Robin Smit, University of Technology Sydney
Des déclarations ont circulé en ligne, y compris sur les principales plateformes d’information, selon lesquelles les voitures électriques à batterie augmenteront considérablement la masse moyenne du parc automobile. Cette affirmation est utilisée comme argument contre ces voitures. Même l’organisation automobile australienne NRMA a posé la question: « Les VE sont lourds. Sont-ils sûrs sur nos routes et nos parkings ? ». (La réponse est oui).
La raison invoquée pour justifier ces préoccupations est généralement que les batteries des voitures électriques sont lourdes et augmentent la masse totale du véhicule. Un véhicule plus lourd a besoin de plus d’énergie pour rouler, ce qui augmente généralement les émissions. Une masse plus importante réduit la sécurité routière et pourrait avoir des effets néfastes sur les places de stationnement et les routes.
Une étude critique publiée hier s’est intéressée de plus près à ces affirmations pour voir si elles se vérifient en Australie. Il en ressort que ces affirmations ne tiennent pas la route dans un pays où les ventes de véhicules à carburant fossile (essence, diesel, GPL) se concentrent sur les grands utilitaires lourds et les véhicules utilitaires sport.
Si l’on tient compte des 10 véhicules les plus vendus et que l’on utilise des valeurs de masse réalistes, la masse moyenne des voitures électriques à batterie et des voitures à carburant fossile ne diffère que de 68 kilogrammes. Cette différence n’est pas significative, notamment parce que les voitures électriques sont beaucoup plus économes en énergie.
Simplifier à l’extrême un sujet complexe
Les affirmations avancées simplifient souvent à l’extrême une réalité complexe. Elles ne racontent qu’une partie de l’histoire, ce qui peut être trompeur.
Par exemple, la masse des voitures à moteur à combustion interne n’a cessé d’augmenter au fil du temps. Connu sous le nom d’obésité automobile, ce fait est souvent injustement ignoré dans les comparaisons.
De même, ces déclarations prétendent savoir comment le comportement complexe des consommateurs réagira à la disponibilité future des voitures électriques à batterie et à leurs caractéristiques qui évoluent et s’améliorent rapidement. Souvent, les résultats des études menées à l’étranger ne peuvent pas être directement appliqués aux différentes conditions australiennes.
4 points de désaccord
Notre rapport identifie et analyse quatre points principaux de désaccord.
Tout d’abord, il existe différentes manières de définir et de comparer la masse des voitures électriques à batterie et des voitures à moteur à combustion. Dans la pratique, le choix est plutôt arbitraire. Selon la méthode choisie, la comparaison peut n’être ni adéquate ni précise.
Souvent, la comparaison est faite entre des voitures électriques à batterie et des voitures à moteur à combustion similaires ou de taille similaire. Ou encore, les voitures électriques ne peuvent être comparées qu’à une version non électrique équivalente de modèles tels que la VW Golf. Une autre variante consiste à comparer simplement la masse moyenne d’une large gamme de voitures actuellement en vente, sans tenir compte de l’impact des volumes de vente.
Deuxièmement, un argument courant est que les batteries sont lourdes et que les voitures électriques sont donc plus lourdes que les voitures à combustible fossile. Mais cet argument est simpliste : il n’y a pas que la batterie qui compte.
Pour compenser la masse supplémentaire de la batterie, d’autres pièces de la voiture électrique, comme les moteurs, sont plus petites et plus légères. Elles peuvent réduire la masse de la voiture jusqu’à 50 %.
La masse supplémentaire réelle de la batterie dépend d’une série de facteurs. La chimie de la batterie, sa taille et sa capacité de stockage d’énergie (qui détermine la fréquence à laquelle une voiture doit être rechargée) ont toutes une incidence sur la masse. En effet, la masse des batteries varie entre 100 et 900 kilogrammes pour les voitures.
Troisièmement, l’obésité automobile a considérablement et constamment augmenté la masse des voitures alimentées par des combustibles fossiles. Si l’on ne tient pas compte de cette augmentation de l’obésité automobile, la comparaison avec les voitures électriques à batterie ne donne que la moitié de l’information.
