Quelles innovations pour réduire les émissions de CO2 ?

Aujourd’hui encore, 80 % de la demande énergétique mondiale est satisfaite par les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon). Or, la production, la transformation et l’utilisation de ces énergies fossiles génèrent des émissions de CO2 dont l’impact sur le dérèglement climatique est reconnu par tous.

Dans le contexte d’une transition vers un système énergétique moins carboné, l’urgence de mettre en place des solutions innovantes pour réduire ces émissions est une priorité absolue. Olivier Appert, Président de l’IFP, expose les différentes voies technologiques qui permettront de réduire significativement les émissions de CO2.

Comment concilier augmentation de la demande énergétique et limitation des émissions de CO2 ?

Le défi est de taille. Chaque jour notre planète accueille quelque 200 000 habitants supplémentaires qui participent à l’augmentation des besoins en énergie. Besoins qui, pendant plusieurs décennies encore, ne pourront être satisfaits qu’avec une forte contribution des énergies fossiles compte tenu de l’inertie du système énergétique; inertie liée à la durée de vie des installations industrielles – une centrale à charbon construite aujourd’hui sera opérationnelle encore au-delà de la moitié de ce siècle – et au temps indispensable pour que les solutions alternatives arrivent à maturité technique et économique et donc, industrielle. Une longue période de transition sera nécessaire pour inverser les parts respectives des énergies fossiles et renouvelables. Pendant cette période, il faudra mettre en œuvre tout un ensemble de moyens visant à réduire les émissions de CO2.

Quelles sont les différentes voies à envisager ?

Il n’y a pas une solution unique mais un ensemble de mesures à prendre si nous voulons limiter le réchauffement de la planète. En premier lieu, l’efficacité énergétique doit être au coeur de nos efforts d’innovation. L’efficacité énergétique désigne les technologies qui permettent de produire les mêmes bien ou services en utilisant le moins d’énergie possible. Et qui dit moins d’énergie consommée dit aussi moins de CO2 émis. Cela nécessite notamment de développer des processus industriels toujours plus performants et de limiter les déperditions d’énergie dans la conception des bâtiments. Selon l’Agence internationale de l’énergie, cette action devrait pouvoir contribuer à hauteur de 45% à l’effort global de réduction des émissions. Deuxième voie : le recours accru aux énergies renouvelables et au nucléaire, qui aujourd’hui ne représentent qu’une part encore faible – moins de 20 % – de la fourniture d’énergie primaire dans le monde. Il faut aussi poursuivre les efforts pour réduire les émissions de CO2 du transport qui dépend à 97% du pétrole. Cela passe par la mise au point de moteurs plus propres et économes, par l’allégement des véhicules et par l’introduction progressive de l’électrification. Enfin, le captage et le stockage du CO2 émis par les grandes installations industrielles (centrales électriques thermiques, industries de la sidérurgie et du raffinage, cimenteries, etc.) pourrait représenter 20 % de l’effort global. Sans oublier un comportement plus responsable, et donc plus sobre, de chacun d’entre nous vis-à-vis de l’énergie.


Qu’en est-il des biocarburants aujourd’hui objet de controverses ?

L’utilisation des biocarburants est effectivement l’objet de polémiques : des questions se posent sur les incertitudes liées aux bilans d’émissions de gaz à effet de serre des différentes filières et sur la potentielle compétition, pour l’usage des sols, entre production alimentaire et production énergétique. S’agissant des bilans énergétiques et environnementaux, qui varient en fonction des régions, des espèces végétales et des modes de production agricoles et industriels, des études dites de cycle de vie, dont l’IFP s’est fait une spécialité, sont conduites de façon à identifier les filières les plus vertueuses.

S’agissant de la concurrence avec l’alimentaire, il faut d’abord rappeler que l’enjeu n’est pas de remplacer la totalité des carburants par les biocarburants mais de contribuer à diversifier les sources d’énergie utilisées par le transport. La disponibilité des biocarburants comme le biodiesel ou l’éthanol que l’on trouve aujourd’hui à la pompe atteint ses limites au-delà d’un certain seuil d’incorporation. C’est la raison pour laquelle la recherche s’oriente vers les biocarburants dits de 2e génération (biomasse lignocellulosique : déchets de bois, agricoles ou forestiers), voire de 3e génération (huiles algales), qui mobilisent des ressources en biomasse n’entrant pas directement en concurrence avec l’alimentation.

