NIST : un pont entre chaleur perdue et électricité générée

NIST : un pont entre chaleur perdue et électricité générée

Des chercheurs du NIST ont mis au point un dispositif susceptible de dynamiser considérablement la conversion de la chaleur en électricité. Si la technique est perfectionnée, elle pourrait aider à récupérer une partie de l’énergie thermique gaspillée chaque année aux États-Unis, estimée à environ 100 milliards de dollars.

La technique de fabrication innovante, mise au point par Kris Bertness, chercheuse au NIST, et ses collaborateurs, consiste à déposer des centaines de milliers de colonnes microscopiques de nitrure de gallium sur une plaque de silicium.

Des couches de silicium sont ensuite éliminées de la face inférieure de la plaque jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une mince feuille de matériau. L’interaction entre les piliers et la plaque de silicium ralentit le transport de la chaleur dans le silicium, permettant à davantage de chaleur de se convertir en courant électrique.

Une fois la méthode de fabrication perfectionnée, les plaques de silicium pourraient être enroulées autour de tuyaux à vapeur ou d’échappement pour convertir les émissions de chaleur en électricité qui pourrait alimenter des appareils à proximité ou être livrée à un réseau électrique. Une autre application potentielle serait le refroidissement des puces informatiques.

L’étude du NIST-Université du Colorado repose sur un phénomène curieux découvert pour la première fois par le physicien allemand Thomas Seebeck. Dans les années 1820, Seebeck étudiait deux fils métalliques, chacun constitué d’un matériau différent, reliés aux deux extrémités pour former une boucle. Il a observé que lorsque les deux jonctions reliant les fils étaient maintenues à des températures différentes, une aiguille de boussole à proximité se déplaçait.

D’autres scientifiques ont vite compris que la déviation se produisait parce que la différence de température induisait une tension entre les deux régions, provoquant un courant du point le plus chaud vers le point le plus froid. Ce courant créait un champ magnétique qui déviait l’aiguille de la boussole.

En faisant croître des nanopilliers au-dessus d’une membrane de silicium, les scientifiques du NIST et leurs collègues ont réduit la conduction thermique de 21 % sans réduire la conductivité électrique, un résultat qui pourrait stimuler considérablement la conversion de l’énergie thermique en énergie électrique. Dans les solides, l’énergie thermique est transportée par les phonons, des vibrations périodiques des atomes dans un réseau cristallin. Certaines vibrations des phonons de la membrane entrent en résonance avec celles des nanopilliers, ce qui a pour effet de ralentir le transfert de chaleur. Il est essentiel que les nanopilliers ne ralentissent pas le mouvement des électrons, de sorte que la conductivité électrique reste élevée, créant ainsi un matériau thermoélectrique de qualité supérieure.

En théorie, l’effet Seebeck pourrait être un moyen idéal de recycler l’énergie thermique qui serait autrement perdue. Cependant, il y a un obstacle majeur. Un matériau doit mal conduire la chaleur afin de maintenir une différence de température entre deux régions, mais conduire extrêmement bien l’électricité pour convertir la chaleur en une quantité substantielle d’énergie électrique. Pour la plupart des substances, cependant, la conductivité thermique et la conductivité électrique vont de pair ; un mauvais conducteur de chaleur est également un mauvais conducteur électrique et vice versa.

En étudiant la physique de la conversion thermoélectrique, le théoricien Mahmoud Hussein de l’Université du Colorado a découvert que ces propriétés pourraient être découplées dans une membrane mince recouverte de nanopiliers – des colonnes de matériau debout ne dépassant pas quelques millionièmes de mètre de longueur, soit environ un dixième de l’épaisseur d’un cheveu humain. Cette découverte a conduit à une collaboration avec Bertness.

Illustration de nanopiliers utilisés dans une nouvelle conception pour convertir efficacement l'énergie thermique en électricité. (Image : S. Kelley/NIST)
Illustration de nanopiliers utilisés dans une nouvelle conception pour convertir efficacement l’énergie thermique en électricité. (Image : S. Kelley/NIST)

Grâce à l’utilisation des nanopiliers, Bertness, Hussein et leurs collègues ont réussi à découpler la conductivité thermique de la conductivité électrique dans la plaque de silicium, une première pour tout matériau et une étape cruciale pour permettre une conversion efficace de la chaleur en énergie électrique. Les chercheurs ont réduit la conductivité thermique de la plaque de silicium de 21% sans diminuer sa conductivité électrique ou modifier l’effet Seebeck.

L’équipe travaille actuellement sur des structures entièrement fabriquées en silicium et avec une meilleure géométrie pour la récupération de chaleur thermoélectrique. Les chercheurs s’attendent à démontrer un taux de conversion de la chaleur en électricité suffisamment élevé pour rendre leur technique économiquement viable pour l’industrie.

Bertness et ses collaborateurs de l’Université du Colorado à Boulder ont présenté leurs résultats dans la revue Advanced Materials (« Semiconductor Thermal and Electrical Properties Decoupled by Localized Phonon Resonances »).

Paper: Bryan T. Spann , Joel C. Weber, Matt D. Brubaker, Todd E. Harvey, Lina Yang, Hossein Honarvar, Chia-Nien Tsai, Andrew C. Treglia, M. Lee, Mahmoud I. Hussein and Kris A. Bertness. Semiconductor thermal and electrical properties decoupled by localized phonon resonances. Advanced Materials. Published online March 23, 2023. DOI: 10.1002/adma.202209779

[ Rédaction ]
Lien principal : www.nist.gov

Articles connexes