Enfin, il est difficile de prévoir avec précision les effets de masse des voitures électriques. Une hypothèse courante est que le comportement des futurs acheteurs de véhicules ne change pas lorsqu’ils passent à des voitures électriques à batterie. Cette hypothèse semble peu probable et simplifie encore une fois la comparaison à l’excès.
Par exemple, la disponibilité du marché, l’orientation marketing, le prix d’achat et les caractéristiques de performance guideront largement les décisions des acheteurs. Ces considérations sont toutes très dynamiques. Elles évoluent considérablement et rapidement.
Quelle est la situation en Australie ?
Une comparaison correcte doit au moins inclure des données réalistes sur la masse et les ventes des véhicules. Notre étude compare les différences de masse des véhicules entre les dix voitures les plus vendues en Australie en 2022, qu’il s’agisse de véhicules électriques à batterie ou de véhicules à carburant fossile, comme le montre le tableau ci-dessous.
Les 10 modèles de voitures électriques à batterie les plus vendus actuellement se situent plutôt du côté des poids lourds, mais les voitures les plus populaires sont relativement légères. Les 10 modèles les plus vendus de voitures à carburant fossile présentent une plus grande dispersion en termes de masse. Pourtant, en termes de ventes, la plupart sont des SUV ou des utilitaires relativement lourds.
Lorsqu’elles sont classées par ordre de popularité et comparées, les voitures électriques à batterie ne sont pas toujours plus lourdes. Elles peuvent être plus légères de près de 300 kg (12 %) à près de 800 kg (55 %) que la voiture à combustible fossile correspondante. Il est important de noter que la différence globale dans la masse moyenne des deux catégories, ajustée en fonction des ventes, n’est que de 68 kg (environ 3 % de la masse totale du véhicule).
Cette petite différence est insignifiante en termes d’impact sur l’énergie et les émissions. Le facteur le plus important est une efficacité énergétique supérieure des véhicules électriques à batterie.
Comment seront-ils comparés à l’avenir ?
Il est évident que les profils de vente futurs peuvent différer des profils de vente actuels. Le profil actuel peut être largement défini par un certain type de client (tel qu’un « early adopter » à revenu élevé). Ce type de client pourrait ne pas être représentatif de la majorité des consommateurs dans les années à venir.
Le comportement futur des acheteurs est incertain et difficile à prévoir. Il dépendra de l’efficacité des (nouvelles) mesures politiques telles que la norme australienne d’efficacité des véhicules neufs, des véhicules effectivement proposés à la vente, des efforts de marketing déployés par les constructeurs automobiles et, éventuellement, des changements culturels.
Tout changement dans le comportement des acheteurs pourrait avoir une influence considérable sur la masse moyenne du parc automobile. Ils pourraient poursuivre la tendance actuelle vers des véhicules plus grands et plus lourds, ou passer à des véhicules plus petits et plus légers.
Mais c’est là le problème : les effets de l’électrification des véhicules de tourisme sur la masse moyenne sont très incertains. Les déclarations à ce sujet sont souvent spéculatives et peuvent être injustement biaisées par les méthodes utilisées.
Sur les marchés où les véhicules lourds à essence et diesel dominent les ventes de voitures, tels que l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les données actuelles suggèrent que l’augmentation des ventes de voitures électriques n’est pas susceptible d’accroître considérablement la masse moyenne des véhicules. En fait, la masse moyenne pourrait même diminuer à mesure que des voitures électriques moins chères et plus légères seront mises en vente dans ces pays.
La masse du véhicule reste importante
Il est important de noter que le rapport ne minimise pas l’importance de la masse des véhicules pour la réduction des émissions dues aux transports.
Des recherches antérieures ont estimé que seul un parc de véhicules de tourisme dominé par des véhicules électriques à batterie petits et légers pourrait permettre à l’Australie de se rapprocher de l’objectif d’émissions nettes nulles en 2050.
Pour atteindre l’objectif, il est donc important d’inverser la tendance à l’augmentation de l’obésité automobile, pour toutes les voitures. Mais la masse des véhicules ne doit pas être utilisée comme un argument contre l’électrification.
Robin Smit, Adjunct Professor, School of Civil and Environmental Engineering, University of Technology Sydney
Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original. – Traduction enerzine.com