Quelles sont les solutions pour réduire les émissions de CO2 du secteur transports ?

Il n’existe pas LA solution miracle qui constituerait la panacée mais un éventail de différentes technologies conduisant à des gains en émissions de CO2. La situation actuelle qui repose à 97 % sur le moteur à combustion interne alimenté par des carburants pétroliers est en train d’évoluer. A court et moyen termes, nous allons vers un système où des solutions diversifiées, adaptées à différents segments de marché, tant du point de vue des technologies que du point de vue régional seront proposées. On pourra trouver, ici, un véhicule dédié aux déplacements urbains et aux centres-villes en fonction de normes locales, là, un autre adapté au transport routier ou pour des flottes captives. Au-delà de l’optimisation des motorisations classiques essence et diesel, cela se traduit depuis quelques années par un développement important des biocarburants et du gaz naturel, même si cela reste encore marginal en volume au niveau mondial, et plus récemment, par une électrification croissante des véhicules.

Par électrification, il faut entendre des configurations variées de véhicules, adaptées à des usages différenciés, de l’hybride simple Stop&Start à l’hybride plug-in (rechargeable sur le réseau électrique), en passant par la voiture électrique. Il ne faut cependant pas oublier que les performances environnementales de ces nouvelles motorisations sont fonction des puissances électriques disponibles à bord mais aussi, et surtout, de la source d’énergie utilisée pour produire l’électricité nécessaire à la mobilité du véhicule. Si la France avec une électricité majoritairement d’origine nucléaire, n’émettant pas de CO2, est plutôt bien positionnée, cela est loin d’être le cas dans de nombreux pays produisant leur électricité à partir d’énergies fossiles. Bénéficiant de compétences clés en technologies moteurs, modélisation, simulation et carburants, l’IFP est fortement engagé aux côtés des industriels dans la recherche sur le véhicule électrifié.

Le captage-stockage du CO2 est-elle une piste sérieuse ?

Tout ce qu’il y a de plus sérieux. Depuis 1996, 11 millions de tonnes de CO2 ont été injectées dans une couche géologique profonde en mer du Nord norvégienne à Sleipner. C’est même une piste incontournable dans la période de transition que nous allons vivre et pendant laquelle les énergies fossiles contribueront encore fortement aux besoins énergétiques au niveau mondial. Il s’agit de récupérer les émissions concentrées de CO2 issues des installations industrielles puis de les injecter dans des couches géologiques profondes où elles pourront être stockées en toute sécurité. L’IFP est un chef de file reconnu de la recherche européenne dans ce domaine. De nombreux projets de démonstrateurs de taille industrielle visant à valider les technologies de première génération voient le jour, témoignant de la vitalité de la filière. Ils seront mis en place d’ici 2015, avant un déploiement commercial en 2020. De nouveaux procédés qui s’appuient sur des innovations de rupture sont aussi étudiés dans le but de réduire significativement les coûts et la pénalité énergétique, c’est-à-dire l’énergie additionnelle utilisée par les technologies de captage. Au-delà des défis technologiques, l’accélération de l’industrialisation de cette technologie nécessite des réglementations et des mécanismes incitatifs qui se mettent progressivement en place dans différents pays. Mais encore une fois, cette solution ne résoudra pas tout et doit venir en complément des actions liées à l’efficacité énergétique et au développement d’énergies alternatives.


Peut-on être optimiste pour l’avenir ?

De nombreux défis nous attendent : protection de l’environnement, réchauffement climatique, sécurité énergétique. Il est clair que pour permettre à notre planète d’abriter plus de 8 milliards d’habitants, dont une part croissante aspire à des modes de consommation proches des nôtres, des évolutions profondes devront être conduites. La recherche et l’innovation ouvrent des perspectives intéressantes dans de nombreux domaines – efficacité énergétique, véhicules hybrides et électriques, biocarburants, énergies renouvelables – pour lesquelles il convient aujourd’hui de mutualiser les compétences et les moyens de tous afin d’être plus efficace et d’aller encore plus vite dans l’atteinte des objectifs. C’est justement ce que l’ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie) ambitionne de faire.

