Portée par un appétit mondial sans précédent pour les puces d’intelligence artificielle, Nvidia vient d’inscrire une nouvelle fois son nom dans les livres d’histoire de Wall Street. Le concepteur californien de processeurs graphiques affiche un chiffre d’affaires trimestriel proche de 46 milliards de dollars, un bond de plus de 50% sur un an, tandis que son bénéfice net suit une trajectoire tout aussi haussière.
Selon le consensus LSEG* relayé par plusieurs médias financiers américains, Nvidia a dégagé au deuxième trimestre de son exercice 2026 un chiffre d’affaires de 46,0 milliards de dollars, en hausse de 53% sur douze mois, pour un bénéfice par action ajusté d’environ 1,01 dollars. Ces niveaux dépassent les sommets déjà atteints au printemps (44,1 milliards de dollars), confirmant la capacité du groupe à transformer la ruée mondiale vers l’IA générative en revenus sonnants et trébuchants.
Plus précisément (NDLR : selon le communiqué officiel qui vient de tomber) : Nvidia a bouclé son deuxième trimestre fiscal 2026 avec 46,7 milliards de dollars de revenus, soit +56% sur un an et +6% par rapport au premier trimestre. Point névralgique : la branche Data Center, dédiée aux infrastructures d’IA, représente à elle seule 41,1 milliards de dollars (+56% sur un an). La montée en puissance de la nouvelle architecture Blackwell, dont les premiers racks « GB200 » partent à plusieurs millions de dollars l’unité, explique une partie de ce bond spectaculaire. Le bénéfice net se monte à 26,4 milliards de dollars (+59% sur un an) et un BPA dilué de 1,08 dollar (+61%),
Derrière la façade, un moteur domine : la division « Data Center » représente près de 88% des ventes et continue de progresser, portée par les commandes de centres de données dédiés au calcul et destinés aux grands modèles de langage. Cette dépendance sectorielle agite toutefois la vigilance des investisseurs : un ralentissement soudain des dépenses cloud ou un report de projets d’IA ferait mécaniquement vaciller la croissance.
Blackwell, la nouvelle poule aux œufs d’or
Si la génération de puces Hopper alimente encore la majorité des expéditions, c’est bien l’architecture Blackwell, officialisée au printemps, qui nourrit l’appétit des marchés. Déployée sous forme de racks GB200 (72 GPU au prix unitaire de plusieurs millions de dollars), la plate-forme affiche déjà des carnets de commandes remplis, si l’on en croit les analystes de KeyBanc : 30 000 racks pourraient être livrés sur l’année, soit 20% de plus que prévu initialement.
La forte demande, associée à des rendements de production qui s’améliorent chez les partenaires taïwanais, conforte le discours de Jensen Huang : « la vraie limite n’est plus la demande mais la capacité d’assemblage », martèle le dirigeant depuis plusieurs trimestres.
Le casse-tête chinois
Entre Washington et Pékin, Nvidia navigue à vue. Après avoir brièvement interdit les ventes de GPU haut de gamme au printemps, l’administration Trump a finalement levé son embargo en juillet, mais assorti les exportations d’une taxe de 15% sur les ventes vers la Chine. L’entreprise a déjà prévenu : ce tour de vis fiscal devrait lui coûter 8 milliards de dollars de revenus sur le trimestre en cours.
Pour limiter les dégâts, Nvidia planche sur un modèle « Blackwell » spécialement bridé afin de satisfaire les régulateurs américains tout en restant attractif pour les datacenters chinois. Une stratégie délicate : rogner les performances pourrait affaiblir la proposition de valeur, mais conserver des puces trop puissantes exposerait le groupe à de nouvelles sanctions.
Un géant devenu le baromètre de Wall Street
Avec une capitalisation qui a récemment franchi les 4 000 milliards de dollars, Nvidia est désormais plus qu’un simple fabricant de semi-conducteurs : c’est le thermomètre de l’économie de l’IA. Avant la publication des comptes, les options tablaient sur une variation boursière potentielle de 260 milliards de dollars en une séance, un signe de l’attention fébrile des marchés.
Rien ne semble pour l’heure freiner la trajectoire supersonique du groupe. Pourtant, l’équation se complexifie. Comment maintenir une croissance à 2 chiffres car celle-ci suppose d’élargir la palette de clients, de dompter les goulets logistiques et de composer avec des réglementations de plus en plus volatiles.
Jensen Huang semble quant à lui miser sur une « scaling law » où toujours plus de calcul produit toujours plus de valeur. À court terme, l’histoire lui donne peut-être raison. À plus long terme, il faudra prouver que la révolution de l’IA n’est pas seulement un feu de paille, mais bien la prochaine étape structurante de l’économie numérique mondiale.
* Le « consensus LSEG » désigne la moyenne des prévisions ou des estimations financières réalisées par un panel d’analystes et compilées par le London Stock Exchange Group (LSEG), un acteur majeur des données financières internationales.