Plan de développement des barrages en Turquie

Un projet pour réhabiliter la région du Sud-est

Le GAP (Güneydogu Anadolu Projesi), ou Projet pour l’Anatolie du Sud-est, est un immense plan de développement conçu à la fin des années 70 afin de rattraper les inégalités entre cette région sous-développée et le reste de la Turquie. Ce plan doit permettre à terme la production sous forme hydraulique de 22% de la consommation électrique turque (projections pour 2010), l’irrigation de 1,7 million d’hectares de terres cultivables, et la création de 3,5 millions d’emplois.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a dévoilé, le 27 mai dernier à Diyarbakir, le projet du gouvernement pour le sud-est du pays. Accompagné de douze ministres et d’une cinquantaine de députés AKP (le Parti de la Justice et du Développement), il a annoncé un investissement de près de 9 milliards d’euros d’ici à cinq ans dans ce "programme de réhabilitation sociale et de fraternité".

L’action du gouvernement suivra les grandes lignes du projet démarré il y a près de trente ans : construction de barrages, implantation de 1500 écoles, amélioration du système de santé, du réseau d’infrastructures et de transports, promotion de l’agriculture biologique, ou encore développement de programmes en langue kurde à la télévision.

La stabilité économique et politique de cette zone de troubles est aussi un objectif majeur de ce plan, pariant sur le fait que le développement social et économique de la région amènera un changement des mentalités et une meilleure intégration de cette région à population majoritairement kurde au sein du territoire turc. Par ailleurs, la croissance de l’activité agricole devrait permettre à la Turquie d’alléger considérablement ses importations dans ce secteur.

Un bilan mitigé, à quelques années de la fin du projet

Si, grâce aux nombreux barrages déjà construits et dotés de centrales hydroélectriques, les objectifs du GAP en matière de production d’électricité sont aujourd’hui remplis à 85%, seulement 25% des projets d’irrigations sont réalisés. Le développement social et économique s’est essentiellement fait ressentir dans le département de Gaziantep où un réel essor industriel est constaté. L’irrigation de la région d’Urfa, en revanche, n’a pas eu que des conséquences positives. L’environnement brutalement transformé a eu des répercussions sur le climat, la faune et la flore locales, et l’adaptation du mode de vie des populations locales à ces changements reste difficile.

Par ailleurs, certaines critiques s’élèvent au regard des conséquences de ces barrages sur les trésors archéologiques de la région comme le site de Zeugma, submergé après la construction du barrage de Birecik, ou celui d’Hasankeyf, menacé par le barrage très controversé d’Ilisu, dont la construction a encore été repoussée. Enfin, les lacs artificiels ont provoqué de nombreux déplacements de population qui ont alimenté l’exode kurde vers les grandes villes de l’Ouest du pays.

Un enjeu géostratégique majeur

Le Tigre et l’Euphrate prennent leur source en Turquie qui dispose respectivement de 12% et 28% de la superficie de leur bassin. Selon l’état d’ouverture des vannes des barrages en amont, la Turquie garde le contrôle de leur débit en aval, notamment en Syrie et en Irak , pays dans lesquels les deux fleuves constituent la ressource principale en eau.

Sans gisement important d’hydrocarbures, la Turquie importe la quasi-totalité de son énergie fossile. La maîtrise de l’or bleu lui permet ainsi de rivaliser avec ses voisins en matière d’énergie.

[BE Turquie numéro 9 (19/08/2008) – Ambassade de France en Turquie / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55701.htm]

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