Imaginez rouler sur l’autoroute et recharger votre véhicule électrique en même temps, sans vous arrêter. C’est désormais possible sur une portion de l’autoroute A10 près de Paris. Depuis le 22 octobre 2025, un système révolutionnaire permet aux voitures et camions électriques de faire le plein d’énergie simplement en roulant. Le projet s’appelle « Charge as you drive » (« Rechargez en conduisant ») et c’est une première mondiale sur une vraie autoroute avec du trafic.
Comment ça marche concrètement ?
Le principe est étonnamment simple. En effet, sous la route, on a installé 900 bobines électriques en cuivre, cachées à une dizaine de centimètres sous l’asphalte. Quand un véhicule électrique équipé d’un récepteur spécial roule au-dessus, les bobines détectent sa présence et lui envoient de l’électricité. C’est exactement comme une plaque à induction dans votre cuisine, mais pour recharger une voiture.
Le système fonctionne sur 1,5 kilomètre de route, uniquement sur la voie de droite. Quatre véhicules tests circulent actuellement. Il s’agit d’un camion, d’un bus, d’une camionnette et d’une voiture. Pour qu’un véhicule puisse se recharger, il faut qu’il soit équipé d’une plaque réceptrice installée sous le véhicule, qui pèse environ 40 kilos et mesure 1,3 mètre sur 80 centimètres.
Les premières mesures sont encourageantes. Ainsi, pour un camion, chaque kilomètre parcouru sur la route équipée permet de gagner un kilomètre d’autonomie. Pour une voiture légère, c’est encore mieux car on gagne deux à trois kilomètres d’autonomie pour chaque kilomètre parcouru. La puissance transmise atteint en moyenne 200 kilowatts, ce qui est suffisant pour alimenter le moteur et recharger la batterie en même temps.

Pourquoi c’est important ?
Le transport routier, notamment les camions, représente plus de 16% des émissions de gaz à effet de serre en France. Pour réduire cette pollution, il faudrait passer aux véhicules électriques. Mais il y a un problème. Les camions électriques ont besoin de batteries énormes et très lourdes pour pouvoir rouler longtemps. Ces batteries pèsent plusieurs tonnes, coûtent cher et nécessitent beaucoup de matières premières pour être fabriquées.
Avec la recharge en roulant, on pourrait installer des batteries beaucoup plus petites dans les véhicules. Résultat : des camions et des voitures moins chers, plus légers, qui consomment moins et peuvent transporter plus de marchandises. On n’aurait plus non plus besoin de s’arrêter pendant des heures pour recharger. Sur le plan environnemental, utiliser moins de batteries signifie aussi moins de mines et moins de pollution liée à leur fabrication.
Deux ans de tests avant l’installation
Avant d’installer le système sur l’autoroute, les équipes ont passé deux ans à vérifier que tout fonctionnait bien. D’abord, ils ont testé les matériaux dans un centre de recherche de VINCI Construction près de Bordeaux. Ensuite, ils sont allés dans un laboratoire spécialisé à Bouguenais, en Loire-Atlantique, où des machines peuvent simuler 25 ans de passage de camions en quelques semaines. Les tests ont montré que la route ne s’use pas plus vite qu’une route normale, même avec le système électrique en dessous.
Un cabinet spécialisé a également calculé l’impact environnemental du projet. Selon leurs analyses, si on installe ce système à grande échelle, on réduirait considérablement les émissions de CO₂ du transport routier, bien plus qu’avec des camions diesel ou même des camions électriques avec de grosses batteries rechargées sur des bornes classiques.
Et après ? Un projet ambitieux
Pour l’instant, le projet a reçu le soutien financier de Bpifrance. Mais installer le système partout coûterait très cher : environ 4 millions d’euros par kilomètre. Pour équiper 9 000 kilomètres d’autoroutes en France d’ici 2035, il faudrait investir 36 milliards d’euros. VINCI Autoroutes souhaite maintenant étendre l’expérimentation sur un trajet plus long, entre Saint-Arnoult et Orléans, pour tester le système sur une plus grande distance.
Il faudra aussi convaincre les constructeurs automobiles d’équiper leurs véhicules avec les récepteurs nécessaires pour capter l’électricité de la route. La bonne nouvelle, c’est que la France n’est pas seule à vouloir mettre en œuvre ce type de dispositif. Des tests similaires ont lieu également en Allemagne, en Italie, en Suède, en Norvège. La technologie commence donc à devenir vraiment concrète dans plusieurs pays.
Le système pourrait rendre l’Europe moins dépendante des importations de batteries et de matières premières, tout en créant des emplois dans l’industrie européenne. Selon Nicolas Notebaert, directeur général de VINCI Autoroutes, « le déploiement d’une telle technologie sur les principaux axes routiers français permettrait, en complément des stations de recharge, d’accélérer encore davantage l’électrification du parc de véhicules lourds, et donc la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport de marchandises et de la logistique ».
Source : Vinci Construction