Créée à la demande du gouvernement par l’IFP, le CEA et le CNRS en tant que membres fondateurs, et associant tous les acteurs publics et privés du secteur, cette alliance va devoir identifier les verrous scientifiques, techniques, économiques et environnementaux qui limitent le déploiement des nouvelles technologies en matière de production, de transformation et d’utilisation de l’énergie. Son véritable challenge sera ensuite, et ce dès juin 2010, de proposer des programmes de recherche communs ambitieux pour lever les verrous identifiés et mettre au point les innovations indispensables à l’alimentation des filières industrielles actuelles et futures dans des domaines aussi variés que la biomasse, les énergies marines, l’éolien, l’hydraulique, le solaire, le véhicule hybride ou encore l’hydrogène, sans oublier les énergies fossiles et le nucléaire. Les programmes ainsi définis par l’ANCRE devront être fortement créateurs de richesse et d’emplois.

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Pastilleverte

émissions de CO2 dont l’impact sur le dérèglement climatique est reconnu par tous. ça commene très fort, tiens on ne parle plus de réchauffement mais de dérèglement, quel dérèglement ? le séisme à Haïti, la saison cyclonique la moins intense depuis 30 ans au niveau mondial ou un début d’hiver froid avec neige (en hiver !) dans notre beau pays ? CO2= dérèglement reconnu par “tous” ??? ben non justement ! Bon après on rentre dans la bénédiction du nucléaire, ce qui ne manque pas de sel (radioactif) de la part de pétroliers (Total serait il en train de vouloir racheter Areva ?), et les pistes pas originales mais bien réelles d’économies de consommations, d’efficacité énergétique et des vrais faux “bio” carburants; la production d’huile algale est tout de même évoqué, mais du bout de la plume (Total ne s’intéresserait il pas ou plus à cette filière ?) Mais, bon il y a l’éolien, et oyez oyez braves gens, en Espagne, le 31 décembre entre 3h54 et 4h06, comme le dieu Eole était inspiré, il a fourni 54,6% de la production de ce pays. Tous les espoirs sont donc permis (de construire quelques dizaines de milliers d’aérogénérateurs, avec les lignes HMT qui vont avec)

Michel beaune

   Je suis toujours surpris effaré de lire des articles de personnalités dont on pourrait penser qu’elles ont des capacités d’expertise. L’article ci-dessus, qui comporte des aspects intéressants, présente aussi une contradiction évidente: les biocarburants sont présentés comme des alternatives face aux émissions excessives de CO2.   J’ai travaillé pendant 30 ans dans l’industrie chimique et prétend avoir quelques connaissances en chimie. Les carburants produits à partir des végétaux (maïs et autres céréales) sont des composés hydrocarbonés dont la combustion émet quasiment autant que les dérivés du pétrole (essence, gas-oil, kérosène). De plus, pour les produire il faut mettre en oeuvre des techniques nécessitant des ressources énergétiques (tracteurs, moissonneuses, engrais, transport et stockage, distillation).   Il semble qu’un certain nombre d’observateurs et de décideurs revoient leur copie relativement aux biocarburants.   Quant au gaz naturel, il ne présente pas d’amélioration par rapport aux combustibles liquides dérivés du pétrole, étant un composé également hydrocarbonné dont la combustiondégage du CO2.   La prédominance relative mais  progressive des cultures destinés aux biocarburants dans des pays comme le Brésil au détriment des cultures vivrières commence à poser de sérieux problèmes pour nourrir les populations du Monde.  Enfin, un clin d’oeil: le pétrole est un biocarburant naturel puiqu’il provient de la décomposition des végétaux enfouis dans le sol depuis des centaines de milliers d’années. ( je ne suis pas un partisan à tout crin de la production pétrolière quiqu’il arrive).

