Les scientifiques de l’Institut Salk ont franchi une étape supplémentaire dans la compréhension d’un syndrome affectant de nombreux athlètes. Leur création d’un modèle murin du syndrome de déficience énergétique relative dans le sport (RED-S) ouvre la voie à des avancées significatives dans le diagnostic et le traitement de cette condition méconnue.
Le RED-S : un déséquilibre énergétique aux conséquences multiples
Le syndrome de déficience énergétique relative dans le sport, ou RED-S, touche plus de 40% des athlètes professionnels et potentiellement davantage de sportifs amateurs. Il survient lorsque l’énergie dépensée lors de l’activité physique dépasse constamment l’apport calorique.
Ce déséquilibre prolongé entraîne divers symptômes :
- Problèmes hormonaux et reproductifs
- Insomnie et fatigue
- Fragilité osseuse et risque accru de blessures
- Prédisposition à l’anxiété et la dépression
Jusqu’à présent, les mécanismes cellulaires et moléculaires du RED-S restaient obscurs, faute de modèle de laboratoire adapté.
Une percée scientifique : le modèle murin du RED-S
L’équipe du professeur Satchidananda Panda de l’Institut Salk a réussi à créer un modèle murin reproduisant fidèlement les symptômes du RED-S chez l’humain. Cette avancée, publiée dans Cell Metabolism, permet d’explorer en profondeur les effets du syndrome sur l’organisme.
Le professeur Panda explique ce phénomène : «L’établissement d’un modèle animal efficace du RED-S nous permet désormais d’examiner systématiquement comment le syndrome affecte chaque organe, tissu et os du corps, et d’envisager des solutions pour les athlètes souffrant de ces symptômes.»
Une approche novatrice
Les chercheurs ont adopté une méthode originale pour développer leur modèle :
- Modification progressive du ratio exercice/alimentation des souris
- Reproduction des caractéristiques humaines du RED-S : activité élevée, faible apport énergétique, poids réduit, perturbation des cycles activité-repos, glycémie basse
- Utilisation de jeunes souris pour simuler l’âge typique des athlètes professionnels (équivalent humain : 20-25 ans)
Des découvertes surprenantes sur les effets du RED-S
L’étude du modèle murin a révélé des impacts insoupçonnés du syndrome :
1. Effets sur l’anatomie et l’expression génique
Les chercheurs ont analysé 19 organes différents chez les souris atteintes de RED-S :
- Réduction significative de la taille des organes vitaux (reins, organes reproducteurs)
- Détérioration de la qualité osseuse
- Modifications de l’expression génique dans l’ensemble du corps
2. Différences entre mâles et femelles
Le syndrome affecte différemment les souris selon leur sexe :
- Mâles : impact plus important sur la santé rénale
- Femelles : atteinte plus marquée de la santé reproductive et de la masse musculaire
3. Marqueurs de stress élevés
L’étude a mis en évidence une activation du réseau hormonal cerveau-corps, connu pour contribuer à l’anxiété et la dépression, avec des effets plus prononcés chez les femelles.
Laura van Rosmalen, première auteure de l’étude, souligne pour sa part : «Il est vraiment intéressant – et choquant – de constater à quel point l’ensemble du corps est impacté par ce syndrome.»
Vers de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement
Les découvertes de l’équipe de Salk ouvrent des pistes prometteuses :
- Identification de biomarqueurs potentiels pour un diagnostic plus précis du RED-S
- Nouvelles cibles moléculaires pour de futurs traitements visant à stopper, inverser ou prévenir le syndrome
Le professeur Panda nuance toutefois cette découverte : «La solution pour le RED-S ne semble pas aussi simple qu’une simple augmentation de l’apport calorique. Nous avons maintenant beaucoup à explorer avec ce modèle pour déterminer exactement quelles devraient être nos recommandations cliniques.»
Les recherches sur le RED-S pourraient bénéficier à d’autres populations souffrant de déséquilibres énergétiques, comme les personnes atteintes de troubles alimentaires tels que l’anorexie mentale.
Cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux de la Wu Tsai Human Performance Alliance, une équipe collaborative de chercheurs étudiant les performances athlétiques de pointe, avec un accent particulier sur les athlètes féminines.
Légende illustration : Représentés sur un pot inspiré des origines grecques antiques des Jeux olympiques, deux athlètes brandissant des torches et leurs modèles de souris correspondants sont représentés avec des ROUGES (à gauche) et sans (à droite).
Article : » Multi-organ transcriptome atlas of a mouse model of relative energy deficiency in sport » – DOI: S1550-4131(24)00328-0