Mars : nouvelle frontière de l’exploration humaine

La confirmation est intervenue de manière accidentelle ; après deux tentatives malheureuses de transférer des échantillons de sol glacé à l’un des huit fours-laboratoires de Phoenix, les chercheurs ont décidé de recueillir un échantillon de sol pur sous la couche de permafrost. Analysé le 31 juillet, il a révélé contenir de la glace. Jusqu’ici, les preuves de l’existence d’eau sur Mars n’avaient pas été concluantes.

"Nous avions déjà la preuve de l’existence de cette glace d’eau grâce aux observations de Mars Odyssey et de Phoenix en juin, mais c’est la première fois que de l’eau en provenance de Mars est touchée et goûtée" par des instruments scientifiques, a ajouté le chercheur de la Nasa. L’agence spatiale a également prolongé de cinq semaines la mission de Phoenix Mars Lander en expliquant qu’au-delà de la recherche d’eau, elle explorerait la possibilité de la planète d’accueillir la vie.

"Nous allons prolonger cette mission jusqu’au 30 septembre", a annoncé Michael Meyer, scientifique de haut vol du programme d’exploration de la Nasa concernant Mars, lors d’une conférence de presse télévisée.

Cette découverte vient confirmer que l’eau a bien coulé avec abondance sur Mars. Une étude publiée dans Nature" le 17 juillet 2008) révèle qu’une une grande partie des hautes terres du sud de Mars a été baignée par de l’eau pendant des millions d’années, créant un environnement théoriquement capable d’abriter la vie. Cette étude souligne que des traces de phyllosilicates, minéraux du type argiles témoignant de l’action chimique de l’eau, ont été observées par un instrument de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter en des milliers de points des plateaux sud de la planète, sur des dunes, dans des vallées ou des cratères, selon les auteurs de l’étude, de l’Université Brown (Rhode Island).

Cette étude montre que de vastes régions d’anciennes montagnes de Mars, couvrant environ la moitié de la planète, contiennent des minerais d’argile, qui peuvent se former seulement en présence de l’eau. Les laves volcaniques ont recouvert les régions riches en argile au cours des périodes suivantes et plus sèches de l’histoire de la planète, mais les cratères d’impact les ont exposées plus tard à des milliers d’endroits à travers la planète.

« La grande surprise de ces nouveaux résultats est comment l’eau sur Mars était envahissante et durable, et combien étaient divers les environnements humides », commente Scott Murchie, l’investigateur principal de CRISM au Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory (APL).

"Ces résultats montrent une riche diversité des environnements, permettant éventuellement la vie, à l’époque du Noachien", il y a 4,6 à 3,8 milliards d’années, concluent les scientifiques.

Les chercheurs se sont notamment attachés aux pics situés dans des cratères, reliefs généralement formés par des roches reposant à l’origine jusqu’à cinq kilomètres de profondeur, éjectées lors de l’impact d’un astéroïde. "L’eau a dû former ces minéraux (les phyllosilicates) en profondeur, pour que nous ayons la signature observée" par la sonde, estime dans un communiqué le responsable de l’équipe John Mustard, professeur en géologie planétaire. Ces phytosillicates se sont formés à des températures relativement basses – – environ 100 à 200 degrés Celsius – ce qui implique qu’à la surface Mars était non seulement humide, mais également relativement tempérée.

Une autre étude, publiée dans l’édition du 2 Juin de Nature Geosciences) constate que les conditions humides ont persisté pendant longtemps. Des milliers à des millions d’années après que les argiles se soient formés, un système des canaux fluviaux les ont érodés hors des montagnes et les ont concentrées dans un delta où le fleuve s’est vidé dans un lac de cratère légèrement plus grand que Lake Tahoe en Californie, d’environ 40 kilomètres de diamètre. « La distribution des argiles à l’intérieur de l’ancien lit du lac montre que l’eau stagnante doit avoir persisté pendant des milliers d’années », note Bethany Ehlmann (Brown University), autre membre de l’équipe de CRISM et auteur principal de l’étude.

S’agissant de la composition du sol martien, les analyses effectuées par Phoenix le 25 juin immédiatement sous la surface des plaines arctiques de Mars, révèlent que le sol de Mars est semblable à celui de vallées sèches de l’Antarctique et d’autres lieux terrestres. Ce sol est alcalin et non pas acide et contient toute une gamme de composants salins, notamment du magnésium, du potassium et du chlore. Selon Sam Kounaves de l’université Tufts, chargé de la direction des expériences de chimie humide (c’est-à-dire par dissolution d’échantillons dans l’eau) menées par la sonde, "« Il ressemble à la Terre par beaucoup de côtés. C’est sans doute le type de sol que vous avez dans votre jardin : alcalin. Vous pourriez peut-être y faire pousser facilement des asperges, mais pas des fraises. »

Comme le souligne les scientifiques de l’IMEW, le Groupe de travail international sur l’exploration de Mars, l’étude et l’exportation de Mars présentent un intérêt immense car la planète rouge est la planète la plus ressemblante à la Terre dans le système solaire et les 700 premiers millions d’années de son histoire sont préservés dans sa géologie, contrairement à la Terre.

Récemment, des représentants d’agences spatiales et des experts réunis à Paris ont annoncé qu’une mission internationale pour rapporter des échantillons du sol de Mars pourrait être lancée dès 2018. Cette mission majeure, qui suppose une vaste coopération internationale, permettrait de rapporter sur Terre des roches martiennes pour les analyser. Pour le directeur général de l’Agence spatiale européenne (Esa), Jean-Jacques Dordain, un tel projet d’exploration "ne peut être qu’un objectif politique" car "il dépasse les cadres de la science, de la technologie et de l’éducation". Quant à l’étape suivante, que tout le monde pressent à présent elle aura une toute autre ampleur car il s’agit bien sûr d’une mission habitée vers Mars.

Cette mission, qui pourrait avoir lieu vers 2040, durera au moins trois ans. Elle sera la plus grandiose, la plus complexe et la plus risquée de toute l’aventure spatiale et constituera également un extraordinaire moment de l’aventure humaine. Elle répond à trois objectifs majeurs. Un objectif scientifique d’abord car, pour explorer Mars en profondeur et en percer les secrets, rien ne peut remplacer l’homme. Le second objectif est technologique : aller sur Mars nécessitera la mise au point de technologies nouvelles dans de multiples domaines : propulsion, informatique, matériaux, chimie, biologie. Les retombées d’une telle mission, si elle se conclut par un succès, seront immenses et entraîneront des sauts technologiques dans de nombreux secteurs.

Enfin le dernier objectif est de nature politique et quasiment philosophique : envoyer des hommes sur Mars et peut-être imaginer qu’ils puissent un jour lointain y vivre en permanence, représente un tel défi que l’humanité entière se sentira sans doute impliquée et associée à cette nouvelle odyssée que n’aurait pas désavouée Stanley Kubrick.

Imaginez quel éclatant symbole de l’esprit de conquête de l’espèce humaine serait le premier pas de l’homme sur Mars, le 21 juillet 2039, 70 ans après le premier pas sur la Lune de Neil Amstrong ! Il y a dans une telle aventure quelque chose qui dépasse nos vies et nos destins personnels et peut permettre aux habitants de notre planète de se rassembler et de s’enthousiasmer, au delà de leurs différences et de leurs conditions. C’est pourquoi nous devons faire de Mars la nouvelle frontière de l’exploration humaine.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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