L’industrie s’expose aux risques de raréfaction en métaux

La société de conseil et d’aide à la décision, Alcimed, est revenue sur les différents risques portant sur la chaîne d’appro- visionnement de ces métaux spécifiques : Antimoine, Molybdène, Cobalt, Indium, Manganèse, lithium en raison notamment de la crise chinoise des terres rares.

La crise chinoise des terres rares a récemment mis le doigt sur un risque sous-estimé par la plupart des industries : celui de la pénurie en métaux. La croissance soutenue avec laquelle les entreprises minières fournissent les marchés entretient l’illusion de ressources illimitées. Pourtant, de la mine à l’usage final, un large éventail de risques menace l’ensemble de la chaîne et des crises sont déjà visibles.

La crise des terres rares a permis de découvrir ou de redécouvrir des noms de métaux peu communs tels que le Cérium, le Néodyme, le Lanthane ou le Dysprosium. Mais cette liste pourrait en un sens être étendue à d’autres éléments au nom toujours peu connus du grand public. Citons l’Indium, l’Antimoine, le Hafnium, le Gallium, le Tellure ou le Molybdène. Qu’ont tous ces métaux, et bien d’autres, en commun ? Des tensions d’approvisionnement qui pourraient bien aboutir à des envolées de prix dans les prochaines années.

Cinq grandes familles de risques peuvent être qualifiées en inspectant l’équilibre offre/demande des métaux rares :

Le risque de pénurie

A l’instar du pétrole, les réserves de certains métaux diminuent à grande vitesse, jusqu’à être vidées dans les prochaines décennies. Cela ne signifierait pas que tout le sol aura été complètement exploité, mais que plus rien n’est économiquement récupérable. Avec la disparition de l’abondance traditionnelle, l’approvisionnement dans ces métaux devra nécessairement se réorganiser notamment grâce à des méthodes de recyclage et de substitution.

Zoom : Antimoine en rupture de stock ?

Un des métaux dont la pénurie pourrait bien frapper par surprise est l’Antimoine. Si on se base sur les estimations de l’US Geological Survey, au rythme actuel de production, nous avons 11 années devant nous avant d’épuiser les gisements économiquement exploitables qui sont identifiés à l’heure actuelle. Ce métal est très utilisé dans l’industrie chimique pour ses propriétés de catalyseur, mais également dans l’industrie automobile où il est nécessaire aux batteries au plomb. Entre augmentation de la demande pour faire face à une croissance portée par l’industrie chinoise, et ralentissement de la production pour des problèmes de pollution chimique, les consommateurs d’Antimoine doivent se préparer à des crises de disponibilité.


Le risque de goulot d’étranglement dans la filière de transformation

Entre le minerai initial et la matière première utilisable en industrie, de nombreuses étapes de transformation sont nécessaires. De la simple bénéficiation qui consiste à concentrer le minerai, aux nombreuses réactions successives permettant d’obtenir un composé chimique précis, en passant par la purification par pyrométallurgie et/ou hydrométallurgie, la production de composés à la formule chimique exacte, ou de métaux au niveau de pureté garantie a largement gagné en complexité ces dernières années. La construction de nouvelles capacités de transformation est souvent un pari économique sur l’avenir en raison de la grande volatilité des marchés des matières premières.

Zoom : Un approvisionnement en Molybdène en dents de scie
 
Le Molybdène a traversé une crise de ce type en 2005. Alors que les minerais de molybdénite ne manquaient pas, leur transformation en Molybdène métallique nécessitait des installations de grillage, processus très spécifique permettant leur oxydation, dont les capacités de production furent largement dépassées par la demande. Le prix des aciers et alliages incluant du Molybdène, notamment ceux spécialisés contre la corrosion à haute température, a subi des fluctuations importantes pendant plusieurs années. Certaines projections estiment que ce problème précis pourrait se reproduire d’ici 2015.

Le risque de concentration géographique de la production

Quand la majorité de la production d’un métal est concentrée dans un unique pays, cela donne à ce pays une arme diplomatique de poids. Le cas de l’utilisation des quotas d’exportation de terres rares par la Chine est une excellente illustration de ce type de situation. Le gouvernement chinois pourrait même aller plus loin et décider d’émettre des quotas sur d’autres métaux produits en majorité sur son sol, citons par exemple le Germanium, l’Indium ou le Tungstène. Mais au-delà des tensions diplomatiques, toute problématique liée à la réglementation locale ou au contexte de stabilité politique prend de l’ampleur très rapidement.

Zoom : Cobalt, l’or bleu du Congo

La moitié du Cobalt mondial provient des mines de la République Démocratique du Congo (RDC). L’approvisionnement en Cobalt, à l’instar des autres métaux en provenance de ce pays, soulève des problèmes éthiques. En effet, les mines sources pourraient être tenues par les rebelles de l’Est du pays. Ces ventes de métaux serviraient donc à financer le trafic d’armes. Les batteries électriques au Lithium et les superalliages des turbines d’avion ayant un très fort besoin de ce métal, la RDC a annoncé vouloir significativement augmenter ses capacités de production. Dès lors, des partenaires Chinois, Américains, Japonais et Européens se bousculent pour les accompagner dans leurs projets.