De passage

car en fin de nuit de la St Sylvestre TOUT le monde sait que la consommation électrique tombe à un niveau très bas. Bon vous êtes content: 55% de la demande durant 12 minutes sur les 526 000 minutes de l’année! Vous n’êtes pas difficile mais personne ne s’y laissera prendre. Sans rancune

[ylt]

Tout à fait d’accord avec toi Florette, on cherche toujours à limiter les conséquences sans se préoccuper de la cause. Il est évident que les 8 milliards d’individus que nous serons bientôt ne vivrons pas la vie que nous vivons en occident. Mais cela ne semble pas dans les objectifs de l’IFP de remettre en cause notre modèle économique! A+

Dan1

Pour les spécialistes, je vous laisse expliquer comment l’Espagne était alimentée à 55 % par l’éolien le 31 décembre vers 4h00 du matin : La demande électrique : La production éolienne :

Samivel51

Oui. Et par dessus le marché, les agrocarburants encouragent la déforestation, polluent et massacrent la bio-diversité par usage massif de pesticides (herbicides, insecticides, fongicides, bactéricides, et j’en passe).  Bref c’est une arnaque totale. Meme les biocarburants de 2eme generation sont sujets à caution: la vocation habituelle des déchets végétaux agricoles est de pourrir sur les sols et ainsi de leur apporter de la matière organique, source durable et propre d’engrais et d’aération des sols. Ils limitent aussi l’érosion sur les sols nus. Si ces déchets végétaux deviennent du carburant, les agriculteurs devront compenser par plus d’engrais chimiques. Or engrais chimiques = émissions de CO2 +++…

Teredral

Même s’il n’annonce pas de nouveautés extraordinaires dans cette brève, Olivier Appert fait partie des acteurs compétents sur les questions énergétiques. Il devrait être plus souvent sollicité par les medias, en lieu et place des éternels “experts en tout” attitrés de la presse écrite, parlée ou télévisée.

michel123

Visiblement mr pastille verte aime à jouer l’autruche et penser que l’on peut impunément exploser le taux de co2 atmosphérique sans que cela nous retombe sur le coin de la tête , aprés moi le déluge!! Il y a pourtant des chiffres qui ne sont contestés par personne: Le taux de co2 sur les deux derniers millions d’années (relevés par deux méthodes différentes qui se sont corroborées  , les bulles de gaz en antartique et la composition en carbonate de calcium des coquillages sédimentaires) Ce taux donc n’a jamais dépassé 280 ppm en deux millions d’années et depuis le millieu du 19 ème siècle  non seulement ce taux est dépassé mais il explose et franchit allègrement les 385 ppm , il continue à augmenter de 2 ppm par an , c’est à dire que dans 10 ans il sera à 400 ppm. Pour les ignorants qui sont également les plus bavards et péremptoires sur ce forum : 400 ppm cela correspond à un taux qui fut atteint il y a 3 millions d’années avec une température de + 5 ° et non + 2° comme l’on veut nous le faire croire.   Cela veut dire en clair des déréglements en cascades , des conséquences incalculables sur les biotopes avec un effet auto aggravant par altération de la pompe à carbone. Alors évidement l’inertie de la machine climatique est telle , que l’augmentation parait faible et sans conséquence . Il suffit de voir la dynamique des courbes de croissance  co2 , méthane , oxydes d’azote (les trois principaux gaz à effet de serre)  température moyenne du monde (et non pas de notre microclimat personnel), ph océanique en baisse pour savoir que loin de décélérer , les dérèglements s’accélèrent lentement mais sûrement Mr Pastille verte a sans doute raison de continuer de flotter dans sa petite bulle d’autosatisfaction et de dénigrement multifocal , car quoi que nous fassions , il est peut être déja trop tard. MC

Sicetaitsimple

Bien sûr, 50% de la puissance en plein milieu de la nuit, c’est un point singulier aujourd’hui. Ceci dit, dans certains pays en Europe, le “problème” devient de plus en plus courant, et ça va forcément aller en croissant avec la croissance de l’éolien. Il faut quand même relativiser. Bien sûr, le problème n’existait pas il y a 10 ans, mais les gestionnaires de réseaux en première ligne ( Vattenfall, REE, Eiregrid, le GRT Danois,…) gèrent à peu près la situation, au moins jusqu’à maintenant. Il n’y a pas de réel problème technique global au développement de l’éolien (il y en a sur le plan local), car on pourra toujours imposer une baisse de charge en cas de surproduction, quelques heures ou dizaines d’heures par an. Ca peut peut-être hérisser quelques susceptibilités, mais si l’éolien devient un moyen de production massif, il faudra bien qu’il encaisse les inconvénients ( la régulation) lié à une présence massive, pour devenir un moyen de production come un autre, et non un petit chouchou qui produit quand et comme il a envie ( plutôt comme il peut).