeu repose sur l’allégement en cobalt, un métal coûteux et controversé ; en abaissant sa teneur, le constructeur vise à réduire à la fois les coûts de production et l’empreinte environnementale des véhicules. Enfin, Tesla devra passer au véritable changement d’échelle ; c’est à dire produire massivement ces nouvelles cellules pour que la charge quotidienne à 90% devienne la norme sur l’ensemble de la gamme, sans rupture d’approvisionnement ni envolée des prix.