Le risque de compétition avec d’autres applications

Certains métaux sont largement utilisés dans des industries qui n’ont souvent pas de solution de rechange. Dans le cas où ces secteurs connaissent une croissance importante, les cours du métal s’enflamment, ce qui impacte durement les autres utilisateurs. Des tensions apparaissent également dans le cas de nouvelles applications, notamment dans les hautes technologies (électronique, optique, énergies renouvelables, nucléaire, …). Celles-ci arrivent avec de larges besoins sur un marché souvent de faible volume.

Zoom : La guerre de l’Indium

Les producteurs d’écrans plats et de panneaux solaires ont fait face à une pénurie drastique d’Indium au début des années 2000. Les technologies de couches minces ne nécessitaient que de faibles quantités d’Indium ; mais celui-ci ne se trouve lui-même qu’en quantités infimes dans des minerais de Zinc. Quand le marché des écrans plats a explosé, la production d’Indium, limitée par celle du Zinc, n’a pu suivre le rythme. Les consommateurs d’Indium se sont alors voués une compétition acharnée car les quantités disponibles étaient trop faibles pour la demande. De nombreux projets de recherche de substitution de l’Indium par des matériaux plus abondants ont été lancés en réponse.

Les risques sur la santé et l’environnement

Les réglementations tels que Reach et RoHS ainsi que des restrictions de production liées au respect de l’environnement sur site d’exploitation ou d’utilisation peuvent impacter directement ou indirectement les industriels. Des métaux deviennent interdits, d’autres voient leurs usages très strictement surveillés. Ceci fait exploser leurs coûts d’utilisation par des demandes d’autorisation, des études de non-toxicité, des besoins de substitution rapides, et des adaptations dans le processus de production pour réduire les expositions du personnel ainsi que la pollution extérieure.

Zoom : Les effets du Manganèse étudiés de près

Le Manganèse est un métal très utilisé dans les aciers pour garantir leur pureté. Cependant des études récentes suggèrent que l’exposition à de la poussière de Manganèse causerait la maladie de Parkinson. Si aujourd’hui aucune interdiction spécifique n’a été formulée, cette situation est à surveiller avec attention pour toutes les industries concernées.

Zoom : La balance environnementale du Lithium

Ces dernières années, le Lithium est de plus en plus souvent perçu comme l’élément-clé pour le stockage efficace de l’énergie, point nécessaire au bon développement de la voiture électrique et des énergies renouvelables. Si les producteurs de Lithium sont confiants sur la quantité de matière disponibilité, ses sources les plus prometteuses sont l’écume des lacs salés. L’exploitation intensive de ces lacs mettrait en péril leurs écosystèmes. Un dilemme à résoudre pour garantir un mode de transport écologique.

Face à de nombreux risques tant en début qu’en fin des chaînes de valeur, les industriels ont aujourd’hui tout intérêt à entreprendre une démarche d’identification de leur exposition à des risques d’approvisionnement, afin de se réduire l’impact des nouvelles crises de prix et de disponibilité.

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alternotre

Avec la crise sur ces matériaux on en vient à rêver d’une nouvelle course à l’espace pour aller chercher de telles ressources “ailleurs”… Pas le meilleur moteur d’évolution, mais pas le pire non plus…

Tassin

Pour le compléter : Ne pas manquer l’excellent bouquin “Quel futur pour les métaux?” de Philippe Bihouix et Benoit de Guillebon

Pastilleverte

pour aller chercher les “nodules polymétalliques”, au fond des océans. Si la France n’est pa bien placée entre Ifemer, Comex et zones d’extension économique immenses du fait de ses “confettis d’empire”, c’est à douter qu’elle redevienne une nation qui compte. Mais on va bien trouver un ecolo bien pensant qui va nous sortir une étude absolument pas “peer reviewed”, montrant les dangers pour la Planète d’une telle exploitation (pourquoi se faire du bien, quand on peut masochismer à fond ?)

chelya

Attention à ne pas dire non plus trop exagérer… Par exemple l’antimoine n’est pas du tout obligatoire dans une batterie plomb c’est un matériau de confort qui est utilisé pour augmenter le nombre de cycles au détriment de la durée de vie (les gens qui conduisent peu changeront moins souvent et inversement). L’indium n’a pas du tout été en pénurie drastique au début de l’an 2000 à cause d’une hausse de la demande, mais à cause d’une chute brutale et imprévue de l’offre (fermeture de Metaleurop par des patrons voyous)…

Ecolosalatraine

Si mes souvenirs sont bons, au début de la “popularisation” de la problématique écologique (Nicolas Hulot, Pacte Ecolo, Grenelle, 2005-2007, tout ça), on parlait au moins autant de gaspillage des ressources et de leur épuisement futur que du réchauffement climatique et des GES qui y sont liés. On ne parle aujourd’hui plus que du second point, laissant un boulevard énorme aux sceptiques de tout bord, alors que le problème principal réside dans les pénuries à venir. Il est de bon ton de remettre tout ça au centre du débat, avec les autres axes majeurs du débat écolo !