“Réaliser des profits sans lutter contre les dérèglements climatiques”

Sept ans après son lancement, le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions de gaz à effet de serre (SCEQE ou EU ETS) n’a pas réussi à atteindre ses objectifs : La Commission Européenne elle-même en est arrivée à cette conclusion puisqu’elle propose différentes options pour résoudre les problèmes survenus.

Pourtant, une option importante est absente du document de la Commission : la suppression du SCEQE après 2020.

« Le SCEQE n’est pas adapté et ne fonctionne pas. Il a produit des bénéfices exceptionnels pour les entreprises polluantes, il a repoussé la transition nécessaire et l’abandon des combustibles fossiles, maintenant l’Union Européenne (UE) dans la production d’énergie à base de combustibles fossiles. Ces faiblesses structurelles demeurent sans réponse de la Commission », a déclaré Maxime Combes d’Attac France.

La Commission propose exclusivement des options visant à stabiliser les prix des permis d’émissions de CO2 qui sont échangés sur le SCEQE. En raison de l’effondrement du prix de la tonne carbone, le SQECE ne fournit aucun signal prix adéquat pour des investissements dans les technologies à faible intensité carbone et les infrastructures nécessaires que les partisans du marché carbone avaient pourtant promis.

« Ceci prouve les contradictions existantes au sein même de la vision de l’UE concernant le SQECE : un mécanisme de marché peut-il fournir un signal-prix fiable alors que le quota maximum d’émissions est basé sur les projections futures établies par les industriels et que les prix sur le marché dépendent des anticipations des fonds financiers ? L’expérience montre que non », selon Geneviève Azam d’Attac France.

La proposition de la Commission laisse un autre inconvénient structurel sans réponse : le quota maximal d’émissions peut être transgressé et dépassé, notamment à travers l’introduction dans le SQECE des certificats de réduction d’émissions provenant des mécanismes internationaux de compensation. Les projets de compensation dans le Sud n’ont pas généré le développement soutenable qu’ils étaient sensés permettre. En outre, les dispositifs de compensation carbone ne réduisent pas les émissions mais elles les déplacent, et tout système de marché permettant l’utilisation des dispositifs de compensation retarde la véritable réduction des émissions.

Plutôt que de permettre la transition vers des sociétés faibles en carbone, le SQECE est un mécanisme bloquant toute possibilité de décisions politiques courageuses qui pourrait mettre fin à notre actuel modèle énergétique basé sur les énergies fossiles. Dans son dernier rapport (le World Energy Outlook 2012 du 12 novembre 2012), l’Agence internationale de l’énergie a averti que deux tiers des réserves prouvées de combustibles fossiles devraient rester dans le sol afin d’éviter une élévation de température au delà des 2 degrés Celsius. Une forte volonté politique, et non des mécanisme de marché, est nécessaire pour mettre en oeuvre ces recommandations..

« Plutôt que prendre leurs responsabilités, les gouvernements ont volontairement mis leur principal instrument de lutte contre les dérèglements climatiques dans les mains des marchés financiers. Comme nous le savons, les mécanismes de marché ont leur propre logique. Réaliser des profits sans lutter contre les dérèglements climatiques est devenu l’objectif primordial des acteurs impliqués dans le commerce du carbone. C’est une illusion de croire que quelques mesurettes comme celles présentées par la Commission Européenne seraient en mesure d’améliorer significativement le SCEQE » conclut Maxime Combes.

*Les organisations signataires : Attac France, Carbon Trade Watch, Corporate Europe Observatory, Counter Balance, FERN, Re:Common

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Nicias

Si parrallèlement au SCEQE l’Europe n’avait pas développé des systèmes concurrents comme la subvention directe des EnR (qui fait baisser le prix de la tonne de carbone), le SCEQE aurait mieux marché. Ceci dit, une taxe toute bête serait plus efficace et simple.

Sicetaitsimple

est parfaitement pertinente. On se fixe trois objectifs, les fameux 20/20/20 ( 20% de réduction des émissions de CO2 par rapport à 1990, 20% d’energie renouvelable dans l’energie finale en 2020 , 20% de mieux en efficacité énergétique), objectifs louables mais interdépendants.Et chaque pays met en place, en fonction de sa situation personnelle, les politiques lui semblant les plus appropriées pour atteindre les objectifs. Une bonne crise là-dessus et la réduction malheureusement “naturelle” des émissions de CO2 qui va avec (au moins relativement) , et bien entendu les outils qui avaient été mis en place pour gérer ça ne donnent plus les bons signaux. Il y a une solution relativement simple, c’est “d’acter” les effets de la crise et de retirer du marché les quotas excedentaires, tout en conservant la même trajectoire de réduction en %/an. J’imagine que tous les pays européens ne sont pas forcément d’accord là-dessus. Mais ce qui est expliqué dans l’article est faux, sans la crise le SCEQE aurait certainement bien fonctionné moyennant quelques ajustements, et il peut le faire en remettant les “compteurs à zéro”. Juste une question de recalage. Espérer piloter ça sur 10 ans ou plus avec un système figé sans un peu de “fine tuning” de temps en temps est complètement absurde.

Chlamic

on revient au B A BA ne l’économie politique. Tout système soit-disant correcteur élaboré par des technocrates mène automatiquement à des contournements pervers. Pervers certes mais extrêmement rémunérateurs pour ceux qui savent en être bénéficiaires. Prosaïquement, des boîtes se sont spécialisées dans la commercialisation des CEE (certificats d’économies d’énergie) rachetés en deuxième rang par Total, EDF, les gaziers, etc… Le même constat s’impose dans tous les contextes : la complexité fiscale mène à l’optimisation, joli mot technocrate. L’agence française du médicament ? Ses procédures sont tellement viciées qu’elles sont en contradiction avec les principes de santé publique, etc. Les deux premiers commentaires sont exemplaires de ce qu’est la pensée technocratique : sûre d’elle, obtue et irresponsable. Voyez donc où ça nous a menés…